Construire une base structurelle locale pour le changement économique ?

Une étude de cas sur les initiatives locales dans une perspective de « prévoyance sociale ».

Traduction de l’article Building a local structural basis for economic change? A case study on grassroots initiatives from a ‘social provisioning’ perspective, par Roman Hausmann, Anne-Kathrin Schwab. Ecological Economics, janvier 2025


Faits saillants

  • Les initiatives citoyennes (IC) peuvent constituer une base structurelle pour l’approvisionnement local.
  • La théorie de l’« approvisionnement social » est adaptée pour saisir l’impact des IC sur les structures.
  • Les données montrent que les initiatives citoyennes ont créé des structures matérielles, sociales et culturelles.
  • Les résultats empiriques qualitatifs ont permis de dégager 8 nouvelles sous-catégories théoriques de structures.
  • La création de structures constitue une contribution essentielle à la transformation des économies locales.

Résumé

Le cadre conceptuel du « processus de provisionnement social » postule que rendre les processus de provisionnement plus durables sur le plan social et écologique nécessite des changements structurels au niveau des fondements matériels, sociaux et culturels des économies. Cet article explore les façons dont les initiatives locales menées par les communautés (ILC) contribuent à ces changements structurels. L’objectif de cet article est double : premièrement, nous fournissons des preuves empiriques systématiques de l’impact des activités des ILC sur les structures sociétales, qui sont essentielles pour évaluer le potentiel transformateur des ILC mais qui ont été insuffisamment abordées dans la littérature. Deuxièmement, nous adaptons et développons le cadre conceptuel du « processus de provisionnement social » afin de le rendre opérationnel pour la recherche sur les processus de provisionnement locaux, proposant ainsi une théorie économique hétérodoxe solide – qui tient compte de la dimension structurelle – au domaine de recherche des ILC, qui en était jusqu’à présent dépourvu. À cette fin, une étude qualitative à cas multiples est menée afin d’examiner trois ILC. Huit catégories de structures de provisionnement sont identifiées comme une avancée du cadre conceptuel du « processus de provisionnement social ». Les données montrent comment les trois cas d’ILC constituent une base structurelle dans chacune des huit catégories, ce qui tend à faciliter un provisionnement plus durable, et révèlent les axes prioritaires, les stratégies et les limites de la création de ces structures.


1. Introduction

Récemment, les chercheurs se sont intéressés de plus en plus aux initiatives ascendantes et à leurs pratiques expérimentales pour contribuer aux transformations sociétales, tant en économie écologique (par exemple, Villamayor-Tomas et al., 2022 ; Sillig, 2022 ; Marletto et Sillig, 2019 ; Bloemmen et al., 2015 ; Lehtonen et de Carlo, 2019) et dans d’autres communautés scientifiques (par exemple, Smith et Ely, 2015 ; Esteves et al., 2021 ; Matthies et al., 2019 ; Smith et Stirling, 2018 ; Kousis et Paschou, 2017). Nous appelons « initiatives citoyennes » (IC) ces tentatives ascendantes de changement sociétal fondamental (par exemple, Seyfang et Smith, 2007 ; Smith et al., 2016a ; Hossain, 2016 ; Hermans et al., 2016 ; Boyer, 2015). Les ILC sont généralement définies comme « des réseaux d’activistes et d’organisations qui génèrent des solutions novatrices ascendantes pour le développement durable, des solutions qui répondent à la situation locale et aux intérêts et valeurs des communautés concernées » (Seyfang et Smith, 2007, p. 585). De telles initiatives existent dans les communautés et les quartiers traditionnels, mais elles sont généralement plus sophistiquées dans les « communautés intentionnelles », qui sont des communautés délibérément créées et conçues pour atteindre un niveau élevé de bien-être grâce à la vie en commun et pour réaliser des idéaux sociaux, politiques ou environnementaux (Mulder et al., 2006 ; Grinde et al., 2018).

Dans cet article, nous conceptualisons les ILC comme des activités gérées par des militants1 organisés en communautés intentionnelles qui développent et expérimentent des formes innovantes d’approvisionnement dans le but de restaurer, maintenir et créer activement des qualités écologiques et sociales dans des contextes locaux ou régionaux. L’accent mis sur l’« approvisionnement » dans cette définition souligne la dimension économique de ces initiatives, que nous estimons sous-étudiée et sous-théorisée dans la littérature actuelle sur les ILC. Ici, le terme « approvisionnement » élargit la perspective économique habituelle en reconnaissant les contextes sociaux et culturels essentiels à la production, à la distribution et à la consommation de biens et de services (Jo et Todorova, 2017). Parmi les exemples spécifiques de processus d’approvisionnement local des ILC, on peut citer l’agriculture soutenue par la communauté, les banques communautaires, les coopératives de production/consommation, les initiatives énergétiques communautaires et les communautés d’habitation collaborative.

Alors que la plupart des études se concentrent sur les avantages directs des ILC, tels que la réduction des émissions de CO2 (par exemple, Daly, 2017 ; Celata et Sanna, 2019) ou l’autonomisation des citoyens (par exemple, Avelino et al., 2019a ; Seyfang et Haxeltine, 2012 ; Esteves, 2022), le postulat fondamental de cet article est que, pour contribuer à une transformation profonde du système économique, les GI doivent s’attaquer aux institutions sociétales dominantes et aux conditions structurelles qui sont à l’origine des économies non durables. Ce postulat repose sur l’affirmation selon laquelle les processus économiques et la prise de décision ne sont pas principalement une question de choix individuels et de rationalité, mais sont façonnés par les conditions structurelles du contexte dans lequel ils s’inscrivent. Ces conditions structurelles peuvent par exemple être liées à la disponibilité d’infrastructures physiques, mais aussi à des facteurs immatériels tels que les normes et les valeurs sociétales. Cette affirmation s’inscrit dans une longue tradition de la pensée économique institutionnelle (par exemple, Gruchy, 1987 ; Hayden, 1982 ; Dugger, 1996) mais elle a également été fréquemment abordée dans l’économie écologique (par exemple, Røpke, 2009 ; Hardt et al., 2021 ; Paavola et Adger, 2005 ; Sanne, 2002 ; Plank et al., 2021). Ainsi, si les consommateurs et les producteurs veulent s’engager dans des processus d’approvisionnement plus durables sur le plan social et écologique, ils doivent être placés dans un environnement structurel qui crée les capacités nécessaires pour le faire, par exemple en leur donnant accès à des infrastructures durables et aux compétences et connaissances nécessaires pour les utiliser (Walker, 2015).

Partant de ce principe, cet article a pour principale contribution d’examiner si et comment les ILC contribuent à la création des conditions structurelles qui constituent une condition préalable à une transformation économique. La littérature existante sur l’innovation sociale (transformatrice) (par exemple, Fait et al., 2023 ; Pel et al., 2020 ; Avelino et al., 2019a, Avelino et al., 2019b ; Matthies et al., 2019 ; Howaldt et Schwarz, 2010) et l’innovation de niche (citoyenne) (par exemple, Seyfang et Haxeltine, 2012 ; Smith et Raven, 2012 ; van den Heiligenberg et al., 2017 ; Geels, 2002) soulignent le potentiel des ILC en tant qu’espaces expérimentaux où l’innovation sociale et technologique peut émerger à la suite d’activités de niche (radicales) ascendantes. Une partie de cette littérature examine les possibilités que la diffusion de ces innovations affecte les régimes socio-techniques en place (par exemple, Seyfang et Longhurst, 2016 ; Smith et al., 2016b ; Hölsgens et al., 2018), par exemple par la reproduction, la mise à l’échelle ou la transposition des pratiques de niche populaires au régime (Boyer, 2015). Même si cette littérature examine comment les ILC peuvent affecter les structures sociétales existantes (c’est-à-dire les régimes socio-techniques), elle n’élabore pas théoriquement ni n’explore empiriquement comment les ILC créent elles-mêmes des structures d’approvisionnement locales qui servent ensuite de base fructueuse pour le développement d’activités d’approvisionnement locales supplémentaires au-delà de la « bulle militante »2. Seules quelques études ont explicitement reconnu cet aspect de la création de structures locales par les ILC (Seyfang et Longhurst, 2013 ; Gausset, 2021 ; Orozco-Meléndez et Paneque-Gálvez, 2022 ; Rover et al., 2017). Toutefois, à notre connaissance, aucune étude empirique n’a systématiquement étudié ou cartographié cet impact des ILC et de leurs activités économiques sur les bases structurelles de l’approvisionnement.

