Une éthique du vivant

Je terminais le visionnement de Broken (une mini-série de la BBC). Le drame était bien joué, par des acteurs chevronnés, et à l’anglaise – c’est-à-dire avec des comédiens qui ressemblent à des humains plutôt qu’à des poupées Barbie. Des humains marqués par la vie, par les drames et les tragédies trop communs dans un quartier urbain pauvre : exploitation sans vergogne, pauvreté crasse mais aussi, au carrefour de ces histoires dures, un héros, le curé de la paroisse, lui-même aux prises avec ses limites.

Je pleure sans retenue durant le générique qui se déroule à l’écran – parce que cette fiction vient mettre des mots et des images sur le fil de réflexion qui m’habite depuis quelques mois (et elle vient de me permettre de commencer ce billet ;-).

Un peu simplifiées et caricaturées pour les besoins du médium, les histoires sont assez réalistes pour que j’y projette les vies brisées de citoyens du quartier Hochelaga que j’ai connus – mais aussi les vies de religieuses et de religieux dévoués à l’accompagnement et au soin de ces personnes.

Image des archives des sœurs de la ProvidenceSont-ce des images irrémédiablement dépassées ? N’y aura-t-il plus jamais de Annette Benoit, de Guy Paiement, de Pierrette Lafleur? De Janelle Bouffard, Claude Hardy ou Yves Poulin ? De ces religieux, ou ex-religieuses qui ont su rassembler, soigner, enseigner – écouter, encourager, éduquer? Les professionnels et techniciens du secteur public, salariés et bénévoles du secteur communautaire peuvent-ils vraiment remplacer l’intervention gratuite, généreuse de ces frères et sœurs?

Pour l’avoir vu à l’œuvre sur le terrain, mais aussi en avoir parcouru plusieurs témoignages écrits, c’était une aventure fraternelle qui témoignait, selon les mots de Grégory Baum, de « la présence de l’Esprit dans l’histoire des hommes ».

En même temps que le Québec sortait des jupes de l’Église pour s’affirmer comme nation, cette même Église catholique vivait une grande période de réformes (Vatican II) où la disparition de l’ancienne division des ordres (spirituel VS naturel) allait faciliter l’émergence de la théologie de la libération et de “l’option préférentielle pour les pauvres”. C’était l’irruption des objectifs de Justice et Paix de l’action sociale catholique dans la sérénité du monde spirituel des prières. Si la laïcisation des institutions de santé et d’éducation québécoises a libéré le peuple de ses obligations dominicales elle a aussi libéré les chrétiens de la collusion avec un pouvoir conservateur. Dans une société pluraliste les chrétiens se découvrent une complicité avec des non-croyants qui résistent, luttent pour la justice : « Même mise en demeure de la conscience, même amour de la justice et de la vérité, même débat avec la fidélité, même crainte de trahir, même conviction que l’engagement éthique est la réponse à quelque chose d’objectif, quelque chose de plus grand que soi, quelque chose qui revêt une importance universelle. » (Gregory Baum, Étonnante Église, p. 63)

Finalement j’ai séché mes larmes et ne pleure plus la disparition d’une société qui est d’autant plus idéalisée qu’elle s’éloigne dans le temps. Et puis, d’ailleurs, la grande noirceur n’était pas aussi sombre que les chantres de la révolution tranquille ont bien voulu nous le faire croire. Durant son règne, Duplessis aura tout de même construit 4000 écoles, et ouvert 40 000 kilomètres de routes (Michel Beaudin, 2011). Et les traditions du coopérativisme et de l’action sociale avaient plusieurs décennies d’expérience au moment de la révolution tranquille. S’il y a aujourd’hui moins de “vies consacrées”, avec sacrements et liturgies, il y a encore des vies dédiées, dévouées, des personnes engagées, militantes pour de grandes causes et des valeurs essentielles. Certains rapports témoignent de la diversité et de la profondeur de la contribution de la mouvance sociale chrétienne à l’utopie de la solidarité. On sent encore l’influence des méthodes de l’action sociale catholique dans la fabrication de cette toile collective ! L’activisme et la combativité des militants chrétiens sont des atouts pour qu’émerge une éthique de la vie capable de sauver la planète. Ou plutôt sauver assez de planète pour que s’épanouisse et perdure une humanité assagie, éclairée.

Une éthique de la vie, ou du vivant qui fasse une place, limitée mais juste, à l’espèce humaine… parmi d’autres espèces avec lesquelles partager ce caillou bleu et vert, point minuscule dans l’univers.

« À cette heure de l’histoire je vois dans l’Église une force historique importante contre la mondialisation néolibérale. » (Grégory Baum, Étonnante Église, p. 15)

Suis-je (re)devenu catho ? Non, pas encore ! Mais devant l’urgence environnementale planétaire j’ai trouvé inspirants les propos de Baum dans son dernier livre. Il appelle à l’action : « À l’âge des ténèbres la passivité mène à la dépression. » Et il identifie quatre pistes à poursuivre : promouvoir une culture critique; soutenir les mouvements sociaux; diffuser la vision des Nations Unies; participer au développement communautaire et à l’économie sociale.

