Gilles en vrac… depuis 2002

2017- une année charnière ?

Non je ne ferai pas une revue de l’année 2017 à l’échelle internationale… Juste quelques souvenirs et rapides commentaires avant de faire, succinctement, le tour du jardin qui fut le mien en 2017…

50 ans après l’année 1967… année du 100e anniversaire de la Confédération canadienne ; année de l’Exposition universelle de Montréal, du Vive le Québec libre ! de Charles de Gaule ; année de parution du Sgt. Peper’s Lonely Hearts Club Band ; année de naissance du Flower Power au Summer of Love à San Francisco, aussi l’année des émeutes  Détroit et de la mort du Che Guevara…

Après huit années de Barack Obama au pouvoir aux États-Unis, Trump s’avance dans la controverse du nombre de participants à son inauguration…

Deux images (extraites de L’année en images du New York Times) illustrent bien la division du peuple américain.

Des centaines de milliers participent à la Marche des femmes sur Washington le 21 janvier pour dénoncer le chauvinisme du nouveau président.
En août, des néo-nazis marchent sur l’Université de Virginie.

Malgré les reculs et conséquences néfastes des politiques d’austérité menées au Québec et ailleurs, les forces « de gauche » marqueront des points en 2017, notamment avec l’élection de Valérie Plante à la mairie de Montréal en novembre.

Pour ma part, l’année de mes 65 ans fut plutôt occupée. J’ai l’impression qu’elle le fut un peu plus que les précédentes. Illusion due à l’importance plus grande qu’on donne aux évènements récents ?

Pour faire ce « bilan », j’ai d’abord jeté un coup d’oeil sur mon agenda Google, qui conserve (pendant des années) mes rendez-vous et réunions. Je remarque les multiples inscriptions automatique qu’a générées le logiciel d’entrainement à la course utilisé, pendant quelques mois, pour suivre l’évolution de ma performance. Quelques mois seulement…

Je suis surpris du nombre de cahiers de notes remplis au cours de l’année. L’équivalent de 6 cahiers. Des notes qui se sont parfois transcrites en billets ici publiés. Mais aussi des notes en vue de discussions menées au sein d’organisations. Aussi des notes de lecture ou encore notes prises lors de conférences ou séminaires. En fait je suis un peu surpris du nombre de colloques (et d’évènements) auxquels j’ai participé cette année !

