Heiner Heiland1Georg-August-Universität Göttingen, Göttingen, Allemagne, Martin Seeliger2Universität Bremen, Brême, Allemagne et Sebastian Sevignani3Friedrich-Schiller-Universitat Jena, Iéna, Allemagne
Traduction de l’article The proletarian public sphere revisited: Conceptual propositions on the structural transformation of publics in labour policy, dans le numéro spécial de Philosophy & Social Criticism sur Structural Transformation of the Public Sphere
Résumé
Dans cette contribution, nous soutenons que les théories critiques de la sphère publique (chez Habermas, mais aussi chez Negt et Kluge ainsi que chez Fraser) négligent le domaine socialement central du travail et des conflits politico-sociaux liés au travail, et qu’une réactualisation et une recentralisation s’imposent : Nous définissons les dynamiques de la mondialisation, de la marchandisation et de la numérisation comme des séquences d’une transformation structurelle renouvelée de la compréhension sociale de soi et de l’emploi rémunéré. À l’aide d’un modèle à plusieurs niveaux des publics et contre-publics politiques du travail, les mobilisations de classe peuvent être examinées à travers le prisme de la théorie publique et les moments importants des conflits politiques du travail peuvent également être analysés à la lumière de leurs conditions communicatives. Deux vignettes illustrent cette approche.
Mots-clés
politique de classe, marchandisation, numérisation, mondialisation, relations de travail, sphère publique, syndicats
Auteur(s) correspondant(s) :
Martin Seeliger, Universität Bremen, Wiener Strasse 9, Brême 28359, Allemagne. Courriel : martin.seeliger@gmx.net
1. Introduction
Le public est la sphère centrale de l’action collective et de la politique de classe. Afin de comprendre comment émergent les dynamiques de mobilisation, les théories de classe doivent saisir les moments d’apprentissage collectif. Dans ce contexte, les concepts de sphères publiques politiques ont été largement négligés. En conséquence, les théories de la sphère publique fonctionnent sans classe et les théories de classe sans sphère publique.
Dans son ouvrage « Structural transformation of the Public Sphere », Jürgen Habermas a souligné l’importance du public pour les processus d’apprentissage collectif. Oskar Negt et Alexander Kluge reprennent cette initiative dans leur texte sur « Public Sphere and Experience » et l’élargissent en mettant l’accent sur la théorie des classes, ce qui permet d’identifier des contre-publics. Dans ces deux ouvrages, cependant, l’importance du travail en tant que moment déterminant de la mobilisation politique de classe passe au second plan. Il en résulte une théorie de la sphère publique qui laisse de côté le domaine du travail.
Dans ce contexte, nous souhaitons actualiser et recentrer leur argumentation en considérant la mondialisation, la marchandisation et la numérisation comme les séquences d’une troisième transformation structurelle de la sphère publique et de la politique du travail. À la suite de Habermas, Negt et Kluge, ainsi que de Nancy Fraser, nous développons un concept de publics et de contre-publics politiques du travail qui nous permet d’analyser l’apprentissage et les mobilisations politiques de classe.
2. La sphère publique sans travail : avec et contre Habermas
Habermas identifie la sphère publique comme l’arène centrale dans laquelle la raison peut se réaliser collectivement. Les questions d’intérêt général y sont discutées sans restriction (objectivement et en relation avec le cercle des participants), déclenchant ainsi des processus éducatifs parmi les participants. De cette manière, une opinion publique se forme, qui sert de référence pour la poursuite des débats publics et la prise de décisions politiques éclairées (cf. Habermas 2022). La sphère publique est ainsi conçue comme un concept critique qui sert à évaluer le changement social.
Dans La transformation structurelle (1990), le public bourgeois fournit cet horizon normatif à Habermas. En tant qu’idée et pratique d’échange libre de toute domination, dans laquelle seul le pouvoir du meilleur argument compte, la sphère publique bourgeoise est à la fois idéologie et plus qu’idéologie. La participation à la sphère publique et les conditions préalables socio-économiques et les compétences habituelles nécessaires pour s’engager dans des discours publics étaient réservées aux citoyens, mais en tant que concept socialement institutionnalisé, elle dépasse simultanément son parti pris de classe en mettant en pratique « l’idée de la dissolution de la domination en une contrainte facile à accepter qui ne prévaut sur aucun autre terrain que la conviction convaincante d’une opinion publique » (Habermas et Kruger 1989 : 88). À mesure que des classes sociales plus larges ont acquis une relative indépendance économique, cette idée a gagné en pertinence pour elles. Conçues ainsi, la société et la sphère publique peuvent être mesurées à l’aune de leur idéal bourgeois : Chaque fois que l’accès à la sphère publique est restreint pour certains groupes en raison de niveaux (trop) inégaux d’éducation et de ressources matérielles (Habermas 1990 : 331), ou lorsque des organisations politiques et économiques (trop) puissantes restreignent la « formation publique efficace et politiquement pertinente d’assemblées et d’associations » (Habermas et Kruger 1989 : 228) par la formation d’oligopoles et l’utilisation stratégique de la communication.