Références :

– L’Utopie de la solidarité au Québec – Contribution de la mouvance sociale chrétienne, Lise Baroni, Michel Beaudin, Céline Beaulieu, Yvonne Bergeron, Guy Côté, Éditions Paulines, 2011

– Étonnante Église – Émergence du catholicisme solidaire, Grégory Baum, Éditions Bellarmin, 2006

– Et jamais l’huile ne tarit – Histoire de mon parcours théologique, Grégory Baum, Éditions Fides, 2017

– Guy Paiement, prophète du pays réel, dir. Élisabeth Garant, Novalis, 2015

boulimie de lectures

Une boulimie de lectures, depuis quelques mois, comme pour tenter de trouver un fil conducteur, une formule d’interprétation. Mais non, je ne l’ai pas encore trouvée mais ça avance… Quand je regarde tout ce qui est étalé sur mon bureau, (et ma tablette), je me sens privilégié d’avoir pu lire ces réflexions et aborder ces philosophes, chanceux d’avoir eu le temps (comme retraité) de me nourrir sinon me gaver de ces oeuvres. Je me sens aussi une obligation de partager, même maladroitement, ce que j’ai pu retenir de ces nombreuses lectures… Un partage qui s’est fait plutôt rare ces derniers mois sur ce blogue : aucun billet en août, un seul en septembre… et si je ne fait gaffe, il n’y en aura pas non plus en octobre ! Et dire qu’il fut un temps ou j’écrivais plusieurs fois par jours.

Ci-contre, la liste de ces livres « sur ma table », extraite de ma base Bookpedia.

TITRES AUTEURS PAGES
+ 4 °C: Le climat change… Et vous ? Xavier Montserrat 214
L’avènement de la démocratie:  Tome 4, Le nouveau monde Marcel Gauchet 749
L’aventure Fraternelle des Capucins à Hull, 1967-2014: Annoncer L’Évangile Autrement Claude Auger 160
Dire non ne suffit plus: Contre la stratégie du choc de Trump Naomi Klein 302
The enigma of reason * Hugo Mercier 408
Entre Concile et Révolution tranquille: les religieuses au Québec, une fidélité créatrice Dominique Laperle 294
Et jamais l’huile ne tarit: histoire de mon parcours théologique Gregory Baum 271
Étonnante Église : l’émergence du catholicisme solidaire Gregory Baum 227
Guy Paiement, Prophète du Pays Réel Nelson Tardif, Élisabeth Garant 334
L’Utopie de la solidarité au Québec – Contribution de la mouvance sociale chrétienne Lise Baroni, Michel Beaudin, Céline Beaulieu, Yvonne Bergeron, Guy Côté – 2011 364
Illusion financière Gaël Giraud 184
Introduction à l’éthique islamique* Tariq Ramadan 230
Justice sociale, ouverture et nationalisme au Québec Élisabeth Garant 294
Mahomet* W. M. Watt 614
Mouvement communautaire et État social Louis Favreau 166
Out of the Wreckage: A New Politics for an Age of Crisis George Monbiot 184
Portes ouvertes Marc-André Tardif 92
La Quatrième hypothèse Maurice Bellet 144
Le règne de l’homme Rémi Brague 398
Une relecture d’une vie de Petite soeur de l’Assomption Annette Benoît, p.s.a. 81
The River of Consciousness Oliver Sacks 320
Sécurité, territoire, population: cours au Collège de France, 1977-1978 Michel Foucault 435
Vérité et pertinence: Un regard sur la théologie catholique au Québec depuis la Révolution tranquille Gregory Baum 276
Vie secrète des arbres (La) Wohlleben Peter 253
Il y manque ces quelques recueils dirigés par Fernand Dumont sur l’histoire des idéologies au Québec (de 1850 à 1976) qui sont disponibles in extenso sur le site des Classiques de l’UQAC. Je n’ai fait que commencé la lecture des titres marqués d’un astérisque.

C’est dans la suite du précédent billet (1952) et surtout de celui de mai (de la charité à la solidarité) que j’ai poursuivi une réflexion autour de trois centres d’intérêt. L’histoire de l’Occident (Gauchet, Foucault, Brague), histoire de la religion (Watt, Benoît, Laperle, Baum) et histoire du Québec (Baum, Dumont, Paiement); autour de l’écologie-économie (Montserrat, Wohlleben, Giraud, Favreau); et autour de la conscience comme phénomène physiologique (Mercier, Sacks), spirituel (Baum, Ramadan, Bellet) et social (Monbiot, Klein, Brague).

En juin dernier j’ai rencontré Grégory Baum, au lancement de son dernier livre Et jamais l’huile ne tarit. La mort récente de ce nonagénaire encore alerte il y a quelques mois m’a poussé à fouiller un peu plus loin la pensée de ce théologien oecuméniste. J’ai aussi rencontré il y a quelques semaines une autre nonagénaire, religieuse longtemps active dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve : Annette Benoît, Petite soeur de l’Assomption, qui a partagé avec moi les témoignages qu’elle a recueillis auprès de ses consoeurs au moment où elle prenait sa retraite, il y a 13 ans, à l’âge de 81 ans.

