Gilles en vrac… depuis 2002

productivité, progrès et regrès…

Les discours politiques des grands partis se ressemblent en ce qu’ils affirment tous viser plus de développement, plus d’emplois, plus de productivité pour le Québec. Ce ne sont pas des discours de visionnaires mais ceux d’administrateurs qui n’ont aucune intention de « changer le système » mais bien plutôt de s’y conformer le mieux possible. Comme si on ne pouvait que s’agenouiller devant le dieu Marché. [Même l’OECD prédit l’effondrement du capitalisme] Pourtant il faudra bien se résoudre à se lever debout. Ne serait-ce que pour y voir un peu plus loin. Et il faudra bien se résoudre à harnacher enfin ce marché qui nous pousse inexorablement vers le cataclysme…

[C]ollective refusals of world-destroying patterns of growth and accumulation. [24/7: Late Capitalism and the Ends of Sleep]

Cet article récent (14.06.25) « Progrès technoscientifique et regrès social et humain » de ces bricoleurs de l’esprit critique du site Pièces et Main d’oeuvre se termine sur appel dramatique « C’est ce techno-totalitarisme, ce « fascisme » de notre temps que nous combattons, nous, luddites et animaux politiques, et nous vous appelons à l’aide. – Brisons la machine. »

Nous soutenons que les idées sont décisives. Les idées ont des ailes et des conséquences. Une idée qui vole de cervelle en cervelle devient une force d’action irrésistible et transforme le rapport des forces. C’est d’abord une bataille d’idées que nous, sans-pouvoir, livrons au pouvoir, aussi devons-nous être d’abord des producteurs d’idées.

Plus loin dans  même cette rubrique  « Pièces et Main d’Oeuvre n’est pas l’enseigne d’un collectif, mais d’individus politiques. Nous refusons la bien-pensance grégaire, qui n’accorde de valeur qu’à une parole réputée « collective », pour mieux la réduire au conformisme, à la paresse et à l’incapacité, dans l’anonymat du groupe. Nous ne souhaitons pas de gens « qui fassent partie », mais – au contraire – nous allier chaque fois que possible et nécessaire avec d’autres « qui fassent  » par eux-mêmes. » Cet appel à l’engagement personnel, individuel, au-delà de l’engagement collectif associé à une « bien-pensance grégaire » ne refuse pas l’action collective, la mobilisation du grand nombre mais reconnait que celle-ci ne sera possible que par une action à contre-courant, à rebrousse-poil contre ce qui est encore perçu comme l’inévitable, l’indépassable technologie. Oui c’est un discours luddite mais comment faire autrement ? Comme le disait Philippe Bihouix dans une entrevue récente : La high-tech nous envoie dans le mur. Toutes ces « facilités » et machines individuelles [cette petite merveille d’ordinateur sur lequel j’écris ce texte] qui font aujourd’hui notre confort quotidien, sans même qu’on prête attention aux extrêmes pressions économiques, écologiques qu’elles impliquent, ne pourront être maintenues à long terme. De manière un peu différente mais convergente, les  auteurs du Dark Mountain Manifesto mettent de l’avant une Uncivilisation,  un appel aux artistes, ces transgresseurs de tabous, pour qu’ils dépassent, déconstruisent ce dernier tabou qu’est celui du Progrès et de la Civilisation.

The last taboo is the myth of civilisation. It is built upon the stories we have constructed about our genius, our indestructibility, our manifest destiny as a chosen species. It is where our vision and our self-belief intertwine with our reckless refusal to face the reality of our position on this Earth. It has led the human race to achieve what it has achieved; and has led the planet into the age of ecocide. 

Pour éviter l’écocide, si c’est encore possible, il faudra des artistes, des intellectuels, des inventeurs, des passeurs et des facilitateurs. Il faut des individus engagés pour faire des communautés solidaires, aimantes, protectrices et prospectives. Tout comme il faut des communautés inclusives, éducatives, responsables et autonomes, confiantes pour que naissent des individus créateurs.

Il s’agit plus que de reconnaître la légitimité et les droits de minorités et dissidences, il s’agit de miser sur et d’articuler les libertés individuelles et les conditions d’existence et de perpétuation des collectivités – naturelles et intentionnelles. Les manières traditionnelles de  gérer ce dilemme conduisent aux défenses un peu caricaturales de l’une ou l’autre alternative : primauté à la liberté (principalement individuelle) de posséder, d’accumuler, de vendre, d’entreprendre… OU primauté aux droits collectifs et sociaux, à la responsabilité publique et à la protection du patrimoine, à la gestion des communs.

Nous ne pouvons plus nous permettre de faire alterner ces points de vue comme s’ils se repoussaient l’un l’autre. Il nous faudra les articuler, les intégrer pour gérer une société où les taux de croissance ne seront plus ce qu’ils ont été au cours des dernières décennies.


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