Dans son étude, Habermas présente la sphère publique comme une sphère institutionnelle indépendante qui revêt une importance capitale pour le fonctionnement des communautés démocratiques et en élabore le caractère processuel. Habermas développe les paramètres de cette transformation structurelle dans trois dimensions d’analyse – qu’il ne nomme pas explicitement comme telles (cf. Seeliger et Sevignani 2022) :
1. Dans le cadre de référence (socio-)spatial, une transformation structurelle s’opère dans la différenciation entre la sphère privée (société civile et famille) et l’État (national), ainsi qu’une sphère publique médiatrice en tant que sphère de critique de celui-ci. La famille devient le lieu où s’exerce une humanité générale. Il s’ensuit un nouvel enchevêtrement de la sphère privée et de la sphère publique à travers un État providence qui intervient dans la sphère privée et l’instrumentalisation de la sphère publique par des intérêts privés et étatiques (Habermas définira plus tard cela comme un excès d’action stratégique au lieu d’une action communicative).
2. Deuxièmement, Habermas examine l’influence des conditions économiques. Ici, l’économie féodale se transforme en un capitalisme concurrentiel avec libre circulation des marchandises. La production culturelle privée s’adresse avant tout au public réceptif des cafés et des salons, que Habermas considère comme un type idéal de public bourgeois. Cette étape est suivie par la transition du capitalisme concurrentiel vers un capitalisme oligopolistique soutenu par la redistribution étatique. Ici, la production culturelle est assurée à la fois par l’État et par le secteur privé sous forme de relations publiques, dans un contexte de polarisation continue des classes.
3. Dans une troisième dimension, les moyens techniques de diffusion ont changé et les citoyens, destinataires de l’autorité publique, ont été remplacés par un groupe de citoyens privés qui se sont rassemblés pour former un public grâce aux revues et aux journaux. Ceux-ci ont ensuite été remplacés par les médias électroniques de masse, qui ont généralisé le potentiel de l’action communicative, mais qui ont également un effet restrictif en hiérarchisant la communication publique. Dans ce processus, les publics assemblés se transforment en publics fabriqués sous l’influence des médias de relations publiques. Aujourd’hui, la mondialisation, la marchandisation et la numérisation sont considérées comme les moteurs décisifs d’une nouvelle transformation structurelle de la sphère publique (Seeliger et Sevignani 2021a, 2021b).
Habermas analyse un déclin de la sphère publique bourgeoise, caractérisé par l’imbrication croissante de l’État et de la société et par la pertinence grandissante des formes stratégiques de communication (par exemple dans le contexte du lobbying). La sphère publique est alors peuplée d’intérêts antagonistes, de médias et d’« acteurs qui se contentent d’utiliser des forums déjà existants » (Habermas 1996 : 370). Il analyse ce phénomène sous le topos de la « reféodalisation » de la sphère publique comme le déplacement de la communication rationnelle, c’est-à-dire de la communication publique dans laquelle les exigences de compréhensibilité, de vérité, d’authenticité et d’exactitude ne s’appliquent (plus).
2.1. L’abandon du concept de travail par Habermas
Plus tard, Habermas a reformulé l’idéal de la sphère publique bourgeoise dans le concept de raison communicative (cf. Cooke 2012 : 818) et l’a situé dans le « monde de la vie ». Le fondement du concept critique de sphère publique est désormais « approfondi » et passe d’une idée effective et performative de la bourgeoisie à l’anthropologie, plus précisément à la capacité linguistique des êtres humains. Au lieu de recourir à un mouvement historique tel que la bourgeoisie, Habermas trouve dans la structure du langage des prétentions de validité inhérentes à la vérité, à la véracité et à la justesse, auxquelles le débat public peut être mesuré. La rationalité communicative peut désormais être trouvée en dehors de la sphère publique bourgeoise, par exemple dans les publics de différents mouvements sociaux (cf. Habermas 1996 : 370). Le monde de la vie fournit le contexte nécessaire à tout avantage de la rationalité instrumentale en politique et en économie, car c’est là que se déroulent la transmission culturelle du sens, la sélection sociale de relations solidaires et la socialisation des personnalités fortes. La sphère publique idéale (anciennement bourgeoise) se caractérise par la prédominance de l’action communicative ; son déclin indique la prédominance de l’action stratégique. Habermas parle désormais de « colonisation » de la sphère publique par des contraintes systémiques (provenant de la politique et de l’économie).
