les moyens de l’État

En terminant la lecture de Piketty (voir billet précédent)  je suis « déterminé » à répliquer à tous ceux qui chantent sur tous les tons « l’État n’a plus les moyens de… » que si l’État avait imposé de manière équitable ceux qui possèdent les moyens (capitaux et revenus) il n’aurait pas eu à s’endetter. Que cette dette profite d’abord à ceux qui avaient les moyens de prêter à l’État. Ainsi, ceux qui « ont les moyens » profitent deux fois de cette iniquité : en ne payant pas leur juste part, et en tirant une rente de cette situation.

En moyenne la dette publique représente environ une année de revenu national. Évidemment la situation est différente selon les pays. Mais la moyenne est intéressante en ce qu’elle relativise la question de la dette publique lorsque comparée aux capitaux privés accumulés, qui représentent de 5 à 7 années de revenus nationaux. Ce qui fait dire à Piketty qu’un impôt extraordinaire (unique) de 15% sur cette fortune accumulée permettrait de ramener à zéro cette dette, et de dégager une marge de manoeuvre pour l’intervention publique.

Reste à voir ce qu’on ferait de cette nouvelle capacité d’agir : comment éviter qu’elle serve, simplement, à racheter les votes de certains groupes électoraux ? Une telle capacité d’action renouvelée devrait, dans le contexte actuel, être affectée à la rencontre de défis structuraux tels la transition énergétique, la formation de la main-d’oeuvre de demain, la protection des ressources halieutiques et forestières nécessaires aux générations à venir… Mais avant tout, elle devrait aussi être conjointe à une prise en compte plus complète des capitaux, à l’échèle globale, dans la base de taxation des États. Et pour ce faire il faudra que des ententes internationales soient conclues pour échanger automatiquement l’information concernant la propriété des capitaux et éviter ainsi l’évasion fiscale. Des efforts ont été consentis récemment : FATCA, pour les  États-Unis; ententes d’échange d’information entre États européens (ici, ). Un avantage non négligeable de cette capacité d’imposer équitablement la richesse dans toutes ses formes serait de pouvoir remplacer la taxe foncière, sur laquelle repose encore la santé (ou l’absence de) financière des villes alors que le foncier ne représente que la moitié des richesses en capital.

Paradis fiscaux : la filière canadienneMais le chemin sera long. Comme en témoigne avec éloquence le dossier rassemblé par Denault et al. : Paradis fiscaux : la filière canadienne. Entre le discours officiel et la réalité des règles fiscale il y a parfois un abysse ! C’est pourquoi nous devons refuser, réfuter chaque fois qu’on nous sert la chanson des moyens qui manquent à l’État, en demandant à ces décideurs myopes quels sont les moyens mis en oeuvre pour récupérer les sommes dues et traquer les citoyens sans scrupule ni honneur.

 

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