Je me demande encore si le passage d’une société québécoise dominée par une église catholique trop présente et oppressante vers une société séculière ne nous a pas fait perdre quelque chose. Quelque chose d’un peu plus grand que les droits et libertés que que nous chérissons avec raison. Quelque chose comme une éthique de la vie. J’essaierai de préciser mon cheminement de pensée au cours des prochains billets.

1952

Né en 1952, j’ai donc eu 65 ans cet été. Ma mère, née en 1923, était de la génération qui aura connu les voitures à chevaux et les voyages sur la lune; les plus grands bouleversements technologiques et sociaux : montée du féminisme, des mouvements de libération nationale, sortie de la société québécoise hors du carcan religieux. Les formes traditionnelles d’autorité et de hiérarchie ont volé en éclats dans la foulée les « 30 glorieuses » années d’après-guerre dans un mélange explosif de croissance économique et démographique accélérée, de laïcisation précipitée des institutions d’éducation et de santé. La seule décennie des années 60 verra l’émergence d’Hydro-Québec, de la Caisse de dépôt, de l’assurance hospitalisation, du ministère de l’Éducation, du réseau des universités du Québec… Une période de révolution qui a sans doute été d’autant plus tranquille que ses principales victimes avaient fait vœux de pauvreté et d’humilité. (Dominique Laperle, 2015).

L’éclatement, la dissolution du cadre institutionnel catholique a laissé s’échapper ce qui était gardé sous pression depuis trop longtemps. Libres penseurs, artistes et intellectuels sont passés du statut de parias et excommuniés à celui de chantres d’idéaux et modèles de vie. Des communautés de religieuses avaient éduqué les jeunes filles et soigné les malades. Des pédagogues, travailleuses sociales et infirmières qui étaient aussi religieuses.

À 7 ans je voulais me faire prêtre.

À 17 ans, j’étais devenu nationaliste québécois, influencé par la contreculture – un mélange de « flower power » de la côte ouest ´67 et de mai 68 parisien.

À 21 ans, j’étais marxiste-léniniste, dans l’espoir de réunir de manière organisée, démocratique mais centralisée les forces sociales opposées à l’impérialisme américain (nous étions en pleine guerre du Vietnam) et au capitalisme. La lecture de Gramsci et une vision romanesque de la Grande révolution culturelle prolétarienne chinoise nous font imaginer des guerres de tranchées institutionnelles afin de construire, comme « intellectuels organiques », l’hégémonie de la classe ouvrière vers une nouvelle société.

En 1981, à 29 ans, nous mettions fin à l’organisation En lutte ! que nous avions soutenu dans l’enthousiasme et avec ferveur depuis ses débuts, en 1973. Il apparaissait futile sinon impossible de rassembler autour du leadership d’une classe ouvrière en rapide recul (A. Gorz, 1981) les fils multiples, vigoureux et anarchiques des nouveaux mouvements sociaux qu’étaient les mouvements des jeunes, des chômeurs, des femmes, des écologistes, des autochtones… Il semblait préférable de soutenir le développement de ces divers mouvements plutôt que de tenter de les harnacher autour de… de quoi ? De quel programme? Quelles perspectives ? Quel modèle de société? La situation du bloc de l’Est n’était pas particulièrement inspirante. Mieux valait soutenir mille projets épars, quitte à rassembler de manière sporadique les forces autour d’objectifs tactiques. Et le temps allait peut-être permettre de préciser le fameux projet de société.

Thatcher et Reagan au pouvoir, c’était vraiment la fin des 30 glorieuses. Et le début de 30… (affreuses ?) années dominées par le néo-libéralisme conservateur, puis, avec Blair, Clinton, (Bouchard ?), un néo-libéralisme de gauche. Marcel Gauchet (Le nouveau monde, 2017) parle de cette période comme de la déconstruction idéologique du socialisme. Qui précède la chute du mur et la fin du soviétisme. Mais la critique des 30 glorieuses ne venait pas que de la droite. La gauche populaire et communautaire refusait de plus en plus de voir s’étendre encore le pouvoir technocratique des grandes institutions, exigeant le droit à la participation, le droit à la différence. [Certains arguaient que mieux valait laisser l’initiative (et les choix, la planification) à la société, au monde privé plutôt qu’à un État technocratique prétentieux devenu dangereux par la puissance qu’il commandait.] Plusieurs programmes publics s’étaient accumulés par sédimentation, fonctionnaient en silos quand ce n’était pas en contradiction, avec peu d’autonomie locale et peu de souplesse laissées pour s’adapter aux problèmes complexes ou nouveaux.

Le réseau des garderies populaires a résisté longtemps aux offres d’intégration au réseau de l’éducation (à la manière française). Pour garder plus de place aux parents. Mais aussi les réseaux de refuges pour femmes, de maisons de jeunes, de centres de femmes qui ont su se développer durant les années ’80 malgré le discours dominant de l’époque souhaitant réduire l’ampleur de l’intervention publique. L’indépendance par rapport au réseau public correspondait aussi au refus politique de poursuivre le développement de l’intervention publique comme il l’avait fait durant les années 70.