La mise en œuvre de cette recherche nécessite une théorie économique qui tienne compte du pouvoir facilitateur et contraignant des structures sur les processus et les résultats économiques. En outre, une compréhension large des processus économiques est nécessaire pour inclure les activités de niche locales des ILC comme économiquement pertinentes. Nous soutenons que le domaine de la recherche sur les ILC manque d’une telle théorie économique. Même si la littérature actuelle sur les ILC met souvent l’accent sur la dimension économique de ces initiatives (par exemple, Lewis et Conaty, 2012 ; Gibson-Graham, 2008 ; Seyfang et Longhurst, 2013 ; Sekulova et al., 2017 ; Esteves, 2022), le lien théorique avec l’économie est plutôt superficiel et insuffisamment théorisé. Par exemple, le projet « économies communautaires » de Gibson-Graham, 2006, Gibson-Graham, 2008 offre un cadre théorique qui rend compte des processus économiques post-capitalistes impulsés par les communautés, mais qui, selon Schmid et Smith (2021), ne tient pas clairement compte des facteurs structurels qui façonnent les économies. Nous souhaitons donc enrichir la littérature sur les ILC en la reliant à une théorie économique hétérodoxe bien établie, à savoir le cadre du « processus de provisionnement social » (PPS). Le cadre du PPS a été développé pour étudier les systèmes de provisionnement capitalistes (Jo et Todorova, 2017). C’est pourquoi nous développons une version affinée et enrichie du PPS qui rend opérationnel le cadre d’analyse des systèmes de provisionnement locaux à la base.

Ainsi, l’objectif de cette étude est de combler les lacunes actuelles de la littérature sur les ILC de deux manières : premièrement, elle offre au domaine de la recherche une théorie économique bien établie qui permet une analyse sophistiquée des activités économiques des ILC et qui tient compte des facteurs structurels. Deuxièmement, en appliquant ce cadre théorique, cette étude fournit des preuves empiriques systématiques de la manière dont les ILC peuvent contribuer à établir une base structurelle pour le changement économique local, défini ici comme les structures matérielles, sociales et culturelles qui façonnent les processus et les résultats de l’approvisionnement (Jo, 2011). Nous cherchons ainsi à susciter un intérêt accru au sein de la communauté des économistes écologiques pour l’étude du potentiel des ILC à contribuer à une « transformation socio-écologique » (Spash, 2019 ; Brand, 2016 ; Stirling, 2015). Nous utilisons une méthode d’étude qualitative à cas multiples pour étudier trois ILC : Interkomm Kassel, Schloss Tempelhof et Fuchsmühle.

2. Cadre théorique : le « processus de provisionnement social »

2.1. Le cadre du « processus de provisionnement social » et les trois bases structurelles du provisionnement

Afin de cadrer conceptuellement l’étude empirique de l’impact des ILC sur les conditions structurelles et institutionnelles, cet article utilise le cadre économique hétérodoxe des « processus de provisionnement social » (par exemple, Jo et Todorova, 2017 ; Lee, 2008 ; Dugger, 1996 ; Jo, 2011 ; Mellor, 2006). Le concept de provisionnement social a été développé dans diverses écoles économiques hétérodoxes et a une longue tradition dans la pensée économique écologique (Franco, 2018 ; Plank et al., 2021). La PPS critique la théorie économique néoclassique, qui réduit l’économie à l’étude de la répartition de ressources rares entre des individus rationnels aux préférences insatiables, la transformant ainsi en un problème d’optimisation mathématique basé sur des hypothèses très simplifiées (Jo et Todorova, 2017 ; Backhouse et Medema, 2009). Comme l’explique Stevenson, « [l]e concept néoclassique est fondamentalement ahistorique, aculturel et amoral » (Stevenson, 1987, p. 1474) et « trop dépourvu de réalité structurelle » (1987, p. 1476).

En revanche, la PPS propose d’étudier l’économie comme le processus social de production, de distribution et de consommation de biens et de services dans le but de satisfaire les besoins de ceux qui y participent (Gruchy, 1987). Les processus économiques sont compris – en contraste frappant avec la théorie économique néoclassique – comme étant intrinsèquement sociaux et politiques et profondément façonnés par les relations de pouvoir et les valeurs des acteurs impliqués. De plus, ils sont perçus comme dynamiques et donc situés dans un contexte historique particulier – au lieu de tendre vers un état d’équilibre – et comme intégrés dans des systèmes sociaux et biophysiques ouverts et complexes (Jo et Todorova, 2017 ; Franco, 2018). L’approche PPS inclut les échanges marchands et non marchands, la provision formelle et informelle (non monétaire), ainsi que de multiples échelles et acteurs (Jo, 2011). La PPS rejette à la fois l’individualisme méthodologique néoclassique et le structuralisme pur, car elle reconnaît que les structures et l’action (sociale) façonnent la constitution des processus de provisionnement et leurs résultats sociaux et écologiques (Jo, 2011). Du point de vue de la SPP, l’objectif central de la recherche économique est de comprendre les structures et les mécanismes sous-jacents des processus de provisionnement afin d’expliquer leurs résultats (Jo, 2011) – qui sont finalement évalués en fonction de leurs effets sur le bien-être (Power, 2004) – et de formuler des recommandations normatives correspondantes pour améliorer les processus de provisionnement (Lee, 2008). Le concept de bien-être n’est pas ici limité à la notion néoclassique de maximisation utilitaire consumériste et hédoniste, mais implique que les besoins humains fondamentaux soient satisfaits (Gough, 2015, Gough, 2019 ; Max-Neef et Ekins, 1992) et que les capacités nécessaires pour réaliser diverses conceptions de l’épanouissement humain soient présentes (Alkire, 2005 ; Sen, 1993).

Les racines de cette critique de la théorie néoclassique – et son remplacement par une approche plus ancrée dans la réalité – remontent au moins à la distinction établie par Polanyi (2001) entre le sens formaliste et le sens substantiviste de l’économie. L’économie formaliste désigne l’étude de la prise de décision individuelle rationnelle concernant les utilisations alternatives de ressources rares, selon Robbins (Backhouse et Medema, 2009). L’économie substantiviste désigne l’étude des processus de provisionnement visant à satisfaire les besoins humains tels qu’ils s’inscrivent dans un environnement social et naturel (Sobel et Postel, 2016 ; Polanyi, 2001).

Jo (2011), économiste évolutionniste et institutionnel qui a contribué de manière significative au développement du cadre PPS, décompose le fondement structurel des processus d’approvisionnement en trois « bases » sociétales : La base matérielle, la base sociale et la base culturelle d’une économie constituent ensemble la structure dans laquelle les agents sociaux agissent et dans laquelle leurs actions sont liées. La base matérielle fait référence aux réalités physiques d’une économie, telles que les infrastructures matérielles, l’état de la technologie ou l’environnement naturel, y compris les ressources et les contraintes géophysiques. La base sociale fait référence aux relations sociales et aux « classes socio-économiques » (Jo, 2011, p. 1101). Cela inclut non seulement les relations de production ou d’emploi, mais aussi les conditions sociétales liées à la race ou au genre. Enfin, la base culturelle de l’approvisionnement fait référence à un « système de valeurs spécifique à une société » (Jo, 2011, p. 1101) et implique des normes, des idées et des croyances. La proposition de Jo (2011) concernant les trois bases de l’approvisionnement s’inspire principalement des travaux d’économistes institutionnels tels que Dugger (1996), Gruchy (1987) et Hayden (1982). Par exemple, la matrice du tissu social de Hayden (1982), qui s’inspire elle-même des travaux d’institutionnalistes tels que Veblen, Ayres et Polanyi, offre un outil d’évaluation des politiques qui tient compte de la manière dont des facteurs tels que les cérémonies sociales (croyances, normes, valeurs), l’environnement (flore, sol, faune, climat) et les connaissances (technologies, compétences) définissent ensemble le cadre des processus sociaux et de la prise de décision dans une économie. Les bases matérielles, sociales et culturelles de l’approvisionnement – bien que séparées ici à des fins explicatives – sont étroitement liées et se recoupent dans la pratique (Hayden, 1982). Bien que Jo (2011) esquisse l’idée de trois bases de l’approvisionnement, il ne détaille pas les caractéristiques de ces bases.