Il est essentiel de noter que les concepts de raison communicative et de monde de la vie, qui se reproduit à travers l’action orientée vers la communication, reposent tous deux sur une distinction influente entre travail et interaction ou communication, que Habermas tire de la pensée marxiste. Cette distinction s’accompagne d’un rejet sociologique du travail comme lieu principal d’émancipation.
En termes de théorie sociale, Habermas soutient que les analyses sociales qui suivent Marx accordent une importance excessive au concept de travail et à la sphère de la production. En conséquence, l’œuvre de Habermas se caractérise par un abandon fondamental de l’accent traditionnellement mis sur le travail, qui n’est plus une priorité dans les sociétés modernes, ne recèle aucun potentiel normatif et serait trop restrictif pour l’analyse sociologique (Elbe 2014 ; Habermas 1985 : 99). Cette négligence du travail et, à l’inverse, l’importance excessive accordée à la rationalité communicative sont déjà évidentes dans son texte « Travail et interaction », dans lequel il discute des premiers écrits de Hegel et où sa théorie ultérieure de l’action communicative apparaît déjà (Dubiel 1988 : 95). Habermas (1968 : 45f.) y soutient que Marx ramène l’action communicative à l’action instrumentale. La première, selon lui, apparaît chez Marx comme le paradigme central à partir duquel toutes les autres catégories émergent. À la suite de Hegel, il souligne que l’interaction repose sur la reconnaissance, tandis que le travail se caractérise par l’appropriation astucieuse de la nature.
Au cœur de ses réflexions se trouve plutôt une dichotomie entre, d’une part, les actions communicatives et, d’autre part, les actions instrumentales (Habermas 1968 : 63ff ; Ganßmann 1990). Le travail est ainsi compris comme une rationalité instrumentale qui se déroule de manière monologique, tandis que la communication est intersubjective. Si l’action communicative est conçue par Habermas de manière différenciée et explicative, l’action instrumentale ne bénéficie pas d’une élaboration équivalente (Honneth 1980 : 222). Le dualisme entre travail instrumental et interaction communicative, qui laisse de côté les éléments interactifs du travail, a été critiqué à maintes reprises (Elbe 2014 ; Ganßmann 1990). En conséquence, c’est dans l’interaction et la communication que Habermas reconnaît la rationalité, tandis que le travail identifié comme raison instrumentale ne peut être un point de départ pour l’émancipation.
Cela s’accompagne d’une négligence des sphères publiques spécifiques dans le domaine du travail. Comme expliqué précédemment, la sphère publique est la sphère d’une forme rationnelle de communication qui oblige la domination à se légitimer. Pour Habermas, le travail relève de la sphère privée et, en tant qu’action exclusivement instrumentale, n’est pas adapté à la compréhension de soi. Avec cette conception du travail, il néglige la signification anthropologique du travail (Heller 1982 : 41) par opposition au labeur et, comme le souligne Honneth (1980 : 213), cela s’accompagne d’un « mépris catégorique des formes de résistance et d’émancipation ancrées dans la structure même du processus de travail capitaliste ». Ainsi, si le concept critique de sphère publique de Habermas mérite d’être retenu, cela ne s’applique pas à son évaluation du travail. Il est donc nécessaire d’examiner d’autres perspectives théoriques afin de développer une théorie solide des publics politiques du travail.
3. La sphère publique prolétarienne comme concept (uniquement) négatif : sur la « sphère publique et l’expérience » de Negt et Kluge
En réaction directe à la conception de la sphère publique de Habermas, Oskar Negt et Alexander Kluge (1972) réfléchissent à la relation entre « sphère publique et expérience », ce qui les conduit à une théorie de la sphère publique sensible à la question des classes. Leur travail réagit également à la différenciation et à la particularisation de la gauche politique au début des années 1970, qui l’empêche de remporter un succès effectif (Negt 1973 ; Negt/Kluge 1972 : 150-162). Dans ce contexte, la notion emphatique de contre-public prolétarien développée par Negt et Kluge fournit un cadre théorique à une gauche fragmentée (Schlüpmann 1990 : 70). Les auteurs analysent de manière originale la sphère publique comme potentiellement politisante et prennent également en compte le travail. À l’instar de Habermas, la sphère publique est centrale pour Negt et Kluge dans la réalisation d’une émancipation des individus (Negt 1975 : 465 ; Negt/Kluge 1972 : 13). Les individus, qui ne sont reliés que par des liens privés dans le capitalisme, sont alors unis par la sphère publique à travers la discussion de sujets d’intérêt général (Negt/Kluge 1972 : 18). Néanmoins, c’est précisément ce potentiel émancipateur qui est compromis dans les formes limitées existantes de la sphère publique.