  1. Consultation publique sur l’aménagement de la « Cité logistique » organisée par l’arrondissement Mercier-Hochelaga-Maisonneuve du 28 janvier. Mon billet intitulé « un lien vert à protéger« , reprenant le « mémoire » personnel déposé pour l’occasion, soulève un aspect particulier qui me tenait à coeur : le maintien et l’amélioration de la voie cyclable en site propre reliant l’est et l’ouest de ce qui sera une nouvelle avenue nord-sud à hauteur de l’actuel boulevard de l’Assomption. La consultation locale n’a pas suffit à calmer les résidents : le maire Ménard a dû se résoudre à demander une consultation officielle du Bureau de consultation publique de Montréal. Avec le recul on se demande d’ailleurs pourquoi cette tentative de court-circuiter le processus plus long mais bien établi de consultation du Bureau ? Parce qu’il fallait faire vite pour ne pas rater une opportunité ? Parce que le plan avait été réfléchi depuis longtemps ? (ce qui contredit l’idée d’une opportunité à saisir).
  2. 24 février, séminaire de 3 h sur la co-construction des connaissances et des politiques par Yves Vaillancourt, dans le cadre du CRISES; en après-midi, j’attrape la fin de la conférence inter-régionale annuelle du partenariat de recherche ARIMA
  3. 9 mars, début de la consultation auprès d’un organisme en difficulté. Ce n’est pas un colloque ni un séminaire, mais ç’aura été aussi exigeant que plusieurs colloques d’affilé. Implication relativement intense auprès du C.A. de l’organisation  et du personnel du CIUSSS local, jusqu’à l’embauche d’une direction intérimaire, à la mi-avril. Un billet Huit principes de gestion des communs rédigé fin mars tire certaines leçons de l’expérience.
  4. Les 6 et 7 avril se tenait le 5e colloque international du CRISES, sur le thème Des émergences à la reconnaissance – trajectoires d’innovation. Un programme de 50 pages, des Actes du colloque publiés dès l’ouverture du colloque (!) comprenant plus de 800 pages de conférences… C’est malheureux que la conférence d’ouverture de Jean-Louis Laville ne soit pas inclue dans les Actes… De même que j’ai trouvé malheureux qu’aucune période de question n’ait été réservée pour permettre à la salle d’interagir avec lui. Si je me souviens bien sa communication avait quelques aspects critiques qui font trop souvent défaut à ces rassemblements éclectiques autour d’un thème galvaudé comme l’innovation, fut-elle sociale. Un Laville dont nous avons lu plusieurs ouvrages durant l’année, et assisté à une autre conférence d’ouverture au colloque des 14 et 15 décembre (voir plus bas).
  5. Les 20 et 21 avril se tenait un colloque sur le thème Crises socioéconomique et environnementale : rôles et responsabilités des fondations subventionnaires, de la réflexion à l’action, organisé par le PhiLab, le Laboratoire montréalais sur la philanthropie canadienne. C’était ma première participation à une activité du PhiLab, dont j’avais vu passer la publication d’une étude sur la fondation Béati. J’ai rendu compte de cet évènement par deux billets écrits les 3 et 12 mai : philanthropie et changement social – 1 et philanthropie et changement social – 2. C’était pour moi ne première prise de contact avec ce monde de la philanthropie comme question sociale posée collectivement, publiquement. J’avais bien lu des articles sur la question, rencontré des représentants de fondations et des philanthropes dans le passé, mais pas encore dans le cadre d’un débat public portant spécifiquement sur le rôle changeant de la philanthropie. Une réflexion qui se poursuivra à l’automne au troisième sommet de l’Institut Mallet.
  6. Les 5 et 6 mai se tenaient les Journées Jane Jacobs pendant lesquelles j’organisai une « Promenade Jane Jacobs » sur la rue Adam, dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve. Annoncé à nouveau à la fin avril, puis commenté dans un pas à pas et enfin dans une réflexion subséquente (de la charité à la solidarité), l’évènement continu de faire des vagues, encore aujourd’hui, dans ma démarche heuristique. Ce n’est pas tant l’évènement que les rencontres faites dans le but de poursuivre cette « réflexion sur l’héritage laissé par l’action des communautés et personnes religieuses au coeur de plusieurs organisations communautaires. » J’y reviendrai.
  7. Sous le thème « Montréal urbaine & sociale, croisons nos perspectives » (pdf) quelque 250 personnes se réunissaient les 13 et 14 juin pour discuter des enjeux du développement social pour la métropole. J’ai eu la surprise, et le bonheur, d’y participer en tant que « blogueur invité ». Ce qui m’a sans doute encouragé à produire un billet de compte-rendu (le 5 juillet) assez étoffé, et un autre (le 16 juillet) de suivi sur les questions soulevées par un plan d’action devant mettre en oeuvre la toute nouvelle Politique de développement social montréalaise. Quels changements le nouveau statut de métropole pour Montréal laisse-t-il entrevoir ?
  8. Ma participation au troisième Sommet de l’Institut Mallet sur la philanthropie, tenu au Palais des congrès de Montréal les 14 et 15 novembre m’aura amené à fouiller les archives de cet Institut encore jeune (2011). Comment les deux premiers sommets (2013 et 2015) ont préparé ce 3e. La parution de Les fondations philanthropiques : de nouveaux acteurs politiques ? est venue aussi nourrir ma réflexion et un billet assez élaboré, au titre qui se voulait intrigant : Sommets, PIC et dons. Les stratégies de grandes fondations telles Chagnon, McConnell et Centraide Montréal me sont maintenant plus claires…
  9. L’année s’est terminée avec le colloque Quel avenir pour les communautés et l’action collective ? qui se tenait les 14 et 15 décembre au Centre Saint-Pierre à Montréal. Une belle brochette d’intervenants communautaires, de conférenciers d’ici et d’ailleurs. Et une (autre) conférence d’ouverture par Jean-Louis Laville, qui était particulièrement en verve ce jour là. Vous pourrez voir ou revoir les conférences des divers panels : Regards internationaux sur le développement des territoires; Action et intervention collectives : un état des lieux au Québec; Participation citoyenne et développement – quels enjeux ?

Je n’ai pu assister qu’au début de ce dernier colloque, étant affligé d’une méchante grippe que j’ai voulu garder pour moi ! Heureusement, il y a les enregistrements vidéo mis en ligne sur le fil Youtube du Centre Saint-Pierre. Je n’ai pas encore écouté toutes les conférences, mais certaines d’entre elles méritent l’attention : l’ouverture de Laville, certainement, mais aussi l’intervention de Deena White, celle en clôture de Juan-Luis Klein… René Lachapelle aussi.

