Si nous devions, un jour, mettre en place un système de mesure de l’état de santé des populations locales, par le biais de sondages et autres sources de données, ce système devrait non seulement mesurer les éléments comportementaux et sociologiques habituellement utilisés pour décrire les facteurs de risques associés aux maladies surveillées, mais aussi identifier les caractéristiques des milieux de vie et micro-milieux qui reflètent les choix et les ressources misent en œuvre par leurs habitants pour faire face à leurs besoins sanitaires et sociaux.
Une telle approche, que je qualifierais humblement d’écosystémique, nous permettrait non seulement de questionner des individus mais de qualifier des milieux de vie qui sont des « filtres » qui attirent certaines personnes ayant des besoins ou des moyens particuliers, ceux-ci étant souvent corrélés aux maladies chroniques que nous désirons « pister ».
Quand je parle de milieux de vie et que je pense aux personnes âgées vulnérables (hors des CHSLD), je pense aux HLM pour aînés, aux ensembles d’habitations de type OBNL… mais aussi, surtout dirais-je, aux petites et moyennes résidences privées offrant des services aux aînés. Pourquoi « surtout » ? Parce que lorsque nous avons comparé, il y a quelques années, le « taux de pénétration » des services à domicile en fonction des lieux de résidence, il est apparu que les taux d’utilisation de ces services étaient beaucoup plus élevés dans les petites résidences que dans les HLM et OBNL. Ce qui peut être interprété comme un indicateur de vulnérabilité. En fait les taux d’utilisation des services dans les « logements sociaux » étaient assez semblables à ceux observés dans les « habitations normales ». Ce qui nous a surpris dans un premier temps, mais qui s’explique assez bien, à la réflexion : c’est d’abord des critères économiques (ou circonstanciels) qui déterminent l’accès à un logement social alors que les personnes s’orientant dans les maisons de chambres et petites résidences avec services sont probablement plus atteintes dans leur autonomie, et leur santé.
Ce qui me fait dire qu’une évaluation de l’état de santé de notre population devrait porter une attention particulière à ces milieux de vie, afin qu’on puisse utiliser la connaissance ainsi produite pour mieux orienter l’ensemble de nos services auprès des personnes avec maladies chroniques. À moins, bien sûr, qu’on ne s’intéresse qu’à ceux qui seront malades demain, et non à ceux qui le sont aujourd’hui… parce qu’on désire réduire l’incidence de ces maladies. Sûr que c’est là un objectif louable intéressant au premier plan les institutions chargées de la promotion et de la prévention. Mais si cet « état de santé » doit être supporté, notamment financièrement, par l’ensemble du réseau sociosanitaire il est sans doute souhaitable que les connaissances produites puissent servir plus largement qu’au seul secteur de la santé publique.
Je me suis sans doute mal exprimé, encore une fois, en laissant entendre que des gens pourraient ne pas s’intéresser à ceux qui sont malades aujourd’hui… alors que de faire une étude sur les maladies chroniques dans la population nous permettrait d’abord de bien identifier les populations qui sont atteintes sans être encore traitées. Ma réflexion ne visait qu’à mettre en lumière cette idée que les conditions de résidence des gens peuvent être utilisées comme des marqueurs de santé. Une hypothèse qui pourrait être validée en utilisant une stratégie d’échantillonnage appropriée, et en croisant cette information avec des données déjà disponibles dans le système : taux d’utilisation des urgences, des ambulances en fonction du type de milieu de vie.
En fin de compte, si un tel programme d’enquête voit le jour et qu’il peut effectivement servir non seulement à la santé publique mais aussi au réseau de santé dans son ensemble… nous aurons fait un pas pour résoudre ou amenuiser le sévère cas de bicéphalisme qui afflige notre système sociosanitaire.
Qu'en pensez vous ?