Negt et Kluge entendent la sphère publique au sens large comme l’organisation de l’expérience. Ils visent ainsi la « valeur d’usage » de la sphère publique, qui devient effective « lorsque l’expérience sociale s’y organise » (Negt/Kluge 1993 : 3). La valeur d’usage de la sphère publique n’est donc pas comprise comme universelle, mais plutôt comme façonnée par les intérêts des groupes sociaux et des classes respectifs. La sphère publique n’est émancipatrice que si elle organise les expériences du prolétariat. La sphère publique et l’expérience impliquent donc l’existence préalable de classes qui doivent toutefois être mises en lumière par l’organisation unificatrice de l’expérience. La sphère publique peut également fonctionner comme une « synthèse illusoire de la société dans son ensemble » (Negt/Kluge 1193 : 63), qui suspend alors cette organisation de l’expérience et transmet une volonté politique qui n’est que supposée générale.
Contrairement à Habermas, Negt et Kluge soutiennent que la sphère publique dans sa forme bourgeoise empêche une émancipation politique globale des individus, car elle empêche la formation de la classe prolétarienne. C’est le « Dorado du citoyen » (Negt 1975 : 462), une « dictature de la bourgeoisie » et « l’obstacle organisé à la sphère publique matérielle et à la politique » qui garantit une « volonté collective » (Negt/Kluge 1993 : 55 ; voir aussi Sevignani 2022). Negt et Kluge partent du principe que l’idéal éclairant d’une sphère publique bourgeoise ne s’érode pas plus tard au cours de sa transformation structurelle, comme l’affirme Habermas, mais qu’il n’a jamais existé en tant que tel. De plus, Negt et Kluge comprennent la sphère publique comme un concept cumulatif (Gundel 1977 : 130f.) qui n’existe qu’au pluriel.
Selon Negt et Kluge, on peut distinguer trois types de sphères publiques : bourgeoise, produite et prolétarienne. La sphère publique bourgeoise correspond à l’idéal de sphère publique de Habermas. Elle vise des décisions universellement valables et exclut les intérêts et les expériences privés au sens de cette universalité. À l’heure actuelle, elle est recouverte par des sphères publiques produites (Negt/Kluge 1972 : 12, 35). Celles-ci sont le résultat d’une transformation structurelle avancée, mais ne désignent pas un processus de reféodalisation comme l’affirme Habermas. Elles ne ferment pas les sphères publiques, mais les ouvrent et les élargissent en intégrant les expériences et les désirs réels des masses. Les expériences des opprimés sont reprises directement, mais ce faisant, selon Negt et Kluge (1972 : 116, 135), elles sont maintenues dans leur immédiateté et leur intimité, ce qui conduit à des « pseudo-publics ». Seule une partie des expériences des prolétaires est intégrée, ce qui renforce simultanément le caractère partiel de l’expérience, de sorte que ces publics produits agissent comme des « palliatifs » qui laissent le statu quo inchangé (Negt/Kluge 1993 : 17).
L’examen de Negt et Kluge sur « la sphère publique et l’expérience » s’avère être une suite innovante et en même temps une contre-proposition puissante à la théorie de la sphère publique de Habermas. Cependant, et cela peut surprendre au vu de tout ce qui a été dit sur le prolétariat, Negt et Kluge négligent également le domaine du travail. D’une manière générale, les deux auteurs manquent leur objectif qui est de formuler des sphères publiques alternatives et se contentent de préciser les variantes bourgeoises de la sphère publique et leurs limites (Jameson 1988 : 157 ; Negt et Kluge 1981 : 87-88). Selon Negt et Kluge (1972 : 143 FN 39, 14), la sphère publique prolétarienne ne peut être concrétisée car elle est « une chose de l’avenir » et n’est donc formulée que négativement comme l’autre de la sphère publique bourgeoise (Negt/Kluge 1972 : 108 FN 9 ; Koivisto/Väliverronen 1993 : 26 et suivantes) : « La « sphère publique prolétarienne » devient un terme exclusivement négatif qui englobe toutes les possibilités excluant toutes les conceptualisations précédentes » (Strum 2000 : 112).