Des réseaux communautaires qui développeront une expertise en complémentarité et parfois en opposition à celle des institutions. Les ressources alternatives en santé mentale étant exemplaires dans leur bataille pour la reconnaissance et l’autonomie en relation dialectique avec la psychiatrie institutionnelle. Des développements sectoriels qui conduiront à une première reconnaissance publique du rôle et de l’importance des ressources communautaires (1992).

Depuis le milieu des années 80 les expériences en développement économique communautaire se multiplient. Les programmes de création d’emploi sont devenus des programmes de développement de l’employabilité. Il faut maintenant former en fonction du marché du travail. Créer des stages en milieu de travail. En particulier pour les populations en difficulté d’insertion. Cela dépend… de la conjoncture, du taux de chômage, des gouvernements, des modes : boutiques jeunesse; clubs d’entrepreneurs; formes plus ou moins subtiles de « workfare ».

En 1996, avec le Sommet sur l’économie et l’emploi, les premiers programmes d’économie sociale (notamment en aide domestique) permettent de consolider un secteur qui vivotait de programmes d’employabilité depuis trop longtemps. Le débat sur l’économie sociale divise la gauche : certains syndicats y voient de la privatisation en perspective alors que certains réseaux communautaires y voient le danger d’assujettissement de leurs missions à des critères de rentabilité économique.

La fin des années 90 et le début de la décennie suivante seront des années fastes en termes de politiques sociales : AccèsLogis, Centres de la petite enfance, Centres locaux de développement, Conférences régionales des élus, Politique de la ruralité, Politique sur l’action communautaire autonome, Loi pour combattre la pauvreté et l’exclusion… (Vaillancourt 2016). Des politiques qui seront, soit freinées ou carrément renversées par les gouvernements libéraux Charest et Couillard des années subséquentes : disparition des CRÉ, des CLD…

Alors que les mouvements djihadistes prennent de l’ampleur après les attaques de septembre 2001, auxquelles riposte une coalition de gouvernements occidentaux, la conscience du danger associé au réchauffement climatique devient plus présente que jamais : les différents rapports du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), en 2001, 2007 puis 2014 sont de plus en plus affirmatifs et alarmants. La Conférence de Paris en 2015 marque un point tournant par l’unanimité avec laquelle l’obligation morale d’agir est reconnue.

Mais nous vivons dans « une société des individus qui gravite autour des droits de l’homme » (Gauchet, 2017) conduisant à des « démocraties incapables de se gouverner ». Il faudra re-légitimer l’intervention publique et les impôts. Pour cela il faudra « sortir de la seule protection des acquis des uns et des autres » (Favreau 2017, p. 132). Dans son dernier ouvrage, Mouvement communautaire et État social – Le défi de la transition sociale-écologique, Louis Favreau propose de mobiliser autour d’un État social-écologique, seul capable de mettre en œuvre les transformations radicales imposées par l’urgence écologique. Son petit bouquin (160 pages) retrace rapidement l’histoire du mouvement communautaire québécois, distingue les concepts de communautaire, tiers secteur et économie sociale, relate l’émergence de la question écologique et des mouvements récents de résistance (aux gaz de schiste, aux pétrolières) pour conclure sur l’importance d’un New Deal écologique, d’une écologie politique comme troisième utopie mobilisatrice, après celle des droits politiques et civiques et celle des droits sociaux. « On doit considérer la question écologique comme la coordonnée centrale de ce siècle ».

Peut-on vraiment imaginer un État providence renouvelé, capable d’imposer un changement drastique des modes de production et de consommation tout en assurant des protections accrues aux victimes du changement ? Le discours de Favreau se situe clairement du côté des mouvements sociaux, des territoires. Il aborde très peu la question des partis politiques. Et au-delà des partis locaux, nationaux ou fédéraux, trop de questions et conditions sont déterminées par un marché mondial sur lequel les sociétés nationales n’ont que peu de pouvoir. Contre l’évasion fiscale, mais aussi contre la transgression des nouvelles règles écologiques que les humains devront s’imposer collectivement, nous devrons développer de nouvelles alliances internationales afin que les politiques économiques, sociales et écologiques qui seront adoptées par nos pays, provinces et villes soient respectées.

 

Sources :

  • Dominique Laperle, Entre Concile et révolution tranquille – Les religieuses au Québec : une fidélité créatrice, 2015, Médiaspaul.
  • André Gorz, Adieux au prolétariat, 1981, Seuil.
  • Yves Vaillancourt, Marges de manœuvre des acteurs locaux de développement social en contexte d’austérité, 2016, CRISES
  • Marcel Gauchet, Le nouveau monde, L’avènement de la démocratie – volume IV, 2017, Gallimard.
  • Louis Favreau, Mouvement communautaire et État social – Le défi de la transition sociale-écologique, 2017, Presses de l’Université du Québec.

de la charité à la solidarité

C’est le chemin que je voulais parcourir, en passant d’un parvis d’église à l’autre sur cette rue Adam – dans le cadre des Promenades Jane Jacobs – où plusieurs lieux de culte ont été transformés en centres communautaires. Cliquez le lien ci-haut pour voir le détail du parcours de 3 km.