D’autres questions, moins visibles à l’agenda des colloques m’ont aussi préoccupé cette année.

Les politiques de logement, en particulier la préparation de la nouvelle politique fédérale, ont mobilisé plusieurs organisations (RQOH, ACHRU) ou suscité de nouveaux regroupements (OBNL développeurs de Montréal). Le résultat est-il à la hauteur des attentes et espoirs ? Je ne crois pas, bien que les premières réactions aient mis l’accent sur les aspects positifs de la nouvelle politique, comme c’est devenu la norme dans le monde des approches partenariales et participatives. Après 10 années de fédéralisme à la Harper, les acteurs de la société civile sont encore sous le charme de pouvoir dire leur mot, de participer, hypnotisés par l’écoute de certains décideurs. Les politiciens démocrates sont des experts en écoute et empathie. Mais les décisions et choix difficiles se font encore derrière des portes closes… ou sont reportés loin devant dans le temps.

La question des investissements responsables des fondations philanthropiques fut soulevée plus ou moins directement lors des deux colloques d’avril et novembre auxquels j’ai assisté. Soulevée directement au moment de la période de question en avril (Qu’est-ce que vous faites avec le 96,5% des capitaux que vous ne donnez pas chaque année ?) mais aussi par les interventions de J.P. Racette, de la SHAPEM, interpellant fondations et fonds de pension pour qu’ils considèrent des investissements patients mais structurants dans le domaine du logement social et communautaire. Chacune à leur manière les grandes fondations répondent à ces questions en affectant un pourcentage de leurs investissements en capitaux à des « logements collectifs » (10% pour Chagnon) ou à des expériences d’investissements d’impact en milieu autochtone (McConnell). S’il faut s’intéresser aux effets sociaux bénéfiques (ou non) des investissements (quelques milliards) faits par les fondations philanthropiques, ceux-ci peuvent multiplier leur impact en incitant les fonds de pension, riches de dizaines, centaines de milliards, à investir eux aussi en tenant compte de l’impact social, de l’effet structurant (écologique et social en plus d’économique) de leurs décisions.

Dans le même ordre d’idées, un problème me tarabuste encore en cette année de conclusion de l’entente entre le gouvernement provincial et la Caisse de dépôt et de placement du Québec (CDPQ) à propos du financement du projet de Réseau électrique montréalais (REM). Le taux de rendement promis de 8-9% par an, alors que la contribution massive du public aux frais de construction et la sécurité et stabilité politique d’un tel investissement au pays plutôt qu’à l’étranger devraient dicter un retour moins gourmand. Exiger des rendements plus élevés à long terme, des rendements qui sont négociés aujourd’hui avec un gouvernement plutôt qu’avec les conditions du marché de demain et après-demain, c’est encore une façon de pelleter vers l’avant les problèmes. Réduire la vitesse à laquelle nous consommons les ressources de la planète, cela devrait se traduire par une croissance moindre du PIB et des retours plus sobres sur les investissements.

Finalement, une partie importante de mes lectures et entretiens de la dernière période aura tourné autour de la religion : à partir d’un questionnement tout à fait sociologique (quelle fut la part des communautés religieuses dans l’émergence de la mouvance communautaire des années ’80 ?) je me suis avancé en poursuivant mes lectures de Gregory Baum, et mes entretiens avec soeur Annette Benoît, Petite soeur de l’Assomption maintenant âgée de 94 ans, que j’ai connue alors qu’elle travaillait pour le Chic Resto Pop dans les années 80.

Je me dis que l’homme n’est qu’un animal prétentieux qui s’est doté d’un contrôle relatif sur le monde grâce à ses outils et son langage. Au début de cette ascension prométhéenne sa compréhension du monde était partielle et superficielle, aussi les parties sombres et méconnues étaient peuplées de forces magiques et maléfiques – des dieux qui avaient leurs logiques, leurs histoires : dieux de la mer, de la fertilité, de la guerre… auxquels sacrifier pour se ménager leurs bonnes grâces. Déjà les prêtres vivaient de ces oboles et sacrifices déposés aux pieds des idoles.