Pour Negt et Kluge, la sphère du travail réellement existant n’a qu’une importance marginale. Outre le domaine de la socialisation, la production en particulier fait partie de la sphère privée (cf. Negt/Kluge 1972 : 10 ; Gundel 1977 : 130 et suivantes), qui est à son tour « le fondement substantiel et en même temps le terreau dont la négation et l’exclusion tirent toute leur force » (Negt 1975 : 461 et suivantes). En conséquence, Negt et Kluge affirment qu’il n’existe pas de sphère publique dans le travail, de sorte que les sphères publiques prolétariennes apparaissent comme la seule issue pour articuler les contextes de vie et les expériences du prolétariat et ses intérêts. Avec le concept exigeant de sphère publique prolétarienne, « la sphère publique empirique de la classe ouvrière apparaît souvent comme une variante de la sphère publique bourgeoise », qui n’est que calquée sur ses structures, car les travailleurs n’ont pas les instruments pour produire des sphères publiques indépendantes (Negt/Kluge 1993 : 58). Selon eux, la « sphère publique de l’usine » n’est qu’une « soi-disant » sphère publique, qui ne peut plus être qualifiée de « publique » (Negt/Kluge 1993 : 50). Bien qu’ils soulignent que les processus de travail reposent inévitablement sur la coopération et l’interaction entre les travailleurs, le seul objet de leur analyse des sphères publiques sur le lieu de travail est la réunion des employés telle que définie par la loi allemande sur l’organisation du travail. Ils qualifient d’« absolutistes » les directives strictes régissant le déroulement et le contenu des réunions des employés (Negt/Kluge 1993 : 50f.). Cela n’est pas faux en ce qui concerne la constitution des entreprises en tant que « gouvernements privés » (Anderson 2019), mais cela ignore la codétermination limitée mais existante et, surtout, les pratiques quotidiennes des employés, qui constituent en effet une forme de sphères publiques spécifiques (Brinkmann et al., 2022).
4. Remettre le travail au centre : analyse des sphères publiques de la politique du travail
En tant que cadre analytique à la fois critique et normatif, le concept de sphère publique est utile pour analyser le domaine du travail. Comme expliqué précédemment, l’étude de Habermas constitue un point de départ approprié, mais qui doit être complété. La sphère publique apparaît ici comme un processus qui rationalise la domination et lui arrache la nécessité de se légitimer. Si Habermas examine également des éléments sociaux – tels que la question de la propriété dans l’industrie des médias – en plus des éléments républicains (correctitude procédurale des procédures politiques) et libéraux (libre développement de citoyens responsables), les aspects de la légitimation de la domination des entreprises dans le processus de travail ainsi que ses questions de répartition restent largement ignorés. Et comme nous l’avons montré précédemment, Habermas abandonne le travail comme lieu central, voire partiel, de l’émancipation et se concentre sur la communication du monde de la vie, qui est opposée au travail instrumental. Cette séparation décharge l’économie – et avec elle le travail – de l’exigence de représentation démocratique (Beerhorst 2011 : 239f.).
L’analyse sociologique néanmoins précieuse de Habermas a été développée par Negt et Kluge (1972) en un concept de sphère publique prolétarienne afin d’analyser l’émergence et la possibilité d’un contre-pouvoir. Dans une perspective empirique, Negt et Kluge reconstruisent le contexte de la « vie prolétarienne » (1972 : 10) comme un contexte de réception et de production de la sphère publique. Ce faisant, ils transgressent le modèle de la sphère publique représentative pour se diriger vers des formes plus directes de démocratie et combinent l’approche discursive de Habermas avec un modèle de sphère publique (contre) politisante basée sur les « expériences » du monde de la vie. Mais comme expliqué précédemment, premièrement, le point de référence de la sphère publique prolétarienne reste indéterminé, et deuxièmement, ils négligent également le processus de travail réel et les interactions et publics spécifiques qui l’accompagnent. Troisièmement, avec l’expérience prolétarienne, ils introduisent une norme critique alternative : celle-ci doit s’organiser publiquement, mais ne doit pas nécessairement faire ses preuves dans la sphère publique démocratique.
4.1. Théories de classe sensibles à la sphère publique
Dans le domaine des théories de classe, la préoccupation pour le travail joue traditionnellement un rôle décisif. En revanche, la préoccupation explicite pour les sphères publiques, en tant qu’espaces où les expériences de classe peuvent s’organiser, fait généralement défaut ici. Il est donc nécessaire de développer des théories de la sphère publique sensibles à la classe ainsi que des théories de la classe sensibles à la sphère publique (cf. Sevignani 2020).
Le point de départ d’une telle réflexion est que la compréhension des positions de classe déterminées par la politique et l’économie dans la société, des intérêts positionnels et des mécanismes objectifs de formation des classes (tels que l’exploitation), c’est-à-dire l’analyse de la structure des classes, n’est qu’une condition nécessaire mais non suffisante pour comprendre la dynamique empirique des classes. À maintes reprises, il a donc été souligné qu’outre les « sièges vides » à attribuer dans les structures sociales capitalistes, un certain nombre d’autres déterminants doivent également être pris en compte dans l’analyse sociologique des classes.
Des sphères publiques différemment organisées, par exemple l’existence de cercles sociaux exclusifs, certaines relations communicatives ou la médiation des convictions politiques, jouent un rôle souvent sous-estimé dans la formation des mentalités, les alliances entre les camps politiques et, finalement, la dynamique des classes sociales. L’émergence des classes, le passage d’intérêts socio-structurels latents à des intérêts de classe manifestes, nécessite non seulement la confrontation avec d’autres classes, mais aussi une pratique unificatrice de la « Herstellung der Kommunikationen » (MEW 3 : 53) [« la production de communications » ; les auteurs].