2.2. Processus locaux d’approvisionnement à la base

Jusqu’à présent, le cadre PPS n’a été utilisé que pour étudier les systèmes de provisionnement capitalistes (Jo et Todorova, 2017). Il a par exemple été appliqué par des économistes féministes pour explorer le rôle des soins et du travail non rémunéré en tant qu’activités économiques essentielles et conditions nécessaires à la reproduction de l’approvisionnement du marché mondialisé (Berik et Kongar, 2021 ; Power, 2004), et par des économistes institutionnels pour comprendre le lien dynamique entre les processus naturels (par exemple, les processus biologiques), les caractéristiques personnelles (par exemple, le genre) et les activités sociales (par exemple, la consommation) (Todorova, 2015). Jusqu’à présent, elle n’a pas été appliquée pour étudier des formes de provisionnement radicalement alternatives, telles que les processus locaux de provisionnement à la base des ILC. Néanmoins, Jo note que des conditions sociétales alternatives non capitalistes conduiraient à des processus de provisionnement différents : « Dans une société où la propriété absente et ses intérêts particuliers dominent, la provision de biens est coordonnée en faveur des intérêts particuliers de l’agence capitaliste. Dans une autre société où la cohésion sociale et le souci de l’environnement priment sur le principe commercial, la production et la distribution des biens excédentaires sont coordonnées selon un mécanisme causal différent » (Jo, 2011, p. 1101). Dans les paragraphes suivants, nous expliquons pourquoi la SPP offre une perspective économique utile pour analyser l’approvisionnement local à la base et de quelle manière ce cadre doit être adapté pour être opérationnel dans de tels contextes.

L’approche de la PPS, qui considère l’économie comme l’étude de l’économie « réelle »3, en fait un cadre approprié pour étudier les processus locaux d’approvisionnement des ILC. La conception très large de l’économie dans la PPS est essentielle, car l’approvisionnement non marchand et non monétaire, tel que l’éducation informelle, le travail de soins non rémunéré et les activités culturelles, constitue une part importante des pratiques des ILC (par exemple, Celata et Sanna, 2019 ; Lewis et Conaty, 2012 ; Lang, 1994). Plus important encore, le cadre de la PPS correspond à l’argument central de cet article, car il repose sur l’hypothèse que les conditions structurelles façonnent (sans toutefois les déterminer) les décisions relatives à la manière dont la production et la consommation s’organisent dans l’économie, ainsi qu’à leur nature et à leur volume. Ce cadre est donc particulièrement utile pour analyser comment les structures radicalement divergentes créées par les ILC influencent la constitution de l’approvisionnement local. En outre, la PPS reconnaît l’importance des structures sociales et culturelles – et pas seulement matérielles – qui façonnent l’approvisionnement, ce qui est essentiel pour cette étude, car les ILC mettent souvent l’accent sur la promotion de valeurs alternatives, de récits de changement et de relations sociales (Wittmayer et al., 2019).

D’autres cadres théoriques hétérodoxes partagent cette perspective ; par exemple, la théorie de la régulation (par exemple, Aglietta, 2015 ; Boyer, 1990 ; Jessop, 2018) perçoit également les processus économiques comme étant intégrés dans des structures historiques émergentes et dynamiques. À l’instar de la PPS, elle adopte une approche institutionnaliste et substantiviste polanyienne pour définir l’économie et prend en compte les structures sociétales matérielles et immatérielles (Boyer, 1990). Toutefois, pour la présente étude, la PPS constitue un cadre particulièrement utile en raison du modèle tripartite de Jo (2011), qui distingue les bases matérielles, sociales et culturelles, ce qui permet de regrouper les activités de provisionnement des ILC étudiés dans les trois catégories.

Malgré cette adéquation théorique globale, la conceptualisation des trois bases doit être affinée et développée afin de mieux s’adapter à l’analyse des activités économiques des ILC. Dans cet article, un ensemble de sous-catégories appropriées et pertinentes à cette fin est développé (voir Fig. 1). Il est dérivé à la fois de manière déductive de la littérature sur la PPS et les ILC, et de manière inductive de l’expérience acquise sur le terrain.

Fig. 1. Les trois bases structurelles de l’approvisionnement local à la base, avec des sous-catégories.

2.2.1. Base matérielle

La base matérielle désigne l’ensemble des caractéristiques physiques de la société qui façonnent les processus d’approvisionnement. Par exemple, dans les sociétés capitalistes occidentales, l’abondance du charbon, associée à des avancées technologiques telles que les machines à vapeur, a permis et façonné le progrès économique des nations industrialisées au cours des XVIIIe et XIXe siècles, fondé sur les combustibles fossiles. Même si ces conditions matérielles n’ont pas déterminé ce progrès économique, elles ont défini le cadre et les limites de l’action sociale, façonnant ainsi à la fois la constitution des processus d’approvisionnement et leurs résultats, y compris leurs implications sociales, politiques et environnementales. Ainsi, dans le contexte d’une transformation socio-écologique, il est essentiel de créer des structures matérielles qui favorisent un approvisionnement plus durable. En ce qui concerne les processus d’approvisionnement locaux à la base, nous identifions au moins trois sous-catégories pertinentes dans lesquelles les ILC peuvent contribuer à la mise en place d’une base matérielle favorable.

La première sous-catégorie concerne les infrastructures physiques. Elle comprend, par exemple, le partage de machines et d’outils ou de bâtiments fournis par les ILC et pouvant être utilisés pour des activités d’approvisionnement organisées localement. Par exemple, Gausset (2021) montre que les communautés environnementales danoises ont mis en place des infrastructures physiques importantes, telles que des logements construits avec des matériaux biodégradables locaux ou des systèmes énergétiques hors réseau, qui permettent un comportement plus durable.

La deuxième sous-catégorie concerne les entreprises gérées par les ILC et les biens et services qu’elles produisent. Elles constituent une base matérielle pour l’approvisionnement en fournissant des produits qui peuvent être utilisés comme intrants intermédiaires pour d’autres activités économiques locales et en permettant aux citoyens de consommer des biens et services produits localement qui, autrement, ne seraient pas disponibles.

La troisième sous-catégorie concerne l’innovation technologique induite par les ILC qui permet un approvisionnement local plus souhaitable. Dans le passé, le développement de technologies majeures, telles que l’énergie éolienne, a souvent été catalysé par des mouvements populaires (Smith et Stirling, 2018 ; Smith et al., 2016a).

2.2.2. Base sociale

La base sociale décrit les relations sociales qui sous-tendent les processus d’approvisionnement. Par exemple, les économistes féministes soulignent que la croissance économique et la prospérité historiques et contemporaines ont été rendues possibles grâce au travail reproductif non rémunéré, principalement fourni par les femmes (Salleh, 2017). La constitution dominante des relations sociales dans la société – et les processus d’approvisionnement qui en résultent, ainsi que leurs conséquences sociales et écologiques – ne sont pas simplement données ou statiques, mais plutôt produites et reproduites à travers des luttes de pouvoir permanentes (Dugger, 1996). Comme l’affirme Stevenson, « la distribution n’est [pas] simplement une question de répartition en fonction des prix du marché [mais] le reflet de la répartition du pouvoir » (1987, p. 1481), et « le pouvoir de production dans l’économie moderne réside dans les grandes entreprises » (1987, p. 1480). Dans les processus d’approvisionnement localisés et organisés collectivement, les producteurs et les consommateurs sont plus étroitement liés, et la gestion des processus d’approvisionnement tend à être plus participative (par exemple, Douthwaite, 1996 ; Scott-Cato, 2009 ; Schneider et Nelson, 2019). Ces relations sociales encouragent des choix de production et de consommation plus responsables sur le plan social et écologique, car les décisions prises à échelle humaine sont souvent plus responsables et leurs implications plus compréhensibles (Scott-Cato, 2013).

La première sous-catégorie couvre les structures de pouvoir, les hiérarchies et les relations sociales. Cela inclut la remise en question des approches sociétales dominantes en matière de propriété et de relations de travail, de processus décisionnels, de classes socio-économiques et d’intersectionnalité. Dans les ILC, les relations sociales au sein des processus d’approvisionnement sont intentionnellement conçues pour mettre l’accent sur les valeurs de coopération, de solidarité et de responsabilité partagée plutôt que sur la concurrence et la maximisation des profits (par exemple, Esteves, 2022 ; Lewis et Conaty, 2012). De plus, l’approvisionnement local à la base tend à renforcer la cohésion sociale, la confiance et le sentiment d’appartenance à une communauté (par exemple, Martellozzo et al., 2019 ; Penha-Lopes et Henfrey, 2019).

