Je pastiche avec ce titre le livre de Timothée ParriqueRalentir ou périr. Comme s’il fallait y ajouter un peu de conflictualité, d’urgence. Une urgence que Naomi Klein et Astra Taylor dénoncent avec véhémence dans The rise of end times fascism paru dimanche dernier dans The Guardian. ( La montée du fascisme de la fin des temps, ma traduction )
Deux pistes suggérées par les auteures:
[N]ous entraider pour faire face à la profondeur de la dépravation qui s’est emparée de la droite dure dans tous nos pays. Pour aller de l’avant avec détermination, nous devons d’abord comprendre ce simple fait : nous sommes confrontés à une idéologie qui a renoncé non seulement à la prémisse et à la promesse de la démocratie libérale, mais aussi à la viabilité de notre monde commun, à sa beauté, à ses habitants, à nos enfants et aux autres espèces. Les forces auxquelles nous sommes confrontés ont fait la paix avec la mort de masse. Ils sont traîtres à ce monde et à ses habitants humains et non humains.
[N]ous opposons à leurs récits apocalyptiques une bien meilleure histoire sur la façon de survivre aux temps difficiles à venir sans laisser personne derrière nous. Une histoire capable de vider le fascisme de la fin des temps de son pouvoir gothique et de galvaniser un mouvement prêt à tout risquer pour notre survie collective. Une histoire non pas de la fin des temps, mais de temps meilleurs ; non pas de séparation et de suprématie, mais d’interdépendance et d’appartenance ; non pas d’évasion, mais de rester sur place et de rester fidèle à la réalité terrestre troublée dans laquelle nous sommes empêtrés et liés.
Lire l’article de Klein à la suite de celui, presqu’aussi virulent et tout aussi effrayant, de Peter St. Clair paru sur The Brooklyn Rail : The Overshoot Scam (ma traduction L’arnaque du dépassement) ça donne de la consistance à l’hypothèse d’une malfaisance, d’une « mafia » qui serait au pouvoir… mais ce n’est pas vraiment une mafia, car elle ne se cache pas (ou de moins en moins) pour agir, et elle le fait légalement ! Mais, ce que Malm et Carton démontrent, dans leur livre Overshoot1que l’article de St. Clair résume assez bien, c’est que ce sont les règles, le système économique qui sont la source de cette malfaisance. Les hommes ne font qu’obéir aux règles… qui conduisent au dépassement.
Il faudra aussi se résoudre à étatiser les sources d’énergies, afin de freiner puis renverser (démanteler) les investissements dans l’exploitation fossile pour soutenir le développement des nouvelles énergies aujourd’hui bloqué, freiné par la domination des énergies fossiles qui procurent des retours plus juteux.
Il faudrait que les investisseurs subissent le coup qu’ils redoutent le plus : les installations qui viennent d’être financées, ou qui viennent d’être finalisées, ou qui viennent d’être inaugurées, ou qui sont sur le point d’atteindre le seuil de rentabilité ou de commencer à générer des profits, devraient être scellées et fermées à clé pour de bon. » En d’autres termes, des actifs échoués.
Cet abandon des énergies fossiles sera un geste politique et non la résultante de quelque manoeuvre économique.
la transition vers un système énergétique sans énergie fossile ne sera pas suffisamment rentable pour attirer des investissements suffisants, tandis que les investissements dans les énergies fossiles continueront à générer d’énormes profits et à attirer des investissements croissants, tout en garantissant l’aggravation de la crise climatique. (…)
par conséquent, pour que la transition ait lieu, elle doit être impulsée par l’État dans le cadre d’une initiative politique visant à faire de la production d’énergie un bien public. En d’autres termes, dans un système régulé par le marché, la transition vers un système énergétique non destructeur ne sera pas possible sans une forme d’expropriation de l’industrie des combustibles fossiles et son remplacement par la propriété commune.
John Maynard Keynes disait Tout ce que nous pouvons réellement faire, nous pouvons nous le permettre. N’est-ce pas aussi ce que dit la nouvelle théorie monétariste : S’il existe des capacités inutilisées dans l’économie, le gouvernement peut créer de la dette pour que ces capacités soient à nouveau utilisées. Mais s’il n’y a pas de ces capacités inutilisées ? C’est pour ça qu’il faut freiner certains investissements, certains types de développement, pour libérer les capacités d’agir.