À la suite d’Antonio Gramsci, on trouve des théories de classe sensibles au public notamment dans les études culturelles britanniques, par exemple chez E.P. Thompson et Stuart Hall. Les expériences fondées sur le travail (dépendant, déterminé de l’extérieur et exploité), en tant que « champ de force » social initialement non spécifié et polarisé (Thompson 1978 : 151), doivent être interprétées et cette organisation doit être organisée. Dans ce processus, la conscience de classe n’est pas quelque chose qui se découvre, mais une possibilité particulière, et pour des raisons structurelles d’inégalité de pouvoir, improbable, d’organiser les expériences de travail (cf. Hall 1989 : 34f.). La lutte des classes est double avant la classe : premièrement, les relations de production conduisent à des affrontements objectifs d’intérêts, qui sont vécus comme des conflits. Ensuite, ce sont les processus contestés de formation qui précèdent la découverte d’une conscience de classe. L’idée directrice ici est d’explorer comment les gens agissent de manière classiste même s’ils ne forment pas encore une classe. Cela s’exprime dans la célèbre maxime de Thompson : « lutte des classes sans classe ».
En termes de théorie des classes, les sphères publiques sont des lieux où les expériences de conflits enracinés dans la structure sociale capitaliste peuvent être articulées, partagées, façonnées, interprétées et éventuellement organisées dans une perspective émancipatrice et consciente de la classe. Les expériences professionnelles sont centrales à cet égard, mais dans leur interprétation, elles sont toujours liées à d’autres axes d’inégalité sociale (voir, par exemple, Fraser 2022 ; Hall 1994). Pour comprendre cela, il faut comprendre comment différentes formes de publics fonctionnent en interaction et comment les relations sociales antagonistes affectent l’institutionnalisation de différents publics (voir, par exemple, Sevignani 2022). Les publics n’ont toutefois pas seulement une fonction de médiation politico-culturelle, mais aussi leur propre économie politique, qui définit le cadre de l’organisation de l’expérience qu’ils fournissent. La production de la sphère publique nécessite un travail de communication à l’aide de moyens de communication dont la distribution et le niveau de développement déterminent l’organisation de l’expérience. Il convient d’examiner à la fois l’état de la « force productive de la communication » (Habermas et Krüger 1989) et les relations de communication sociale afin de pouvoir comprendre de manière adéquate les processus de formation des classes.
4.2. Les publics politiques du travail pour la parité de participation : la tentative de synthèse de Nancy Fraser
Bien que les réflexions de Nancy Fraser sur la théorie de la sphère publique ne traitent pas explicitement du travail (voir toutefois Fraser 2023), elles sont intéressantes car elle adopte une position médiatrice entre Negt/Kluge et Habermas. En lisant Habermas comme un théoricien de la sphère publique et Negt et Kluge comme des théoriciens de la contre-sphère publique argumentant du point de vue du prolétariat, Fraser relie le concept critique de sphère publique à la fonction démocratique des contre-publics qui servent cet objectif.
La théorie sociale critique de Fraser s’articule autour du principe de « parité de participation ». Elle définit comment les décisions évaluatives doivent être prises dans une société, mais n’anticipe pas théoriquement leur contenu. En ce sens, Fraser, à la suite de Habermas, se rattache aux théories discursives de la justice. Celles-ci s’intéressent au processus juste de négociation d’une réponse fondamentalement ouverte, dans les conditions du pluralisme moderne des valeurs, à la question de savoir ce qu’il faut exactement entendre par justice. Avec ce glissement vers les procédures (politiques), la question de la justice est pour Fraser nécessairement liée à l’institutionnalisation de sphères publiques démocratiques fonctionnelles (Fraser 2007a, 2007b : 318). Ceux qui réclament l’égalité économique doivent démontrer publiquement que la répartition des ressources matérielles empêche une participation égale à la vie sociale. Ceux qui réclament la reconnaissance doivent démontrer publiquement que les relations intersubjectives empêchent certains individus ou groupes de participer à la vie sociale. Et ceux qui réclament l’égalité politique doivent démontrer publiquement que certaines personnes ou certains groupes ne sont pas représentés dans les procédures et les institutions politiques. Cette idée est guidée par l’image d’une spirale dynamique, où les conditions de délibération sont « suffisamment bonnes et justes » pour que leur résultat constitue simultanément les conditions d’une délibération future meilleure et plus juste.