À mesure que les forces matérielles étaient décryptées, leurs mécanismes connus, les forces immatérielles devenaient plus abstraites. Les dieux se fondant en un Dieu, devant qui se prosterner non plus pour obtenir une bonne pêche ou une meilleure récolte mais bien pour s’assurer la vie éternelle ! Grandes cathédrales érigées en l’honneur d’un Dieu tout puissant qui s’exprimait à travers une Église elle-même devenue très puissante. Pendant des siècles il y eut coexistence et alliances entre les pouvoirs « terrestres » et matériels et ceux de l’Éternel. Quinze siècles de « pastorat chrétien » selon les mots de Michel Foucault.

Mais avec la révolution industrielle et l’urbanisation, la montée du romantisme et de l’individualisme, le pastorat de l’Église s’est trouvé débordé, submergé par la rapide transformation du monde qui ouvrait de nouvelles possibilités et posait de nouveaux dilemmes moraux que la tradition ne savait résoudre. [Extrait d’un message à Annette B.]

Il faut célébrer le retour d’une éthique du vivant, d’un respect pour la biosphère et les équilibres naturels qui nous dépassent et nous englobent. Nous devrons trouver moyen de réunir ces « hommes (et femmes) de bonne volonté » qui sont conscients du moment critique, historique qui est le nôtre, et sont prêts à sacrifier un peu de leur confort pour assurer, non pas le confort mais bien la survie des générations futures. Parmi les textes inspirants que je n’ai pas cités dans mes billets récents il y a cet article du dominicain Armand Veilleux : Qu’arrive-t-il à l’Église d’aujourd’hui.

Que reste-t-il de cette grande religion d’État qui a régné sur l’Occident et une partie de l’Orient pendant près de deux millénaires ?  Les chrétiens militants sont retournés à la Parole, à l’Évangile en s’éloignant des institutions trop figées. En ces temps d’inégalités records et de matérialisme éperdu, l’amour du prochain et de la vie prennent des airs révolutionnaires. Une Parole qui, à l’origine, prônait l’égalité des hommes alors que l’esclavage était le mode de production dominant avait de quoi ébranler les colonnes du temple ! Alors que les glaces polaires fondent à un rythme effrayant, que les conséquences de l’extractivisme des derniers siècles se font sentir sans détours, c’est la Raison qui nous intime de changer de cap et de mode de vie. Pas besoin de Foi en quelque chose d’immatériel pour saisir l’urgence et l’intransigeance des choix qui se posent à nous. La sagesse révélée par les grands philosophes et prophètes de l’histoire ne nous a pas empêché de nous retrouver à quelques pas du précipice…

L’échec du projet moderne (Brague, 2015)((Le règne de l’homme, Genèse et échec du projet moderne, Rémi Brague, Gallimard 2015)), ou la confusion où nous a laissé l’avènement de la démocratie (Gauchet, 2017)((L’avènement de la démocratie IV – Le nouveau monde, Marcel Gauchet, Gallimard NRF 2017)) nous obligent à revoir nos certitudes. Une approche fédérative (Dardot et Laval, 2016)((Commun, Essai sur la révolution au XXIe siècle, Pierre Dardot et Christian Laval, La Découverte 2014)) ou associative (Laville, 2015, 2017)((Associations et action publique, Jean-Louis Laville et Anne Salmon, Desclée de Brouwer, 2015 et Mouvements sociaux et économie solidaire, Jean-Louis Laville et al., Desclée de Brouwer, 2017)) permettront-elles de sortir de l’impasse ? L’approche œcuménique de Baum, qui savait dénicher ce qu’il y a de sage et de commun aux différentes philosophies et religions, associée à une vision inclusive et humble de l’humanité dans la biosphère, comme une espèce parmi d’autres…


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Commentaires

5 réponses à “2017- une année charnière ?”

  1. Christian Paquin

    Oh la la. C’est loin d’un bye bye cette revue de l’année.

  2. Jean Trudeau

    Sidéré par cet engagement personnel et citoyen responsable. Merci pour ta ténacité à nous informer et pour tes réfléxions critiques. Bon courage pour la suite!

  3. Merci de vos commentaires, chers lecteurs !

  4. René Lachapelle

    Que d’avenues de réflexion à explorer! Tu es un intellectuel pratique impénitent, ne lâche pas!

  5. Il est inspirant votre retour sur l’année qui vient de terminer.. Beaucoup plus stimulant que les revues de l’année que les médias du système en place nous proposent et qui ont tendance à déprimer, plutôt qu’à dégager des visions alternatives d’avenir. Vous m’inciter à lire vos réflexion sur la philanthropie. Au plaisir de vous lire plus attentivement au cours des mois à venir.

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