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capital : évolution 1910-2010

Si ces presque 1000 pages ne rebutent pas le lecteur non spécialiste de la chose économique, c’est que l’auteur sait allier à la rigueur des chiffres, des descriptions littéraires, sociologiques et politiques qui permettent de bien saisir la dynamique des patrimoines depuis trois siècles (en France mais aussi dans de nombreux autres pays) et d’en dégager des leçons pour l’avenir. Contrairement aux travaux de nombreux économistes, Thomas Piketty considère que la science s’enrichit lorsqu’elle fait appel à d’autres disciplines (l’histoire, la sociologie, la littérature, etc.) pour rendre compte de phénomènes aussi complexes que l’histoire du capital, le rôle du patrimoine, la genèse et la permanence des inégalités dans le temps. [extrait du résumé tiré du numéro 72 de Habitat et Société].

Comme je l’ai dit il y a quelques semaines, l’intérêt de ce bouquin réside aussi dans la mise à disponibilité des tableaux, graphiques et sources utilisées. J’en présente ici quelques uns parmi ceux qui m’ont le plus éclairé.

capital-france

L’importance et la composition du capital accumulé (en France) depuis le XVIIIe siècle, mesuré en multiple du revenu national.

La quasi disparition du capital sous forme de terres et son remplacement par le capital-logement. Aussi remarquable la baisse drastique mais temporaire de l’importance du capital accumulé pendant la période 1915-1945.

capital-privé-public

Parler de capital, c’est essentiellement parler de capital privé, car s’il existe un capital public accumulé, il est pratiquement équivalent à la dette publique.

part-capital

Le capital s’accumule grâce aux revenus qu’il génère : redevances, loyers, intérêts qui représentaient entre 15% et 25% du revenu national en 1975 et entre 25% et 35% en 2010. Les revenus du travail représentent les 65% à 75% du revenu national restant.

Décile-revenus

La concentration de la richesse s’est accrue au cours des 3 dernières décennies pour atteindre ou dépasser les sommets d’avant la première guerre mondiale. Les 10% les plus riches reçoivent 35%-45% du revenu national.

patrimoine-inégal

La concentration est encore plus visible lorsqu’on examine la capital accumulé plutôt que le revenu national. Le décile supérieur possède plus de 70% du capital national, aux États-Unis ( 60% en Europe) alors que centile supérieur (le 1% le plus riche) possède autour de 30% du capital accumulé. 

Cette relative baisse par rapport aux sommets de 1910 marque la montée de la classe moyenne patrimoniale, les 40% de la population qui suivent les 10% les plus riches, qui ne possédaient il y a cent ans presque rien (5-10% du capital) et qui possèdent aujourd’hui (dans les pays riches) entre un quart et un tiers du patrimoine national. Les 50% restant, soit la moitié la plus pauvre de la société, sont restés dans la même situation c’est-à-dire qu’ils ne possèdent pratiquement aucun patrimoine.

Alors que le patrimoine hérité était descendu à moins de 50% du patrimoine total en 1970, il atteint près de 70% en 2010, en France, et continuera de croître suivant une logique favorisant la concentration et les rendements plus élevés pour les grands capitaux.

Un prochain billet portera sur les pistes avancées par Piketty : imposer le capital, et non seulement ses revenus. Et ce à l’échèle mondiale.


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Commentaires

2 réponses à “capital : évolution 1910-2010”

  1. Robert Dion

    Je suis particulièrement friand de ce genre de tableaux. Mais généralement je suis le seul dans mon entourage.

    Les conclusions ne sont pas cependant pas nouvelles. Le mouvement « Occupons » l’ayant déjà dénoncé. Cela documente et spécifie ce qui étaient déjà dans le collimateur politique.
    Car c’est là la seule vraie question : Comment transformer cette pyramide de l’inégalité en un trapèze ou un rectangle ??

  2. Je ne crois pas que Piketty veuille faire disparaître la pyramide, mais bien la contrôler… éviter que le 10%, et le 1% accroissent sans fin leur part de richesse. Je n’ai pas encore rédigé mon billet suivant, annoncé à la fin de celui-ci… je suis lent ces jours-ci. Mais ce qui se dessine dans les conclusions du livre donne des arguments à opposer à tous ceux qui répètent sans fin que l’État n’a plus les moyens… que l’on doit absolument couper dans les services car… Il y a des moyens, il y en aurait si chacun payait sa juste part. Ton commentaire me donne le petit coup de pouce pour le finir ce second billet ! Merci.

    Incidemment, j’en ai terminé de ce livre, si tu veux l’emprunter !

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