Habermas (reféodalisation) ainsi que Negt et Kluge (blocage des expériences) donnent des indications impressionnantes sur les conditions déficientes de la délibération. Fraser précise que des formes spécifiques de publicité et de rationalité de la délibération peuvent s’attribuer à des stratégies de distinction entre les groupes sociaux. Concevoir la sphère publique en termes singuliers va de pair avec l’exclusion et la suppression d’autres publics, qui sont pourtant nécessaires à une société en voie d’égalité de participation. Dans de telles conditions, « les membres des groupes subordonnés n’auraient aucun espace pour délibérer entre eux sur leurs besoins, leurs objectifs et leurs stratégies. Ils n’auraient aucun lieu où entreprendre des processus de communication qui ne soient pas, pour ainsi dire, sous la supervision des groupes dominants » (Fraser 1992 : 123).
Pour Fraser, les sphères publiques réprimées ne produisent pas automatiquement un contenu émancipateur. Et, contrairement à Negt et Kluge, elle part néanmoins du principe que la possibilité de discuter en public de questions auparavant exclues doit être considérée comme positive dans une société de classes stratifiée. Les contre-publics ont une double fonction dans les sociétés inégales : d’une part, ils favorisent le retrait et le regroupement, permettant ainsi aux individus de trouver leur propre voix et leur propre identité. D’autre part, ils constituent également des terrains d’entraînement pour l’agitation et la généralisation et favorisent les processus d’apprentissage sur la manière de faire entendre sa propre voix. Selon elle, même dans les sociétés égalitaires, des sphères publiques diversifiées sont nécessaires pour former et articuler l’identité, car la diversité ne doit pas non plus y être réprimée.
Dans le même temps, Fraser affirme (et en cela, elle suit Habermas) que les contre-publics ont une tendance inhérente à la généralisation et à l’universalisation ; ils aspirent à des arènes toujours plus vastes. Sa théorie présuppose que les publics interagissent sous une forme ou une autre, c’est-à-dire que le principe de publicité s’applique en principe. Il doit donc y avoir un point commun (publicité et compréhensibilité) entre les publics. C’est là que Habermas suppose l’existence d’un monde de vie commun. Son absence éventuelle, par exemple dans le contexte des « bulles de filtres » actuellement très débattues dans la communication en ligne, constituerait un problème grave. Fraser part du principe que les structures de domination placent des personnes ou des groupes spécifiques dans des situations similaires et que ceux-ci, en tant que « sujets modernes », ne sont pas disposés à accepter cette soumission à une structure de domination (cf. Fraser 2014).
Dans le modèle libéral, qui repose sur une séparation stricte entre l’État et la société, les publics ne peuvent être que des « publics faibles », privés de toute compétence décisionnelle. En revanche, les parlements sont des formes de « publics forts », c’est-à-dire des publics au sein de l’État. Selon Fraser (cf. Fraser 2014), des institutionnalisations hybrides de publics forts et faibles sont nécessaires : les publics forts, dotés de pouvoirs politiques de régulation et d’exécution, doivent continuellement se justifier auprès des publics faibles. Dans cette optique, la sphère publique politico-sociale ne doit pas seulement être théorisée comme une contre-sphère publique ; en son sein, les (contre-)sphères publiques politico-sociales ou prolétariennes peuvent exercer une fonction démocratisante, ce qui pourrait – selon Fraser et Negt/Kluge – également institutionnaliser des sphères publiques fortes au sein d’une démocratie économique.
4.3. Un modèle à plusieurs niveaux de la sphère publique politico-sociale
Les publics politico-sociaux peuvent être à la fois émancipateurs et affirmatifs. Cela dépend de leur contenu et de leur conception. On trouve chez Habermas, Negt et Kluge, ainsi que chez Fraser, des critères relatifs aux conditions de la délibération publique. Si l’on veut rendre justice à la diversité et à la complexité empiriques de la sphère publique, un modèle à plusieurs niveaux est nécessaire. L’organisation des expériences sociales se fait dans la sphère publique (au singulier), comprise comme « un réseau de communication d’informations et de points de vue » qui « se regroupent en faisceaux d’opinions publiques thématiques » (Habermas 1996 : 360).
Dans le but d’élaborer un concept de sphère publique politico-sociale, nous définissons d’abord les publics de manière neutre comme l’organisation de la communication à différents niveaux (au moyen des médias techniques et sociaux, des rôles différenciés des communicateurs et des destinataires). Les publics émergent à partir de publics qui, ensemble, forment un processus de communication structuré par des thèmes : dans les publics simples de communication interpersonnelle et immédiate, c’est-à-dire au « niveau de la rencontre » (Neidhart 1994), les rôles fonctionnels entre les locuteurs et les auditeurs ne sont pas encore différenciés et changent continuellement. Dans les publics thématiques et associatifs (ibid.), les premières attributions de rôles fonctionnels se forment : il y a des locuteurs importants et des règles de communication explicites apparaissent. Ces publics prototypiques de portée moyenne se forment autour d’associations, d’initiatives citoyennes et de mouvements sociaux. Dans les publics complexes, tels que ceux créés par les médias de masse modernes, les rôles des locuteurs sont largement professionnalisés et les relations avec certains sous-publics sont bien rodées, de sorte que le public devient de plus en plus abstrait et dispose lui-même d’une capacité d’action communicative limitée.
