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économie écologique

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L’économie face à la nature – De la prédation à la coévolution, de Harold Lever et Antoine Missemer, publié par l’Institut Veblen et Les Petits matins en janvier 2023.

Je ne me souviens plus de ce qui m’a conduit à cette publication, mais la présence de l’Institut Veblen a sans doute joué, ayant déjà apprécié leurs travaux notamment sur la « traçabilité » ( Réussir le « Green Deal » : un programme social-écologique pour sortir l’Europe de la crise, 21 mars 2020, Institut Veblen).

Un livre sobre, écrit par des économistes, court malgré ses 250 pages (dont 20 pages de bibliographie) vue l’ampleur historique et épistémique du parcours.

« Par coévolution nous entendons une économie où les interdépendances entre activités humaines et dynamiques naturelles sont placées au cœur des modes de production et de consommation, où les êtres humains agissent par et pour le vivant en sélectionnant les innovations institutionnelles, techniques ou organisationnelles les plus adaptées à cet objectif.

« En lieu et place d’une vision économique de notre environnement naturel (prix des ressources, coûts financiers de dégâts écologiques, etc.) nous devons adopter une vision écologique de nos économies dans laquelle la cohabitation entre humains et non-humains devient la priorité. »

Les premiers chapitres retracent l’histoire de la perception de la nature d’un point de vue économique et soulignent les efforts passés pour inclure l’économie dans le vivant, dans la Nature. Mais aussi la tendance dominante à évaluer cette dernière d’abord en termes de gains et pertes pour l’humain plutôt que d’équilibre et de gains partagés, de coévolution. J’ai quand même l’impression qu’il manque à cet exercice historique et épistémologique une appréhension réaliste du poids actuel que fait peser l’économie capitaliste thermo-industrielle sur la nature.

Une impression similaire devant la partie « Nourrir l’être humain sans détruire les écosystèmes » : on ne pose pas vraiment la question de la capacité de nourrir 8 milliards d’humains avec une agriculture biologique et circulaire… sinon en soulignant qu’il y a du potentiel de croissance de cette dernière.

Certaines politiques de réensauvagement (ex: réintroduction des loups) conduisent à des compensations des éleveurs alors que de nouvelles perspectives (bénéfices) économiques se développent : tourisme d’observation de la nature…

À la page 198 j’apprends que la Cour suprême du Canada « a innové en décidant de donner priorité aux actions de restauration écologique avant le remboursement des dettes financières de l’entreprise en faillite ».  Une petite recherche me conduit à la cause Orphan Well Association c. Grant Thornton Ltd (2019) sur le site de la Cour suprême : « Une entreprise pétrolière et gazière qui a fait faillite doit s’acquitter de ses obligations environnementales provinciales avant de rembourser ses créanciers. » Intéressant. Reste à savoir si les provinces vont vraiment prioriser la restauration de l’écosystème plutôt que de soigner leurs relations (souvent serviles) avec l’industrie minière.

En fin de compte, malgré les critiques soulevées, ce tour d’horizon donne à voir les nouveaux champs d’application d’une économie qui ne s’enfermerait pas dans le seul marché. Pour reprendre quelques phrases de la conclusion :

« Encastrer l’économie dans les dynamiques naturelles, reconnaître la dette écologique des systèmes économiques, nourrir l’être humain sans détruire les écosystèmes, apprendre à vivre avec la biodiversité sauvage, transformer le contrat social en un contrat naturel : ces cinq principes constituent le vade-mecum d’une économie de la coévolution, dont l’avènement est devenu impératif face aux alertes environnementales que nous connaissons, en particulier l’amorce de la sixième crise d’extinction du vivant. »

La reconnaissance du pouvoir des municipalités de freiner le développement immobilier (ou industriel) afin de respecter la capacité limitée des systèmes en place (égouts, eaux, routes) est déjà reconnue dans le projet de loi 16 actuellement à l’étude à Québec. Ne pourrait-elle être étendue au respect de la capacité des environnements naturels ? Ça semble le cas quand les villes tentent de faire respecter les zones humides et espaces verts mais elles rencontrent des difficultés qui prennent la forme de poursuites pour « expropriations déguisées » (Voir billet précédent : nos villes et nos villages).

(22.05.23)À noter une publication récente (18 mai) de l’IRIS sur un thème approchant : L’empreinte matérielle de la couverture des besoins de base au Québec.
(25.05.23) Un épisode du podcast La terre au carré (France Inter) avec Harold Levrel et Antoine Missemer, L’économie face à la nature : vers une transformation écologique de l’économie ?


Ce billet aurait pu s’intituler « mes dernières lectures » comme j’en écris parfois, pour noter mon appréciation et ce que j’en ai retenu, avant de tout oublier ! Quatre livres donc : L’économie face à la nature; How to be a climate optimist;  La bataille du siècle; puis L’esprit démocratique du populisme.
NOTE : Après avoir rédigé les deux premiers commentaires j’ai décidé de les publier séparément.


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