Gilles en vrac… depuis 2002

capitalisme algorithmique

l’avidité décomplexée

« On voit ici de façon parfaitement nette l’idéologie souvent inavouée des venture capitalists, et même la formulation théorique la plus aboutie du projet politique au cœur du capitalisme algorithmique. » Ainsi Jonathan Durand Folco concluait sa critique virulente du manifeste techno-optimiste publié récemment (16 octobre 2023) par un bonze de la Silicon Valley, Marc Andreessen. Ce dernier s’est fait connaître et a fait ses premiers millions $ avec Netscape, puis il a su investir. « [M]ost of the successful startups in this arena, from Facebook to Groupon to Instagram, have Andreessen as an investor or board member. »1Entrevue dans Wired, 2012.04

Stephen Downes avait publié un assez court billet sur ce manifeste, dès la journée de sortie (16 octobre) dudit Techno-Optimist Manifesto. Dès ce moment Downes est très critique, même s’il se dit lui-même techno… phile, sinon optimiste.

And here’s where I part ways. Because while I do believe that decentralized governnance is the best governance, I don’t believe this governance is best managed through the single-minded pursuit of wealth and money. And so I see this manifesto as embodying everything that has gone wrong with our society, and making it sound as though techno-optimism entails exploitative capitalism. It does not. This manifesto has nothing to do with technology. (Traduction Google2Et c’est ici que je me sépare. Car même si je crois que la gouvernance décentralisée est la meilleure gouvernance, je ne crois pas que cette gouvernance soit mieux gérée par la poursuite résolue de la richesse et de l’argent. Et donc je vois ce manifeste comme incarnant tout ce qui n’a pas fonctionné dans notre société, et donnant l’impression que le techno-optimisme implique un capitalisme exploiteur. Ce n’est pas le cas. Ce manifeste n’a rien à voir avec la technologie.)

https://www.downes.ca/cgi-bin/page.cgi?post=75685

Ce manifeste n’a rien à voir avec la technologie ! C’est bon ça ! La gouvernance décentralisée à développer ne sera pas orientée vers la « poursuite étroite et simpliste (single-minded) de la richesse et de l’argent ». Dans un deuxième temps, le 18 octobre, Downes réplique en pointant vers un texte intéressant, celui de Dave Karpf :

Why can’t our tech billionaires learn anything new?

This is a response to Marc Andreessen’s « techno-optimist manifesto », covered here previously. It quite correctly points out that the techno-optimists have been in charge over the last 30 years. What do we have to show for it? « What we’ve been left with is the largest wealth gap since the 1920s. It turns out that when we stopped taxing the billionaires’ preferred investment vehicles, we ended up with a lot more billionaires…. Economic inequality does not solve itself. Markets are not perfect, self-correcting mechanisms. » The multiple crises we face today, from inequality to war to environmental degradation, represent the failure of this pro-capitalist manifesto.3Il souligne à juste titre que les techno-optimistes ont été aux commandes au cours des 30 dernières années. Qu’avons-nous à montrer pour cela ? « Ce qui nous reste, c’est le plus grand écart de richesse depuis les années 1920. Il s’avère que lorsque nous avons arrêté de taxer les véhicules d’investissement préférés des milliardaires, nous nous sommes retrouvés avec beaucoup plus de milliardaires… Les inégalités économiques ne se résolvent pas d’elles-mêmes. Les marchés ne sont pas des mécanismes parfaits et auto-correcteurs. » Les multiples crises auxquelles nous sommes confrontés aujourd’hui, des inégalités à la guerre en passant par la dégradation de l’environnement, représentent l’échec de ce manifeste procapitaliste. Interestingly, the article also refers back to the old Wired pro-business techno-optimist turn that I criticized at length here in 1998.