La deuxième sous-catégorie concerne la création de réseaux et de capital social pour faciliter l’approvisionnement local communautaire. L’établissement de tels liens sociaux de soutien mutuel constitue une base essentielle pour l’approvisionnement local communautaire, car il offre une plus grande résilience socio-économique, un soutien financier, un échange de compétences et d’expériences, et bien plus encore (Lewis et Conaty, 2012). Il existe des réseaux entre et pour les ILC – tels que le Transition Network – mais aussi des liens avec des citoyens et des organisations extérieurs à la « bulle militante » qui permettent à des « outsiders » de participer à ces processus locaux d’approvisionnement.

2.2.3. Base culturelle

La base culturelle fait référence aux structures immatérielles liées aux normes, aux valeurs, aux récits, aux idées, aux règles et aux connaissances. Ces aspects influencent fortement la constitution des processus d’approvisionnement, qui s’inscrivent toujours dans un contexte culturel particulier (Dugger, 1996). Les économies capitalistes modernes sont largement motivées par la recherche du profit comme valeur clé et, par conséquent, les décisions de production sont principalement fondées sur une analyse coûts-bénéfices en termes monétaires (McShane, 2017 ; Leach et al., 2010). Dans le capitalisme mondialisé, ce principe est devenu pratiquement omniprésent dans la prise de décision économique ; cependant, comme le note Polanyi (2001), certaines sociétés autochtones organisaient autrefois l’approvisionnement sur la base de systèmes de valeurs complètement différents, tels que la foi ou la réciprocité collective. Comme l’ont souligné plusieurs chercheurs (par exemple, Welzer, 2011 ; Schneider, 2019), la transformation socio-écologique passe nécessairement par la promotion de récits contre-hégémoniques qui remettent en question les valeurs et les normes dominantes afin de briser les « infrastructures mentales » (Welzer, 2011) qui empêchent le changement sociétal. De plus, chaque contexte culturel spécifique possède ses propres compétences, connaissances collectives et capacités qui favorisent ou limitent les modes d’approvisionnement (Hayden, 1982). L’approvisionnement local communautaire repose souvent sur une base culturelle radicalement différente, qui peut être divisée en trois sous-catégories, comme suit :

La première sous-catégorie concerne les récits, les normes et les valeurs. Les processus de provisionnement locaux organisés collectivement ont tendance à mettre l’accent sur des valeurs liées à la solidarité, à la durabilité écologique et à la participation (par exemple, Scott-Cato, 2009 ; Lewis et Conaty, 2012). De plus, ces processus sont souvent interprétés par les participants comme s’inscrivant dans une vision plus large du changement sociétal. Ces valeurs sont généralement formulées et transmises sous la forme de ce que Wittmayer et al. (2019) appellent des « récits du changement », c’est-à-dire des formulations des motivations, des contextes, des acteurs privilégiés et des objectifs pertinents des initiatives ascendantes.

La deuxième sous-catégorie couvre toutes les formes d’idées, de connaissances et de compétences qui constituent la base de la fourniture. La fourniture auto-organisée nécessite un large éventail de compétences, qui vont des connaissances collectives autochtones (Orozco-Meléndez et Paneque-Gálvez, 2022) aux théories scientifiques telles que le communing (Esteves, 2017) et la sociocratie (Romme, 1995). Souvent, cela nécessite une innovation sociale transformatrice (Pel et al., 2020) et une exploration plus approfondie de nouvelles façons de faire bouger les choses.

La troisième sous-catégorie concerne l’innovation juridique. Certaines formes de fourniture de GI ne sont pas couvertes par la structure juridique existante, par exemple dans le contexte de la réglementation fiscale des activités non rémunérées dans le cadre de l’« économie partagée » des communes politiques (Kommuja, 2014). Elles nécessitent donc des solutions innovantes et créatives qui repoussent les limites juridiques. L’ouverture d’espaces juridiques et le développement de nouvelles constructions juridiques (par exemple, pour les modèles commerciaux basés sur les biens communs) peuvent ainsi constituer une base pour que la fourniture de BI fonctionne en conformité avec la loi.

3. Méthodologie

Cette recherche utilise une méthodologie qualitative à études de cas multiples (Yin, 2018 ; Creswell, 2007), car celle-ci permet une analyse approfondie de la complexité des structures dans un cas précis et constitue un moyen essentiel pour l’élaboration de théories (Eisenhardt, 1989 ; Flyvbjerg, 2006).

Elle examine trois études de cas, toutes issues de communautés intentionnelles basées en Allemagne : Premièrement, Schloss Tempelhof est un écovillage fondé en 2010 dans une zone rurale du sud de l’Allemagne et qui compte environ 120 habitants (Huber et Schuster, 2015). Il a été fondé dans le but premier d’être un centre d’expérimentation des processus décisionnels collectifs et de la vie en communauté, ainsi qu’un projet phare au sein du mouvement des écovillages. Plusieurs activités et entreprises d’approvisionnement, telles qu’une coopérative d’agriculture soutenue par la communauté (CSA), une maison de séminaires et une école alternative, ont été créées dans et autour de la communauté (Otterpohl, 2017). Elle se présente comme une communauté non idéologique et non religieuse, et ses fondateurs ont mis l’accent sur des relations harmonieuses et « terre-à-terre » avec la population établie environnante et les autorités locales. Deuxièmement, l’Interkomm Kassel est un projet politique explicitement de gauche avec une vision radicale fondée sur une idéologie anticapitaliste (Kommuja, 2014). Une différence cruciale par rapport aux deux autres cas est qu’il ne s’agit pas d’une communauté unique, mais d’un réseau de six communes indépendantes à Kassel et dans ses environs. Le réseau a été fondé en 2011 dans le but de faciliter l’entraide entre les communes et de créer une plateforme collective pouvant encourager et aider la création de nouvelles communes. La plus ancienne commune de l’Interkomm existe depuis 1986, ce qui en fait un projet pionnier du mouvement GI allemand. Au total, plus de 200 personnes vivent dans l’Interkomm Kassel au sein de leurs communes. Elle comprend en outre un large éventail d’entreprises, par exemple une menuiserie, une crèche, un centre pour personnes atteintes de démence, plusieurs magasins de village, une maison de séminaires et deux AMIS (Kommuja, 2020). Troisièmement, la Fuchsmühle est une communauté intentionnelle située dans une petite ville rurale d’environ 5 000 habitants, à 40 km de Kassel. Il s’agit de la plus récente (fondée en 2020) et de la plus petite (33 habitants) des trois communautés étudiées. L’idée principale derrière la création de la communauté était la création d’une association, appelée « région en mutation », pour une transition économique de la région vers des systèmes d’approvisionnement basés sur les biens communs (Gemeinschaft Fuchsmühle, 2021b). Elle vise donc principalement à fournir une plateforme de changement radical qui facilite les initiatives citoyennes décentralisées dans la région.

La principale raison qui a motivé le choix de ces cas est leur hétérogénéité. Par exemple, alors que les communes Interkomm se sont établies dans leur région au cours des dernières décennies, Fuchsmühle en est à un stade précoce de son développement en tant qu’ILC. Schloss Tempelhof se présente comme une communauté « terre à terre » non idéologique et sans tendances radicales, tandis que l’Interkomm est un projet politique explicitement de gauche et radical. En raison de ces différences, les cas mettent en évidence et révèlent différents aspects des impacts des ILC sur les structures de provisionnement et contribuent à la triangulation des données, nécessaire à l’élaboration d’une théorie à partir d’études de cas (Eisenhardt, 1989). En outre, ils se concentrent tous sur des pratiques économiques alternatives et, à cet égard, se sont imposés comme des projets phares dans le paysage allemand des ILC. Ils se prêtent donc bien à une étude de cas sur les meilleures pratiques (Yin, 2018, p. 49).

Conformément à Yin (2018), nous utilisons une triangulation des méthodes pour la procédure de collecte des données. La première méthode clé pour acquérir des connaissances sur les cas est l’ethnographie ciblée, qui est un type d’observation qui fait référence à des ethnographies à court terme dans lesquelles les données sont collectées de manière intensive et rapide et qui nécessite une grande familiarité avec le terrain (Knoblauch, 2005). Dans une ethnographie ciblée, les chercheurs passent beaucoup moins de temps sur le terrain que dans le cadre d’ethnographies inductives classiques, car ils se rendent sur place avec une approche théorique axée sur le type de données à collecter. La collecte de données ciblée, dense et rapide permet une analyse approfondie du cas malgré la brièveté des visites sur le terrain. Cette approche a été choisie parce que nous connaissions bien le terrain et étions en mesure de définir un objectif spécifique, à savoir la création d’une base structurelle pour l’approvisionnement local. Au total, nous avons effectué onze visites sur le terrain d’une durée de deux à huit jours. La première visite a eu lieu en 2019, suivie d’une interruption due à la pandémie de COVID-19, et les autres visites ont eu lieu entre 2022 et 2023.