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L’église Saint-Clément-de-Viauville, coin Viau et Adam


Il y a une filiation de la charité catholique traditionnelle vers le travail communautaire, le travail social auprès des démunis, des poqués  de la société. La générosité et l’entraide, basées auparavant sur le sentiment d’appartenance à la même communauté religieuse et locale, générosité et entraide qui trouvaient à s’exprimer à travers des occasions et activités organisées par la paroisse ou une de ses nombreuses organisations de bienfaisance, ont migré, se sont transformées. L’ampleur des crises et l’enrichissement collectif de l’après-guerre ont amené l’établissement de programmes publics d’assurance et de soutien à la formation et la réinsertion des déplacés ou expulsés du marché du travail. Une intervention étatique qui arrivait à point nommé pour remplacer la ferveur chancelante de la charité catholique. Mais l’invention, sur le terrain, des modèles d’assistance et d’intervention profiteront de l’expertise et de l’engagement de plusieurs religieuses et religieux. Ils et elles ont été souvent des pionnières au coeur de plusieurs initiatives communautaires qui ont remplacé ou succédé aux anciennes soupes populaires et paniers de Noël.

Naturellement ces initiatives communautaires n’ont pas que remplacé la bienfaisance catholique, elles ont été portées et soutenues par des acteurs et des valeurs qui n’étaient pas que catholiques : démocratie, création, expression, liberté, autonomie, dignité, justice… Des valeurs portées par de nouvelles générations, croisées comme fers aux précédentes. Puis alliées entre elles contre la bêtise, la discrimination, le chauvinisme, l’égoïsme ou la bureaucratie…

Finalement je ne suis pas sûr que nous soyons passé de la charité à la solidarité. Il y a plutôt eu ajout, de solidarité à la charité, et des ajouts aussi de formes nouvelles de l’une et l’autre. Ce qui n’a pas empêché les frictions, les tensions d’être grandes lorsqu’il s’est agi de disposer d’un patrimoine collectif historique. Quelles levées de fonds a-t-il fallu faire pour racheter ou remodeler les lieux de culte désertés de Saint-Mathias et Saint-Barnabé ! Jusqu’où les fonds recueillis par la collectivité aujourd’hui doivent-ils être versés pour racheter à la Fabrique et l’Église ce qui a déjà été payé par la collectivité d’hier ? — plutôt que versé pour la transformation et la préservation du patrimoine ? Ces questions n’ont pas été faciles à résoudre, mais elles l’ont été, à l’évidence dans ces deux cas. Reste celui de l’église Saint-Clément… et de beaucoup d’autres sans doute ailleurs !

Il ne faut pas réduire la valeur historique de ces églises à leurs pierres et vitraux.

L’importance de l’investissement qui sera consenti pour acquérir et intégrer une ancienne église dans un projet collectif rehausse la dimension financière du projet mais ancre aussi sa dimension historique. Ce poids financier, nécessaire au changement de vocation du patrimoine bâti, devrait soutenir la construction symbolique du projet. Si le Resto Pop s’est développé pendant 20 ans avant de prendre possession de l’église Saint-Mathias, le CAP a pris racine dès son origine dans les locaux et les entrailles de la paroisse Saint-Barnabé.

L’ancien pensionnat pour jeunes filles, dirigé par les Soeurs des Saints Noms de Jésus et de Marie (SNJM), est aujourd’hui devenu la Résidence Sainte-Émélie. Je découvre les archives de la congrégation de même que deux sites web consacrés à cette congrégation : snjm.org et snjm.qc.ca. Une bonne question posée par Soeur Janet Walton, dans un billet intitulé Les vieilles sages et le Chapitre général : Que pouvons-nous faire politiquement pour défier la domination du 1 %?

Je redécouvre aussi ce vieux site des Maisons anciennes de Maisonneuve. (site hors-ligne). Le lien direct vers les maisons de la rue Adam est plus rapide (déplacez-vous en cliquant sur le bouton « suivant » pour aller vers les maisons plus à l’est de la rue Adam). Les deux premières se situant l’ouest de la rue Pie-IX (4020 et 4073 rue Adam) et les autres plus à l’est. Vingt des 23 maisons sont situées entre 4677 (près de Sicard) et 4934 rue Adam (près de Viau). Au delà des églises, c’est la petite histoire de plusieurs belles demeures construites sur cette rue qu’on retrouve sur ce site.

Mais je termine ce billet en ayant l’impression de n’avoir qu’effleuré le sujet en titre… J’y reviendrai certainement d’autant que je viens de mettre la main sur ce dernier tome, tant attendu, de la série L’avènement de la démocratie de Marcel Gauchet, intitulé Le nouveau Monde : « Nous vivons la phase ultime de la « sortie de religion », la religion ne se résumant pas à la foi personnelle, comme nous la concevons aujourd’hui mais formant  le principe organisateur des sociétés d’avant la nôtre. »

Et aussi, pour donner du corps à cette réflexion sur l’héritage laissé par l’action des communautés et personnes religieuses au coeur de plusieurs organisations communautaires,  quelques titres pertinents trouvés à la Librairie Paulines : Et jamais l’huile ne tarit, de Gregory Baum; Entre Concile et révolution tranquille, l’histoire centenaire des Soeurs des Saints Noms de Jésus et de Marie racontée par  Dominique Laperle; et puis L’aventure fraternelle des Capucins à Hull, de 1967 à 2014.

transition fulgurante et Apocalypse

Je découvre Marie Noël, dans les suites d’un article sur le site de Paul Jorion. Le dernier qui s’en va… en réponse/lien avec La transition fulgurante. Vers un bouleversement systémique du monde.