Le 19 mars dernier j’ai animé un webinaire avec des organisatrices et organisateurs communautaires du réseau de la santé québécois. On m’avait demandé de faire un retour sur ma pratique d’organisateur de 1976 à 2012… j’ai ajouté en prime les années qui ont suivi !
La rencontre (sur Zoom) n’ayant pas été enregistrée j’ai voulu reprendre mon PowerPoint (en fait c’était un Keynote, sur Mac) pour le proposer à ceux-celles qui n’étaient pas là. Je me suis aperçu que c’était pas aussi simple : l’absence de public rendait l’exercice de reprise plus… laborieux. Comme si le « pep » n’y était pas ! Il y a sans doute plus de silences, d’hésitations que lors de la présentation « live ».
Mais cela m’a permis de compléter ma présentation (qui devait, à l’origine, être limitée à 40-45 minutes, le webinaire se déroulant sur l’heure du dîner) par une mise en contexte (avant mon arrivée au CLSC Hochelaga-Maisonneuve) et quelques éléments de conclusion. Je crois aussi avoir été un peu plus clair dans cette version… qui dure 67 minutes. Pour couvrir 50 années, c’est encore synthétique ! Voir les documents auxquels je réfère.
Comment conclure…
Ai-je tiré des conclusions de cette longue expérience ?
L’économie sociale que j’ai défendue et promue pendant des décennies… suis-je satisfait de ce qu’elle est devenue ?
Mon expérience à la Maison des aînées m’a-t-elle enseigné quelque chose sur le logement communautaire qui pourrait être utile aujourd’hui?
Ma « navigation » dans les corridors du pouvoir, local mais aussi à l’agence et à la santé publique régionales durant mes années à l’observatoire, comment la ferais-je aujourd’hui ??
Je ne pourrais pas agir à la fois comme organisateur et comme agent de planification (APPR)… et maintenir une approche critique demandant l’ouverture du réseau sur les partenaires de la région…
Le projet régional co-dirigé par l’Agence et la santé publique d’un Carrefour montréalais d’information sociosanitaire (CMIS) est disparu dans la poussière de la dernière réforme-centralisation. De fait c’est la région de Montréal qui est disparue de l’organigramme, remplacée par 5 CIUSSS.
Je devrais revenir sur ces questions, avec les partenaires de l’époque, si c’est possible! Mais aussi relire certains textes et voir s’ils tiennent encore la route. Comme ces « élucubrations » autour de l’évaluation de programme en OC… ou encore sur le « thermomètre sociocommunautaire ».
Le répertoire des ressources du quartier était un « labour of love » qui était aussi l’occasion de soigner (et mettre à jour) nos relations avec ces nombreuses et diverses ressources.
L’appétit que j’avais à installer de nouveaux logiciels, acquérir de nouvelles compétences était peut-être ancré dans cette insécurité de n’avoir pas été formé en travail social ? Ou c’était une tendance déjà présente avant : j’étais responsable des ateliers- vidéo au module recherche-animation culturelle. J’avais déjà une certaine orientation techno…
Une société où on ne paie pas le tiers (et plus) de son salaire pour simplement se loger.
Une société où la richesse accumulée dans la bulle immobilière est collectivement utilisée pour dégonfler, graduellement, la bulle et réduire l’emprise du capital foncier et immobilier sur l’économie et la société tout en construisant le stock de logements qu’il nous faut.