La deuxième méthode clé est celle des entretiens semi-structurés, selon Brinkmann (2020). Cette méthode a été jugée appropriée car le cadre théorique des trois bases de l’approvisionnement exigeait que les entretiens soient structurés et ciblés ; en même temps, les résultats et les réponses des personnes interrogées étaient en grande partie imprévisibles. Les 21 entretiens ont été enregistrés et ont duré pour la plupart 60 minutes, à quelques exceptions près qui ont duré entre 30 et 45 minutes. Tous les entretiens ont été menés et transcrits en allemand, puis traduits en anglais par les auteurs afin de pouvoir être cités directement dans le texte. Les entretiens ont porté sur les objectifs et les visions des ILC, leurs activités, les obstacles potentiels et leurs relations avec les autorités publiques locales (voir l’annexe pour le guide d’entretien). Dans la section des résultats, les personnes interrogées sont identifiées par des acronymes correspondant aux cas – TH pour Schloss Tempelhof, IK pour Interkomm et FM pour Fuchsmühle – et par des numéros naturels. L’échantillonnage a principalement suivi la méthode boule de neige et les personnes interrogées ont été sélectionnées parmi les membres et les non-membres des ILC. La plupart des personnes interrogées étaient des figures clés dans les cas respectifs, telles que les membres fondateurs ou les coordinateurs des groupes de travail des initiatives et les maires des villes où les ILC sont situées. À ce titre, ils connaissaient très bien les activités et les projets de « leur » GI et peuvent donc être considérés comme des sources faisant autorité pour rendre compte des activités et des événements factuels. Après 21 entretiens, les possibilités de trouver des personnes à interroger ont été épuisées et l’étude a atteint sa saturation empirique. Des entretiens supplémentaires n’auraient pas apporté de nouvelles informations susceptibles d’améliorer significativement les résultats.

Les entretiens individuels ont été complétés par un entretien de groupe à la Fuchsmühle. Cette décision a été motivée, d’une part, par le fait que les membres de la Fuchsmühle en avaient fait une condition préalable à leur participation, car ils estimaient que cela serait plus utile pour leur processus d’apprentissage interne ; d’autre part, la dynamique spécifique d’un groupe de discussion (Morgan, 1996) permet d’obtenir des informations supplémentaires sur le travail de l’ILC que des entretiens individuels n’auraient pas révélées, contribuant ainsi à la triangulation des données.

De plus, une analyse documentaire complète la collecte de données. Elle comprend l’examen de sites web, d’articles de presse, d’études scientifiques antérieures, d’articles de blog et de publications d’activistes de l’ILC – par exemple, Kommuja (2014) – qui fournissent des informations générales sur les trois cas.

L’analyse des données est effectuée à l’aide de l’abduction, c’est-à-dire « l’interprétation et la recontextualisation de phénomènes individuels dans un cadre conceptuel ou un ensemble d’idées » (Danermark et al., 2002, p. 80). Les données collectées sont interprétées du point de vue de la PPS et regroupées théoriquement autour des trois bases de la fourniture. Cela facilite une forme qualitative d’abstraction conceptuelle et de généralisation de chaque étude de cas à travers une analyse de sa constitution structurelle et donc la fourniture d’informations théoriques sur la fourniture d’ILC. Les données des entretiens ont été transcrites et codées à l’aide de NVIVO. Pour le codage, trois thèmes – base matérielle, base sociale et base culturelle – sont tirés du cadre PPS. Les codes, qui correspondent aux sous-catégories identifiées (voir Fig. 1), ont été développés dans le cadre d’un processus itératif : Tout d’abord, nous avons utilisé le modèle théorique des trois bases de Jo (2011) comme point de départ, puis nous avons collecté les données empiriques, que nous avons regroupées et recontextualisées conformément à la théorie. Ensuite, nous avons utilisé les connaissances empiriques pour développer davantage la théorie et identifier des sous-catégories, avant de présenter les résultats empiriques conformément au modèle des trois bases adapté.

4. Résultats des études de cas

4.1. Base matérielle

4.1.1. Infrastructure physique

Dans chacun des trois cas, les ILC ont soit acheté de grands complexes immobiliers précédemment abandonnés, soit construit de nouveaux bâtiments, qu’ils utilisent à la fois à des fins résidentielles et pour leurs activités. Ils fournissent ainsi une infrastructure physique utile pour les processus d’approvisionnement locaux (personnes interrogées IK5, TH6, FM3). Dans le cas du château de Tempelhof, par exemple, les locaux abritent un café, une salle de séminaire, une cantine, une école et un jardin d’enfants, ainsi que plusieurs petites entreprises. Cela est particulièrement important étant donné que la région est structurellement faible ; le secteur de la restauration, par exemple, est en déclin dans la région. Le maire (personne interrogée TH6) considère que la mise à disposition de ces infrastructures, d’une manière attrayante pour la population locale, est un facteur clé de la bonne réputation du château de Tempelhof dans la région. La Fuchsmühle offre un espace de coworking et polyvalent doté d’équipements technologiques appropriés que les habitants de la ville peuvent utiliser pour des activités culturelles, des réunions de clubs ou des campagnes politiques (personne interrogée FM3). En outre, certains des projets mis en place par les trois ILC étudiés fournissent des infrastructures physiques, telles qu’une station de recharge électrique et une « boîte à cadeaux » pour l’échange décentralisé et non monétaire de biens d’occasion. De plus, certaines des entreprises ILC fournissent des infrastructures utiles que d’autres entreprises locales peuvent utiliser pour promouvoir, vendre et distribuer leurs produits. Par exemple, le « Mila-O », un magasin biologique local organisé en coopérative et fondé par l’Interkomm, vend des produits provenant d’agriculteurs biologiques régionaux, de petits producteurs alimentaires et d’artisans (personne interrogée IK7). En outre, les trois ILC ont recours à des pratiques de partage d’outils, de machines et d’espaces d’atelier.

4.1.2. Les entreprises et leurs biens et services

Dans les trois études de cas, les entreprises ILC et les biens et services qu’elles produisent constituent une base matérielle pour l’approvisionnement local d’au moins trois manières. Premièrement, elles fournissent des intrants intermédiaires à d’autres entreprises locales. Par exemple, dans l’Interkomm, l’ASC fournit des produits tels que des céréales et des légumes qui sont transformés par divers fabricants alimentaires et restaurants axés sur la durabilité dans la région (personne interrogée IK2). Deuxièmement, elles fournissent des biens et des services qui n’étaient pas disponibles auparavant dans la région et permettent ainsi aux citoyens de consommer de manière plus locale et plus durable. Quelques exemples : les CSA des trois cas fournissent des aliments biologiques locaux ; l’école alternative et le jardin d’enfants forestier de Schloss Tempelhof proposent un enseignement basé sur des concepts pédagogiques alternatifs ; et la station de démence coopérative est « grâce à sa structure financière et d’emploi inhabituelle, en mesure d’offrir une intensité de soins qui ne serait pas possible dans les établissements de soins conventionnels » (personne interrogée IK5). Troisièmement, ces entreprises stimulent la croissance économique et démographique locale et créent de nouveaux emplois. Le maire de la ville où se trouve le château de Tempelhof décrit l’arrivée de l’ILC comme un « coup de chance pour notre ville » (personne interrogée TH6) en raison de l’afflux de jeunes familles qui ont choisi de s’installer dans l’ILC et des différentes entreprises qu’elles ont créées. En outre, de nouveaux emplois ont été créés dans cette zone structurellement faible, car des personnes ne résidant pas dans l’ILC travaillent également dans ses entreprises avec des salaires adaptés aux besoins et un niveau élevé de participation des travailleurs dans les entreprises organisées de manière coopérative.

Dans le même temps, plusieurs militants de l’ILC ont exprimé leurs préoccupations concernant les limites et les inconvénients de leurs entreprises ; par exemple, un membre de la Fuchsmühle a déclaré : « Nous voulons fonder une boulangerie CSX4. Mais il y a déjà une boulangerie bien établie ici et je crains que nous ne créions simplement des « structures parallèles » pour notre propre bulle. Et peut-être que d’autres habitants de la ville seraient intéressés par notre boulangerie, mais alors la boulangerie établie ferait peut-être faillite […] c’est donc vraiment difficile » (personne interrogée FM1). Bon nombre des biens et services proposés par les entreprises de l’ILC sont plus chers que les produits comparables fournis par le biais de l’approvisionnement conventionnel et s’adressent donc souvent à une minorité aisée et soucieuse de l’environnement.