Voir ce long extrait de Chants d’arrière-saison. Poème au ton apocalyptique. On le serait à moins : on est en 1961, c’est le paroxysme de la guerre froide et du danger de guerre nucléaire. Un discours qui semble pourtant plus que jamais d’actualité.

Résurgence du christianisme, de la foi, dans ces moments de désarroi où les repères se vident de leur sens, perdent pied ? [Ce qui semble contredire le discours de Marie Noël qui dénonce (avec combien de finesse et d’élégance) le caractère figé, incapable de la réponse de la tradition religieuse aux drames et troubles imprévus, non traditionnels.]

 J’ai horreur de l’incontinence sentimentale… des gens qui font tout leur cœur sous eux. Mon cœur, je n’en parle pas. Je le tais ou je le chante. (…)

Ces proches, bienveillants ou non, se prêtent main-forte en bons alliés dans les cas de malheurs officiels, décès, accouchements, accidents, maladies, mais comme nul d’entre eux, au fond, ne connaît l’autre – et bien moins que les étrangers – ils ne sont d’aucune ressource dans les crises profondes, aux heures mystérieuses du mal vrai. Ils ne sont là, alors, que pour imposer à la douleur, un masque, un silence, une bonne tenue. [Marie Noël, Notes intimes]

Quel souffle, tout de même.

transitionfulguranteLe livre de Giorgini est celui d’un chrétien qui s’ouvre à un humanisme basé sur « une transcendance issue de l’immanence de l’amour ». La fulgurance des transformations concomitantes ouvre sur une « guerre contre nous-même ». Urgence de la responsabilité.

Qui est le plus responsable, le plus conscient ? Le chrétien militant pour la justice et luttant avec empathie auprès des pauvres et exclus ? ( En contrepoint, Marie Noël : « Il y a dans le catholique un être satisfait, supérieur, celui qui possède la vérité. ») Ou l’athée portant sur ses épaules la résolution des problèmes de l’humanité… Un athée qui sera lui aussi, le plus souvent, militant d’une organisation, d’un mouvement, d’un parti qui comme la religion, viendra soutenir, orienter sa conscience. En ce sens, il ne faut pas confondre athée et libre penseur. On peut être athée et conformiste, confortable, consommateur… On peut être athée et con.

Guillebaud, les bonobos et la Charte

L’optimisme n’est plus «tendance» depuis longtemps. On lui préfère le catastrophisme déclamatoire ou la dérision revenue de tout, ce qui est la même chose. Se réfugier dans la raillerie revient à capituler en essayant de sauver la face. Après moi le déluge…
Cette culture de l’inespoir – avec ses poses et ses chichis – me semble aussi dangereuse que les idéologies volontaristes d’autrefois. Elle désigne le présent comme un répit, et l’avenir comme une menace. Elle se veut lucide, et même «raisonnable». Qui croit encore aux lendemains qui chantent ? (…) Les affligés professionnels tiennent le haut du pavé et, de ce promontoire, toisent tout un chacun. (…) [C]e renoncement au goût de l’avenir peut devenir une injonction discrètement idéologique. En dissuadant les citoyens de trop penser au futur, elle les invite à s’accommoder du présent, c’est-à-dire de l’ordre établi. [Une autre vie est possible – Comment retrouver l’espérance]

guillebaudJe ne connaissais pas Jean-Claude Guillebaud. On peut l’écouter ici dans une entrevue réalisée le mois dernier à la radio de Radio-Canada. Le mot « espérance », sur la couverture de son livre m’inquiétait un peu. Je ne voulais pas d’un discours prosélyte où la foi devient formule magique pour retrouver le sens qui manque… Mais, heureusement, ce n’est pas ce que j’ai lu dans ce petit bouquin de 150 pages.

En fait, à aucun moment l’auteur ne professe sa foi chrétienne. Foi qu’il a par ailleurs exprimée clairement – dans Comment je suis redevenu chrétien, notamment – comme je l’ai appris en Googlant son nom après-coup. S’il fait référence à la tradition judéo-chrétienne c’est pour mettre en perspective les valeurs qui ont fondé l’Occident et que les Lumières ont laïcisées.