Rob Carrick, dans le G&M du 9 janvier dernier, suggérait au prochain premier ministre du Canada (ma traduction) :
[S]upprimer l’exonération de l’impôt sur les plus-values pour les résidences principales, que ce soit en partie ou en totalité. L’une des raisons de la faible productivité du Canada est que trop d’argent est immobilisé dans l’immobilier plutôt que dans d’autres types d’actifs. Compte tenu de l’augmentation massive des prix de l’immobilier au cours des dernières décennies, c’est tout à fait compréhensible. Lorsque les marchés de l’immobilier se réchauffent, les acheteurs se font concurrence et surpayent en raison du potentiel d’investissement. La réduction de l’exonération de la résidence principale ferait de l’immobilier un choix de vie plutôt qu’un investissement. Il en résulterait un marché plus calme qui laisserait plus d’argent à dépenser pour des choses telles que des investissements dans des entreprises qui construisent l’économie. Il faut s’attendre à une réaction furieuse si l’exonération de la résidence principale est annulée, en particulier de la part des personnes âgées qui considèrent leur maison comme leur plan de retraite. Toutefois, l’impact fiscal réel sur les maisons ne serait pas monstrueux. N’oublions pas que la partie imposable de la plus-value ne serait que de 33,3 %. L’imposition des maisons ne devrait pas faire s’effondrer le marché du logement – les gens ont toujours besoin d’un endroit pour vivre et élever une famille, n’est-ce pas ? Mais elle réduirait les pressions spéculatives qui ont entraîné une hausse des prix de l’immobilier bien supérieure à celle des revenus au cours des deux dernières décennies. Le résultat net serait probablement une baisse des prix à court terme, suivie d’une modeste appréciation. Il semble que nous ayons décidé de construire plus de maisons comme remède économique au problème du logement inabordable, mais c’est un processus qui évolue lentement et qui est vulnérable aux conditions économiques défavorables. L’imposition des plus-values immobilières est un moyen plus rapide de rendre le logement abordable et, ce qui est tout aussi important, de réaffecter les capitaux sur le marché canadien dans l’intérêt de tous.
On pourrait « dorer la pilule » d’une fin à l’exonération de la résidence principale en offrant aux détenteurs individuels de plus-value immobilière la possibilité d’investir (avec un rendement plus lent mais une garantie sur le capital) dans une « corvée nationale » de construction d’unités locatives abordables.
Une telle « corvée » pourrait être amorcée par une initiative de fondations caritatives visant à multiplier les investissements des premiers participants dans des projets « hors marché ».
Mais construire du logement « hors marché », j’ai l’impression que ce n’est pas que du logement… il s’agit de construire une autre manière d’habiter, de partager l’espace et les ressources.
« L’accent mis sur l’économie capitaliste se manifeste également dans la pratique de l’urbanisme. Les espaces urbains sont conçus pour favoriser la croissance économique en augmentant le PIB plutôt que le bien-être socio-environnemental. La croissance insatiable n’a pas seulement épuisé la nature, elle a également créé une hiérarchie de pouvoir et des inégalité à différents niveaux géographiques et temporels. Les diverses économies sont souvent sous-évaluées et occultées alors qu’elles contribuent grandement au bien-être socio-environnemental.
Se concentrer sur l’économie plurielle peut aider à comprendre les pratiques et les ressources locales, et peut ouvrir la possibilité de responsabiliser la communauté. »
Je vous propose ici quelques articles que j’ai trouvé assez intéressants pour les traduire en français.
Ensauvager nos villes, ou les réensauvager. Créer des ponts de nature, des aménagements qui rendent la cohabitation avec d’autres formes de vie qu’humaine plus facile. Un article publié le 27 mars par Alexi Freeman, sur le site Matters dont la devise est: Stories, people and ideas doing good.
Dark Matter Labs, c’est un ensemble d’initiatives, de laboratoires, de studios… visiter leur site, c’est plonger dans une structure à plusieurs dimensions. J’ai voulu mieux saisir un aspect de cette complexité : les capacités (capabilities) que DM cherche à développer. J’en ai traduit les définitions dans La matrice de Dark Matter Labs.
Le dernier (ou récent) billet de Andrew Curry, sur Just Two Things, porte sur deux choses (!) : A. Une initiative d’un artiste gallois qui dénonce l’endettement des personnes aux prises avec des prêteurs frauduleux, en rachetant leurs dettes avec son propre argent. B. Une liste de 10 livres qui expliquent pourquoi on en est rendu là… Il y a au moins UN livre de cette liste que je veux lire : celui de Svetlana Alexievitch : La fin de l’homme rouge. Ma traduction : Les sombres rouages du marché des créances douteuses // Les livres qui expliquent le moment politique actuel.