4.1.3. Innovation technologique

Les nouvelles technologies adaptées à l’approvisionnement à petite échelle géré par la communauté constituent un autre élément de la base matérielle. Des expérimentations technologiques ont effectivement lieu dans les trois ILC étudiés, mais seules quelques innovations technologiques ont été observées. Un exemple tiré de l’Interkomm Kassel est l’installation de douches dans la serre de leur CSA afin de réduire la consommation d’énergie en utilisant l’énergie solaire pour chauffer l’eau (personne interrogée IK2). Un autre exemple est le « earthship » du château de Tempelhof, un bâtiment largement autonome et autosuffisant, construit à partir de matériaux recyclés et de technologies innovantes (Gemeinschaft Tempelhof, 2015). Comme le montrent ces exemples, l’innovation dans les ILC est perçue différemment des discours politiques conventionnels : au lieu d’une innovation high-tech rentable et axée sur la croissance, l’expérimentation technologique dans les études de cas se concentre sur des inventions « low-tech » spécifiques au contexte, des adaptations de technologies existantes et la simplification technologique (Tanguy et al., 2023).

4.2. Base sociale

4.2.1. Structures de pouvoir, hiérarchies et relations sociales

Des hiérarchies plates, des structures décisionnelles et de propriété inclusives et démocratiques directes, ainsi que des liens sociaux forts sont des valeurs fondamentales et des principes fondateurs dans les trois cas. Leurs activités d’approvisionnement reposent sur la propriété collective, avec un partage des risques et des responsabilités. Par exemple, les communes individuelles de l’Interkomm sont organisées financièrement selon ce qu’elles appellent une « gemeinsame Ökonomie » (économie commune en allemand). Cela signifie que chaque personne qui s’installe dans la commune place ses économies et ses revenus sur un compte commun de la commune. Toutes les dépenses communes, telles que l’entretien des bâtiments et les dépenses individuelles, sont payées par ce compte commun. Ce système donne aux habitants la liberté financière de consacrer leur énergie à d’autres projets d’approvisionnement local. Comme l’explique un militant : « Pour moi, la commune est comme une base pour la réalisation de mes projets […] j’ai ainsi un fondement solide qui me soutient dans les choses que je trouve importantes » (personne interrogée IK4). Autre exemple, la Fuchsmühle a fondé une coopérative alimentaire financée en partie par un « Bieterrunde » (cercle d’enchères) : si la coopérative alimentaire a des dépenses impayées, ses membres se réunissent en assemblée plénière où chacun « enchérisse » anonymement sur le montant qu’il est en mesure de contribuer jusqu’à ce que les dépenses soient couvertes. Les citoyens à faibles revenus peuvent ainsi participer à l’approvisionnement de la coopérative alimentaire.

Outre la propriété partagée, les trois ILC étudiées visent à rendre les processus décisionnels plus inclusifs et participatifs. Par exemple, Schloss Tempelhof développe et expérimente des techniques de prise de décision collective telles que la sociocratie ou le principe « tous leaders » (personne interrogée TH4). Schloss Tempelhof s’est également efforcé de diffuser ces techniques nouvellement développées au-delà de la bulle des ILC, par exemple à travers un projet collaboratif avec un village voisin dont la population est en déclin. L’objectif du projet est de soutenir le village et son initiative de développement local en matière de techniques de prise de décision collective (personne interrogée TH1).

En outre, les ILC étudiées dans cette étude de cas s’efforcent de favoriser les relations sociales de confiance, le sentiment d’appartenance à une communauté et la cohésion sociale dans leur région. Par exemple, l’organisation d’événements publics locaux tels que la Maifest à Schloss Tempelhof, la Sommerfest de l’Interkomm et la Kulturfest de la Fuchsmühle offrent toutes des occasions aux gens de se rencontrer et de tisser des liens entre eux [personnes interrogées TH4, IK5, IK6, FM2]. Toutes les ILC étudiées sont situées dans des zones où les activités culturelles et gastronomiques sont en déclin, ce qui rend les activités proposées par les ILC d’autant plus importantes. Ces liens sociaux étroits constituent un fondement essentiel pour l’approvisionnement communautaire local, qui dépend souvent de l’engagement à long terme des habitants locaux à persévérer et à rivaliser avec l’approvisionnement du marché mondial. Comme le dit un élu local, « sans un engagement commun en faveur d’une vision dynamique de Waldkappel [la ville où se trouve la Fuchsmühle] au sein de notre communauté, un magasin de village local ne survivrait pas longtemps, car les gens continueraient à se rendre au supermarché voisin » (personne interrogée FM7).

Bien que ces trois ILC favorisent ainsi des relations sociales caractérisées par des hiérarchies horizontales, l’inclusion et la cohésion, certains militants (personnes interrogées TH3, IK2, IK4, FM1) soulignent que leurs « nouveaux » modes d’interaction sociale ne sont pas encore pleinement développés et présentent des lacunes. Les modes de propriété et de prise de décision appliqués sont pour la plupart très expérimentaux et génèrent souvent leurs propres conflits et déséquilibres de pouvoir. Un habitant l’a exprimé ainsi : « Nous faisons simplement les choses différemment, je ne présente pas cela comme un « projet phare » et quand les gens me posent des questions, je réponds « oui, nous essayons de faire les choses différemment, mais nous ne savons pas encore si c’est mieux ou pas » (personne interrogée TH3). Par exemple, la méthode de prise de décision consensuelle à Schloss Tempelhof exige que tous les membres approuvent une décision particulière en séance plénière pour qu’elle entre en vigueur. Bien que cette méthode vise à impliquer tout le monde et à favoriser une culture du consensus, elle crée une pression énorme sur les membres qui ne veulent pas s’exposer et être attaqués en séance plénière s’ils ne sont pas d’accord avec une décision soutenue par la majorité (personne interrogée TH3).

4.2.2. Réseaux et capital social

Les trois ILC ont toutes établi des réseaux entre elles ainsi qu’avec d’autres ILC en Allemagne et au-delà, ce qui crée un capital social important qui permet un soutien mutuel et un échange de ressources. Les réseaux inter-ILC locaux et transrégionaux tels que le Global Ecovillage Network (GEN) ou Kommuja – le réseau allemand des communes politiques – renforcent la résilience des ILC et donnent plus de moyens à leurs militants dans leur travail. Un exemple en est l’échange non monétaire de biens et de services entre les communes de l’Interkomm selon le principe du « freier Fluss » (en allemand, « libre circulation ») : les membres et les entreprises des différentes communes offrent gratuitement à d’autres membres de l’Interkomm une grande partie de leurs produits, services et soutien. Comme l’a fait remarquer l’une des personnes interrogées, « il n’est donc pas nécessaire d’échanger des heures de travail ou des biens contre des euros, ni des compétences contre des euros, mais l’idée est qu’à long terme, tout s’équilibre et qu’il n’y a pas besoin d’un système de comptabilité monétaire » (personne interrogée IK1). Ce système a été à la base de la mise en place de nombreux processus d’approvisionnement issus de l’Interkomm. Par exemple, le « Mila-O » a non seulement été fondé en tant que projet commun de l’Interkomm, mais il a également été soutenu financièrement par le réseau lorsqu’il a connu des difficultés pendant la pandémie de COVID-19 (personne interrogée IK7). De plus, lors de la création de la Fuchsmühle, ses membres fondateurs ont bénéficié d’un soutien juridique et administratif complet de la part d’un militant de l’Interkomm pour la mise en place de la coopérative sur laquelle repose juridiquement leur ILC.

D’autre part, les ILC forment également des réseaux dont les citoyens extérieurs aux initiatives peuvent bénéficier lorsqu’ils s’engagent dans la provision locale. La Fuchsmühle considère que sa propre contribution consiste principalement à fournir une plateforme – organisée sous la forme d’une association appelée « région en mutation » – qui relie, rend visibles et soutient divers projets de provision locale. À ce titre, elle a par exemple conçu une plateforme en ligne qui permet à ces projets de partager leur travail avec d’autres utilisateurs, de demander de l’aide pour les travaux en cours et d’attirer des personnes susceptibles d’utiliser leurs offres (personne interrogée FM1). La Fuchsmühle soutient en outre les initiatives citoyennes locales, telles que la création d’une AMAP lancée par deux agriculteurs locaux qui ne font pas partie de la Fuchsmühle mais qui ont collaboré avec elle et bénéficié de son aide et de son savoir-faire grâce à son réseau plus large. En outre, la Fuchsmühle peut offrir un soutien financier grâce à son réseau de financement participatif et à son accès à des sources de financement (personne interrogée FM3).