Il y a beaucoup de (bonnes) raisons d’être pessimiste aujourd’hui. Ce qui explique la grande popularité des amuseurs. J’en suis même venu à promouvoir un « sain catastrophisme » comme nécessaire à une conscience juste ou réaliste de ce qui s’en vient. Mais en même temps, comme le dit si bien Guillebaud, le pessimisme et le cynisme ne peuvent conduire qu’à laisser les choses empirer, qu’à baisser les bras. Si les forces du mal existent, les « méchants » et les « ricaneurs » comme il le reprend d’un psaume ancien, il existe aussi des forces du bien, des porteurs d’espoir et de projets qui cherchent à « réparer le monde ». Les exemples qu’il tire de sa longue expérience journalistique passée à couvrir les guerres et famines l’ont convaincu de la persistance, la résilience de cette espérance.

bonoboEn faisant référence, d’entrée de jeu, au livre de Frans De Waal (Le bonobo, Dieu et nous) je voulais revenir sur cette lecture récente, qui me semble soudain compléter la perspective d’un « christianisme culturel » avancée par Guillebaud. De Waal est un primatologue qui a étudié des décennies durant les chimpanzés et les bonobos. Dans la plupart de ses écrits il s’est attaché à démontrer la continuité évolutive de certains comportements animaux et humains (empathie, souci de l’autre, équité…). Il pousse un peu plus loin ses réflexions ici en polémiquant avec les « pourfendeurs de religions ». Il ne défend pas LA religion, avouant lui-même être athée, mais il voit et fait voir, dans ce qu’on pourrait appeler une « morale animale », les sources et tendances naturelles sur lesquelles les religions ont pu s’appuyer. « L’apport principal de la religion n’est peut-être pas de nous amener à accomplir des actes que nous ne ferions pas sans elle, mais d’avaliser et de promouvoir certaines tendances naturelles. » (p. 133)

J’ai passé hier soir un long moment de discussion au téléphone avec la candidate péquiste de mon comté qui tentait de me convaincre de la nécessité de la Charte de la laïcité. Si je peux certainement comprendre que des fanatismes religieux profitent de nos libertés et droits pour promouvoir des pratiques peu respectueuses, notamment, des droits des femmes… tous les sentiments religieux ne sont pas fanatiques. Et certaines formes de « laïcité militante » cachent mal l’ignorance et le mépris à l’endroit des autres cultures. Oui, il faut défendre et affirmer la culture et l’histoire qui sont les nôtres. Particulièrement en tant que minorité continentale. Sans doute vaut-il aussi de promouvoir une conception de l’État qui soit neutre, clairement séparé de l’influence religieuse. Mais le temps des tractations entre Duplessis et Mgr Charbonneau, même s’il n’est pas si loin que certains de nos ainés s’en souviennent encore, est bien révolu.

Lorsque nos collèges, hôpitaux, services sociaux se sont finalement libérés de l’influence, la domination des églises (elles étaient propriétaires des établissements !) plusieurs religieux ont continué d’enseigner, de soigner. Nombreuses étaient les religieuses actives dans les premiers services à domicile des CLSC et certains services communautaires. Les Petites soeurs avaient fait des visites à domicile bien avant l’invention des CLSC. Il faut faire la distinction entre les appareils religieux et les sentiments religieux sur lesquels ils reposent. La promotion simpliste de la laïcité (de l’État, de la culture) peut conduire à affaiblir les solidarités et les pratiques d’entraide, d’empathie et de compassion, parce que plusieurs d’entre elles sont encore enveloppées (voilées ?) de sentiments religieux.

think-tank à large spectre

Le groupe britannique Demos** fête son 20e anniversaire avec de nouvelles publications (sur des thèmes qui semblent très proches des préoccupations du gouvernement Harper, tiens) mais aussi des évènements, dont ce lancement prochain d’un « nouveau » rapport Control Shift qui sera fait par le ministre de la société civile, Nick Hurd (de Grande-Bretagne ou du Royaume-Uni, je ne sais plus ?). Pourtant, n’est-ce pas le même rapport Control Shift qu’en décembre 2011, lancé à cette époque sous la bannière de Virgin Media ? Un discours sur la responsabilité et le risque, sur le transfert attendu, souhaité de responsabilité et de contrôle de l’État vers la communauté, l’individu. « there is a need for a rebalancing of the relationship between individuals, communities and the state (…) measures suggested to increase resilience and responsibity amongst individuals, families and neighbourhoods ».

Les cartes prépayées (The Power of Prepaid) comme moyen de distribution du soutien économique à certaines clientèles. Il semble que 25 % des « local autorities » utilisent déjà de telles cartes et qu’un autre 30 % comptent le faire dans la prochaine année. Ça me semble une manière plutôt de garder le contrôle que de le décentraliser. — À moins que les informations n’appartiennent au fournisseur, organisation locale, usager-client plutôt qu’au dépositaire ! On peut toujours rêver…

La mobilisation des communautés religieuses dans la livraison des services publics (Faithful Providers). « The report investigates 20 faith-motivated organisations across a variety of policy areas, finding little evidence to justify fears over aggressive preaching. (…) Local authorities should cease to view commissioning as purely an economic decision, and instead consider the added social value that charitable and faith providers bring ». Et même si la plupart des organisations religieuses sont non prosélytes en contexte de livraison de service, une partie le seront et vu la fragilité des clientèles… Mais l’effet « opiacé » de l’appartenance religieuse peut-il être socialement acceptable, particulièrement en fin de vie, ou durant des périodes difficiles? Et puis, il faut résister au raccourci idéologique faisant de la religion le vecteur du terrorisme. Saunders, dans le Globe and Mail,  note à quel point cette perception est fausse. Le rapport A Study of Radicalization: The Making of Islamist Extremists in Canada Today par le Service canadien du renseignement de sécurité ne dit pas autre chose.