https://www.downes.ca/cgi-bin/page.cgi?post=75692 (traduction Google4Il s’agit d’une réponse au « manifeste techno-optimiste » de Marc Andreessen évoqué ici précédemment. Il souligne à juste titre que les techno-optimistes ont été aux commandes au cours des 30 dernières années. Que devons-nous montrer pour cela ? « Nous nous retrouvons avec le plus grand écart de richesse depuis les années 1920. Il s’avère que lorsque nous avons arrêté de taxer les véhicules d’investissement préférés des milliardaires, nous nous sommes retrouvés avec beaucoup plus de milliardaires… Les inégalités économiques ne se résolvent pas d’elles-mêmes. Les marchés ne sont pas des mécanismes parfaits et auto-correcteurs. » Les multiples crises auxquelles nous sommes confrontés aujourd’hui, des inégalités à la guerre en passant par la dégradation de l’environnement, représentent l’échec de ce manifeste pro-capitaliste.3 Il est intéressant de noter que l’article fait également référence au vieux virage techno-optimiste pro-business de Wired que j’ai longuement critiqué. ici en 1998.)

Si ce manifeste n’a « rien à voir avec la technologie » c’est plutôt une déclaration de guerre à situer dans le contexte des poursuites contre les abus de position dominantes (ou pratiques monopolistiques) qui s’accumulent et du débat entourant le développement (trop) rapide de l’IA. Mais il y a plus que cela. C’est une conception du monde qui se dit dans cette défense sans vergogne de l’enrichissement individuel, du culte du héros et du rejet de l’action collective et de l’intérêt public. Voir le texte de Durand Folco.

L’article de Dave Karpf promeut un pragmatisme technologique plutôt qu’une position optimiste ou pessimiste. Il ridiculise la position simpliste d’Andreessen qui conçoit la technologie comme un cadran qu’on pourrait à loisir tourner d’un côté pour accélérer, de l’autre pour décélérer…

J’ai emprunté le titre de ce billet au dernier ouvrage publié par Durand Folco — Le capital algorithmique – Accumulation, pouvoir et résistance à l’ère de l’intelligence artificielle par Jonathan Martineau et Jonathan Durand Folco. Publié chez Écosociété.

Notes

  • 1
  • 2
    Et c’est ici que je me sépare. Car même si je crois que la gouvernance décentralisée est la meilleure gouvernance, je ne crois pas que cette gouvernance soit mieux gérée par la poursuite résolue de la richesse et de l’argent. Et donc je vois ce manifeste comme incarnant tout ce qui n’a pas fonctionné dans notre société, et donnant l’impression que le techno-optimisme implique un capitalisme exploiteur. Ce n’est pas le cas. Ce manifeste n’a rien à voir avec la technologie.
  • 3
    Il souligne à juste titre que les techno-optimistes ont été aux commandes au cours des 30 dernières années. Qu’avons-nous à montrer pour cela ? « Ce qui nous reste, c’est le plus grand écart de richesse depuis les années 1920. Il s’avère que lorsque nous avons arrêté de taxer les véhicules d’investissement préférés des milliardaires, nous nous sommes retrouvés avec beaucoup plus de milliardaires… Les inégalités économiques ne se résolvent pas d’elles-mêmes. Les marchés ne sont pas des mécanismes parfaits et auto-correcteurs. » Les multiples crises auxquelles nous sommes confrontés aujourd’hui, des inégalités à la guerre en passant par la dégradation de l’environnement, représentent l’échec de ce manifeste procapitaliste.
  • 4
    Il s’agit d’une réponse au « manifeste techno-optimiste » de Marc Andreessen évoqué ici précédemment. Il souligne à juste titre que les techno-optimistes ont été aux commandes au cours des 30 dernières années. Que devons-nous montrer pour cela ? « Nous nous retrouvons avec le plus grand écart de richesse depuis les années 1920. Il s’avère que lorsque nous avons arrêté de taxer les véhicules d’investissement préférés des milliardaires, nous nous sommes retrouvés avec beaucoup plus de milliardaires… Les inégalités économiques ne se résolvent pas d’elles-mêmes. Les marchés ne sont pas des mécanismes parfaits et auto-correcteurs. » Les multiples crises auxquelles nous sommes confrontés aujourd’hui, des inégalités à la guerre en passant par la dégradation de l’environnement, représentent l’échec de ce manifeste pro-capitaliste.3 Il est intéressant de noter que l’article fait également référence au vieux virage techno-optimiste pro-business de Wired que j’ai longuement critiqué. ici en 1998.

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