Il convient toutefois de noter que certaines de ces offres semblent présenter un intérêt limité pour les citoyens locaux. Dans le cas de la Fuchsmühle, certaines personnes interrogées parmi la population locale (FM2, FM4, FM7) ont indiqué que beaucoup hésitent à utiliser le réseau car il est associé à la communauté de la Fuchsmühle, perçue par certains habitants comme arrogante et « étrange » (personne interrogée FM2).

4.3. Fondements culturels

4.3.1. Récits, normes et valeurs

Les trois ILC étudiés reconnaissent l’importance de promouvoir des récits et des valeurs contre-hégémoniques comme base normative pour façonner l’approvisionnement local. Dans le cas de la Fuchsmühle, leur vision du changement économique régional est centrée sur l’idée de communisation et « la question de savoir comment nous pouvons cultiver une perspective radicalement différente de l’économie, où les relations sociales sont au centre » (personne interrogée FM6). À Schloss Tempelhof, les activités d’approvisionnement sont organisées sous l’égide d’une coopérative qui évalue et gère ses processus sur la base du système d’évaluation de l’« économie pour le bien commun » (Felber, 2015) : « L’économie pour le bien commun est un outil permettant d’évaluer [les activités économiques de la coopérative], par exemple en ce qui concerne la provenance et l’investissement de l’argent, l’identité des clients, l’utilité sociale des activités, les écarts salariaux entre les employés, etc. Ces éléments sont ensuite évalués selon différentes catégories, telles que la solidarité, la justice sociale, l’écologie, la dignité humaine, la participation et la transparence » (personne interrogée TH1). Avec ses systèmes locaux « freien Fluss » et « gemeinsame Ökonomie », l’Interkomm vise à acquérir autant d’autonomie que possible par rapport à l’économie de marché mondiale afin d’éviter la dépendance à un approvisionnement basé sur l’exploitation, la croissance à tout prix, la maximisation des profits, etc.

Les trois ILC soulignent également l’importance de communiquer ces valeurs à la société dans son ensemble et de rendre visible la faisabilité de leur application pratique, par exemple en ouvrant leurs portes aux visiteurs (par exemple, le programme « helping guests ») et en publiant leurs idées et leurs pratiques (par exemple, le « Kommunebuch » (Kommuja, 2014)). Un agriculteur de l’une des AMI de l’Interkomm l’a formulé ainsi : « Nous voulons montrer que l’alimentation et l’agriculture peuvent aussi fonctionner différemment, nous voulons être […] une sorte de « laboratoire vivant », […] nous voulons montrer qu’il est possible de vivre autrement, de gérer différemment l’écologie et l’utilisation des ressources. Cette attitude était très prononcée lorsque notre commune a été fondée » (personne interrogée IK2).

La relation des ILC avec la population locale est déterminante pour la communication efficace de ces valeurs et normes aux « personnes extérieures ». Le travail de terrain a montré que l’autodétermination et la communication sont essentielles à cet égard. Schloss Tempelhof et l’Interkomm ont réussi à établir de bonnes relations avec les habitants des villages où ils sont implantés et avec les autorités publiques, telles que le maire. Une reconnaissance respectueuse de la culture, des valeurs et des pratiques de la population établie – c’est-à-dire le pluralisme des valeurs – et une image modeste de soi semblent être essentielles à cet égard. Un habitant de Schloss Tempelhof explique ainsi la stratégie initiale : « Dès le début, il était important pour nous de donner une image terre-à-terre. Nous veillons également à ce que les personnes qui utilisent notre maison de séminaire pour leurs événements ne soient pas trop radicales. Il existe d’autres GI qui expérimentent par exemple l’amour libre, ce qui crée des conflits. Si des personnes étranges s’installent dans une zone rurale et font tout de suite les choses différemment, je pense que ce n’est pas la bonne stratégie » (personne interrogée TH1). La Fuchsmühle semble moins réussir dans ce domaine, car selon certains interviewés, elle est perçue comme naïve, radicale (par exemple, elle utilise un langage anticapitaliste et ses membres se promènent nus dans ses locaux) et méprisante envers les autres initiatives citoyennes plus conventionnelles de la ville (interviewés FM2 et FM4).

4.3.2. Idées, connaissances et compétences

Les trois ILC se perçoivent toutes comme des laboratoires d’innovation sociale dans lesquels de nouvelles idées, un savoir-faire et des compétences pour un approvisionnement local tourné vers l’avenir sont développés et diffusés. Par exemple, les trois ILC proposent des formations et des enseignements sur l’approvisionnement communautaire, notamment à travers les maisons de séminaires du château de Tempelhof et l’Interkomm. La Fuchsmühle propose des ateliers sur le « financement communautaire de projets tournés vers l’avenir » et la « communication non violente » (Gemeinschaft Fuchsmühle, 2021a, traduit par les auteurs). Plusieurs militants des ILC transmettent leurs compétences et leur savoir-faire, par exemple en matière de prise de décision sociocratique ou de procédures juridiques pour la création d’une coopérative, en tant que consultants professionnels travaillant pour des clients publics, privés et militants : « Je gagne la moitié de mes revenus en tant que consultant communautaire, par exemple dans le domaine de la structuration et des processus décisionnels. […] Par exemple, lorsque des municipalités souhaitent investir dans la durabilité, elles font appel à moi et je facilite des tables rondes, j’établis un programme sur la manière dont elles peuvent modifier leurs politiques, etc. » (personne interrogée IK2). Dans certains cas, les pratiques de fourniture de BI reposent également sur la redécouverte et la revitalisation d’« anciennes » idées plutôt que sur l’invention de « nouvelles » idées ; cela inclut l’application de principes fondés sur les biens communs pour la gestion des ressources locales ou l’utilisation de méthodes agricoles non industrielles (personne interrogée IK2).

4.3.3. Innovation juridique

Dans quelques cas, les ILC fournissent de nouveaux concepts juridiques plus propices à leurs pratiques d’approvisionnement non conventionnelles ou repoussent les limites juridiques afin de permettre à leurs entreprises et projets d’opérer en toute légalité. Par exemple, un militant d’Interkomm a conçu une forme juridique innovante, hybride entre une coopérative et une société par actions, qui convient mieux au système de la « gemeinsame Ökonomie », car les membres d’Interkomm employés de manière informelle peuvent désormais devenir actionnaires et recevoir des actions au lieu d’une pension (personne interrogée IK4). En outre, les personnes employées de manière informelle et qui ne perçoivent pas de salaire – leurs revenus étant versés à la « gemeinsame Ökonomie » qui couvre leurs dépenses – ne paient donc pas d’impôts, ce qui nécessite de bonnes relations et des accords spéciaux avec les autorités fiscales (personne interrogée IK4). Un autre exemple est la collaboration avec les autorités chargées de l’urbanisme afin d’obtenir des autorisations pour des projets de construction non conventionnels et des modèles de propriété foncière : « Ils [l’une des communes de l’Interkomm] ont réussi, en dérogation aux règles d’urbanisme, à combiner un modèle de logement subventionné par les pouvoirs publics avec un modèle de logement non subventionné. Or, cette combinaison n’est en fait pas prévue par la loi, c’est la première fois que le gouvernement du Land de Hesse approuve un tel projet » (personne interrogée IK1).

5. Discussion et conclusion

Dans cet article, nous explorons les façons dont les ILC créent une base structurelle pour des processus d’approvisionnement local plus durables sur le plan social et écologique. Ce faisant, nous identifions huit sous-catégories pertinentes pour les activités d’approvisionnement des ILC : les infrastructures physiques ; les entreprises et leurs biens et services ; l’innovation technologique ; les structures de pouvoir, les hiérarchies et les relations sociales ; les réseaux et le capital social ; les récits, les normes et les valeurs ; les idées, les connaissances et les compétences ; et l’innovation juridique. Les données fournissent des preuves que les trois ILC contribuent effectivement à la construction d’une base matérielle, sociale et culturelle pour les processus d’approvisionnement local. Les résultats confirment donc l’hypothèse initiale selon laquelle les ILC peuvent avoir un impact au-delà de leur « bulle militante » en créant des structures qui permettent l’approvisionnement local, même si des recherches supplémentaires sont nécessaires pour confirmer et généraliser ces conclusions.