Du site Demos, je me retrouve sur cette page, commentaire acidulé sur les réformes et tendances actuelles en couverture publique au Royaume-Uni (Social care reforms: clever politics, bad government) :

There is a dangerous lack of prevention and early intervention support to help older people stay independent at home. (…) Flying 15 minute visits short-change people who need help at home. The Care Quality Commission, the sector’s flagship regulator, checks process more forensically than quality.

** « Demos is Britain’s leading cross-party think tank. We produce original research, publish innovative thinkers and host thought-provoking events. We have spent 20 years at the centre of the policy debate, with an overarching mission to bring politics closer to people », tiré du document « Twenty years of ideas… » the 2013 Demos research strategy. (dont je ne retrouve plus l’adresse URL – mais je le dépose ici)

 

aux origines catholiques des services publics et communautaires québécois

Plusieurs trouveront irritante la question que je pose. Quelle est la part des services publics et communautaires québécois qui reste influencée par la tradition catholique ? Question innocente, ou inutile diront certains, mais que je trouve d’actualité à chaque fois que Statistique Canada publie les résultats de son enquête sur la participation et le don… ou encore lorsque je lis certains discours canadiens sur le développement des services aux enfants et aux familles. Ainsi ce Early Years Study 2 – une cette étude du Dr Mustard et al., celui-là même qui était invité à ouvrir le colloque sur le développement de l’enfant réalisé aux JASP de 2008 et dont le document EYS2 est donné comme toute référence à la vision de Avenir d’enfants. (Depuis que j’ai commencé d’écrire cet article, la version 3 de ce travail au long cours, Le point sur la petite enfance 3, est parue. Voir le billet précédent).

Je ne peux m’empêcher de voir dans la différence importante que les sociétés québécoise et canadienne anglaise montrent dans leur façon de répondre à un besoin social contemporain (les services à la petite enfance) un reflet des traditions catholique et protestante qui ont marqué et marquent encore nos deux nations. Une tradition catholique française qui semble moins craintive devant le développement de solutions publiques, étatiques alors que sa contrepartie protestante semble résister, au nom du rôle de la famille sans doute, à l’instauration de services nouveaux, d’accès universel.

Mais cet exemple n’est qu’un exemple, et il n’est peut-être pas le plus représentatif de la dynamique à l’œuvre dans le mouvement communautaire québécois. Un mouvement où je me plais à voir à l’œuvre une logique citoyenne qui se mobilise pour identifier des problèmes, des besoins, faisant pression pour que soient affectées à ces besoins des ressources collectives… après quoi les citoyens rentrent chez eux, redevenant des utilisateurs, des usagers de ce nouveau service. Je sais que c’est tourner les coins ronds… mais il me semble que du côté protestant il y a un désir, un principe de participation, d’engagement qui perdure, plus encore il me semble que du côté communautaire quasi-publique québécois.

Cette image est certes grossière en ce que le dit mouvement communautaire est justement un mélange des traditions française et anglo-saxonne, un mélange d’affirmation de la responsabilité publique (en terme de financement) et de l’autonomie de la société civile. En ce sens la comparaison serait sans doute plus crue et complète à mettre côte à côte la société française et l’anglo-saxonne. Mais c’est la société d’ici qu’il m’intéresse de réfléchir. Et je ne peux m’empêcher de rappeler les racines pas si lointaines mais bien catholiques de plusieurs organisations communautaires encore à l’oeuvre sur le terrain. Que serait le Resto-pop s’il n’y avait eu Soeur Annette ? Et Interaction famille, s’il n’y avait eu Pierrette Lafleur, elle aussi religieuse ? Et ASTA, et le Centre culturel et sportif…

Autrement dit, la présence des communautés religieuses catholiques n’est pas si lointaine dans l’histoire des organisations communautaires. Ce que je me demande c’est si cette présence aurait eu un effet différent si elle avait été d’obédience protestante. Est-ce qu’il y aurait une « manière catholique », orientée par un dévouement, une charité à l’endroit des « nécessiteux », charité pratiquée d’abord par les « permanents » que sont les membres des communautés religieuses, alors que la « manière protestante », moins basée sur la main-d’œuvre de communautés religieuses (qui – c’est mon hypothèse – étaient moins nombreuses que du côté catholique), serait plus orientée vers l’entraide et l’engagement des membres laïcs des paroisses ?

Je sais que c’est vite dit… mais c’est une question que j’aimerais bien creuser. Une meilleure compréhension des racines culturelles et historiques, où la religion était étroitement mêlée aux structures sociales (services sociaux, de santé, d’éducation), nous permettrait de mieux saisir les différences entre les sociétés d’aujourd’hui, pour mieux préparer celle de demain.

de grandes questions

La Fondation Templeton pose de grandes questions à de grands esprits. La dernière en date : Does moral action depend on reasoning? (Est-ce que l’action morale dépend de la capacité de raisonner ?). On peu lire sur le site les réponses apportées par 13 professeurs, chercheurs… dont celle d’Antonio Damasio (Yes and no), et celle de Jonah Lehrer (Not so much). Parmi les autres grandes questions soulevées au cours des ans :

De court textes, une ou deux pages…