Plusieurs tendances peuvent être observées dans les données et fournissent de nouvelles informations sur cet impact structurel. Premièrement, il apparaît clairement que la construction de « récits, normes et valeurs » alternatifs est une priorité dans les trois études de cas. Les résultats présentés dans la section 4 montrent clairement que la création de structures dans les sept autres sous-catégories – telles que la fourniture de biens et de services durables, la mise en place de hiérarchies horizontales et l’expérimentation visant à générer de nouvelles connaissances et compétences – est fortement influencée par les normes et valeurs radicalement alternatives des militants des ILC, qui reflètent leur vision des sociétés futures. À titre d’exemple concret, l’expérimentation d’innovations technologiques existe, mais elle est abordée d’une manière qui reflète profondément les valeurs de simplicité, d’autosuffisance et d’ancrage local des militants. Il s’agit là d’un constat intéressant, car le discours public sur la durabilité se concentre sur l’innovation high-tech (Smith et Stirling, 2018), mais cette étude apporte la preuve d’une approche alternative de la durabilité qui prend comme point de départ le changement culturel et rompt ainsi avec les régimes d’innovation en place. Ce premier modèle apporte donc un soutien empirique aux affirmations théoriques précédentes qui voient le rôle principal des ILC dans la création de « récits du changement » (Wittmayer et al., 2019) et leur politique expérimentale d’imagination radicale (par exemple, Komporozos-Athanasiou et Bottici, 2022 ; Clarence-Smith, 2022 ; Moore et Milkoreit, 2020).

Deuxièmement, les résultats indiquent qu’une bonne relation avec la population locale au sens large – en particulier les autorités publiques – est essentielle à la mise en place réussie de structures d’approvisionnement. Les études de cas suggèrent que la communication et la présentation des valeurs et des objectifs des ILC jouent un rôle central à cet égard : L’approche modeste et « terre à terre » du château de Tempelhof s’est avérée beaucoup plus efficace pour établir un partenariat aussi étroit que l’approche plus radicale et conflictuelle de Fuchmühle (voir 4.1.1 Infrastructure physique, 4.1.2 Entreprises et leurs biens et services, 4.2.2 Réseaux et capital social, 4.3.1 Récits, normes et valeurs, 4.3.3 Innovation juridique). Les facteurs qui façonnent la relation entre les ILC et leur environnement social ont jusqu’à présent été peu étudiés dans la littérature sur les ILC (à l’exception de van den Heiligenberg et al. (2017) et Boyer (2015)). Notre constatation constitue donc un éclairage intéressant qui peut éclairer les considérations stratégiques relatives aux ILC.

Troisièmement, dans certains cas, les personnes interrogées ont suggéré plusieurs limites et lacunes des structures créées (voir 4.1.2 Les entreprises et leurs biens et services, 4.2.1 Structures de pouvoir, hiérarchies et relations sociales, 4.2.2 Réseaux et capital social, 4.3.1 Récits, normes et valeurs). Par exemple, dans le cas de la fourniture de biens et services ILC, certains militants s’inquiétaient du fait que leurs offres excluaient les citoyens à faibles revenus ou ayant des visions du monde différentes. Même si cette observation n’était pas au centre de notre étude, elle alimente les débats sur le caractère inclusif et la légitimité démocratique de ces tentatives ascendantes visant à réorganiser radicalement l’approvisionnement local (par exemple, Rosol, 2012 ; Blühdorn, 2006 ; McClintock, 2014).

Quatrièmement, il apparaît clairement que la création de structures est l’une des principales caractéristiques qui distinguent les ILC des autres mouvements sociaux. Alors que les mouvements de protestation, tels que « Last Generation » (Thurau, 2024), visent à modifier les comportements en changeant les attitudes et les mentalités, les ILC créent des structures auxquelles des couches plus larges de la société peuvent s’identifier et s’appuyer, comme le montrent les interventions des ILC dans les huit sous-catégories de l’étude de cas.

Comme indiqué dans l’introduction, nous identifions deux lacunes dans la littérature actuelle sur les ILC et nous nous proposons de les combler dans cet article. Premièrement, nous remédions à l’absence actuelle d’une étude empirique systématique de l’impact des ILC sur les structures qui ont un effet au-delà de la « bulle militante ». À ce jour, la plupart des études se sont concentrées sur l’impact direct des ILC, par exemple en termes de réduction des émissions de CO2 ou d’autonomisation des membres des ILC (par exemple, Celata et Sanna, 2019 ; Daly, 2017 ; Martellozzo et al., 2019 ; Landholm et al., 2019). Cependant, il est important de se concentrer explicitement sur les structures, car cela peut ouvrir la voie à la création ou à l’utilisation de processus d’approvisionnement local par des citoyens en dehors de la niche militante (Seyfang et Longhurst, 2013 ; Gausset, 2021 ; Orozco-Meléndez et Paneque-Gálvez, 2022). Les processus d’approvisionnement qui découlent des structures créées ne sont pas nécessairement plus durables ou souhaitables que l’approvisionnement conventionnel, et la mesure de ces effets dépasse le cadre de la présente étude. Ainsi, ces initiatives ne doivent pas être considérées comme des alternatives infaillibles à l’approvisionnement par le marché mondial, mais plutôt comme des « laboratoires vivants » et des sites d’expérimentation en matière d’innovation durable (Seyfang et Haxeltine, 2012 ; Smith et al., 2016a ; Pel et al., 2020). Elles brisent les structures d’approvisionnement non durables existantes qui étaient auparavant incontestées, ouvrant ainsi la voie à des alternatives et à un pluralisme « réel » (Smith et al., 2016b ; Leach et al., 2010). Nous affirmons que cet impact structurel potentiel des ILC souligne leur pertinence pour le domaine de l’économie écologique et plaidons en faveur d’une intensification des efforts de recherche dans ce sens. Les quatre enseignements tirés de cette étude, qui ont été discutés dans le paragraphe précédent, peuvent servir de point de départ pour de futures pistes de recherche.

Deuxièmement, cet article comble le manque de théorie économique dans la recherche sur les ILC en adaptant le cadre PPS afin de le rendre opérationnel pour l’approvisionnement local à la base et en affinant l’idée de Jo (2011) concernant les trois bases de l’approvisionnement. Nous développons ces trois bases, qui étaient jusqu’à présent sous-conceptualisées et seulement esquissées de manière superficielle (Jo, 2011), et fournissons des informations empiriques sur leur applicabilité pratique dans un contexte réel d’ILC. En outre, nous ajoutons au cadre huit sous-catégories identifiées comme pertinentes pour la fourniture locale à la base et développées dans le cadre d’un processus itératif avec travail de terrain. Le cadre PPS offre une compréhension conceptuelle claire de l’action et de la structure dans l’explication des processus économiques. De plus, il élargit la perspective sur ce qu’est réellement « l’économie », rendant ainsi plus visibles les activités économiques non monétaires et non marchandes des ILC et soulignant leur pertinence. L’impact structurel global des trois ILC étudiés dans les sous-catégories matérielle, sociale et culturelle démontre que cette version affinée du PPS offre un prisme analytique utile et approprié pour appréhender la complexité de l’approvisionnement des ILC et le distinguer de l’approvisionnement mondialisé par le marché. Néanmoins, cet article n’est qu’une première tentative d’élaboration d’un cadre PPS adapté à l’étude de l’approvisionnement local et communautaire. Les résultats empiriques présentés dans la section 4 ne sont pas exhaustifs et ne donnent qu’un aperçu exemplaire de la nature complexe de l’impact des ILC étudiés sur les structures locales. Par exemple, d’autres sous-catégories pertinentes pourraient être identifiées dans d’autres cas. Des recherches et des élaborations théoriques supplémentaires sont nécessaires pour enrichir davantage cette version ILC du cadre PPS. Elles pourraient aborder des questions telles que les suivantes : Quels types de structures matérielles, sociales et culturelles seraient nécessaires pour permettre des systèmes d’approvisionnement socialement et écologiquement favorables (post-capitalistes) ? Quels processus sont nécessaires pour créer ces bases structurelles ? Comment sont-elles liées à l’approvisionnement du marché mondial ? Quels facteurs influencent l’acceptation et l’utilisation de ces structures par les « outsiders » ? Cet article fournit un point de départ empirique pour approfondir ces questions liées aux processus d’approvisionnement local des ILC.


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    checked on 5/5/2023
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