Si l’on applique ce modèle thématique de la sphère publique à un concept multi-niveaux des relations industrielles (cf. Müller-Jentsch 2017 : 41), on obtient une notion de sphère publique politico-sociale, qui est un objet important mais jusqu’à présent insuffisamment étudié des relations industrielles. La transformation sociale du travail constitue le contexte ou crée les expériences qui sont organisées dans des sphères publiques à différents niveaux. Si l’on veut rendre justice à la diversité et à la complexité de la sphère publique de la politique du travail, il faut un modèle à plusieurs niveaux qui permette d’examiner non seulement le niveau micro, mais aussi les niveaux méso et macro, ainsi que les interactions entre ces trois niveaux (voir tableau 1).
Le niveau micro des relations industrielles est l’entreprise. C’est là que se détermine si les expériences de travail peuvent être organisées en sphères publiques d’entreprise et dans quelle mesure il est possible de s’appuyer sur des expériences issues d’autres sphères publiques extérieures à l’entreprise. Il a été souligné très tôt que le « système fixe des lieux de travail » dans une entreprise limite les possibilités d’interaction des travailleurs (Popitz et al., 1957 : 65, traduction libre). Dans le prolongement de cette idée, Thomas (1964) montre que les travailleurs sont au mieux en contact avec leurs collègues directs : « Ce qui se trouve au-delà du petit service est dans le brouillard général » (ibid., 61, traduction libre). Schmidt et Weick (1975) démontrent en revanche comment les travailleurs, sur leur lieu de travail et au-delà, expriment leurs intérêts dans les journaux d’entreprise, les tracts, les publications syndicales et les manifestations. Brinkmann, Heiland et Seeliger (2022) actualisent ce concept de publics du lieu de travail et montrent que, dans ce contexte en particulier, la dichotomie entre travail instrumental d’une part et interaction communicative d’autre part ne peut être maintenue. Les publics du lieu de travail sont donc également pertinents dans les organisations, telles que les entreprises, qui sont par définition non démocratiques, et ils servent à la fois à établir et à garantir la domination sur le lieu de travail et à la remettre en cause.
Au niveau supra-entreprise et méso, les syndicats et les employeurs organisent des (contre-)publics. Au niveau macro des relations industrielles organisées par l’État, le contre-public prolétarien a un effet démocratisant sur la sphère publique bourgeoise (voir tableau 1). Outre ces trois niveaux interactifs de la sphère publique politico-sociale, nous proposons trois dimensions de sa transformation structurelle. En nous appuyant sur l’analyse originale de Habermas, nous identifions le cadre spatial de référence, les conditions économiques contextuelles et les moyens techniques de communication en développement, qui ont tous une incidence sur les publics politico-sociaux. Dans ce contexte, on peut identifier une nouvelle transformation structurelle de la sphère publique politico-sociale depuis les années 1970. Depuis lors, les changements sociaux dans ces trois dimensions peuvent être résumés en trois mégatendances : la mondialisation, la marchandisation et la numérisation (voir ci-dessus ; Seeliger/Sevignani 2021).
5. Analyse des publics politico-sociaux
Dans ce qui suit, nous illustrons brièvement ce programme de recherche et la pertinence d’une vision intégrative du travail et de la sphère publique à l’aide de deux vignettes. Cela reste nécessairement sélectif (également pour des raisons d’espace) et constitue donc une invitation à des recherches futures, dans la mesure où seuls deux niveaux de la sphère publique et non toutes les dimensions de la transformation structurelle sont abordés ici dans chaque cas et où, en outre, les critères d’évaluation des sphères publiques démocratiques issus de la théorie critique doivent encore être pris en compte de manière systématique.
5.1. La numérisation des publics sur le lieu de travail
La numérisation du social englobe la restructuration de la communication, de la production et de la distribution grâce à l’utilisation des technologies informatiques. Outre le développement des forces productives et l’augmentation de la performance économique, les technologies numériques élargissent la portée et le degré d’inclusion de la sphère publique politique et, en même temps, sa capacité à être façonnée et contrôlée (Brinkmann et al. 2022). D’une part, la numérisation réduit les barrières de communication et permet l’émergence de publics en ligne capables d’initier des actions collectives (Beyer 2014 ; Tufekci 2017). Cela vaut également dans le contexte du travail. Par exemple, les groupes Facebook servent à échanger et à organiser les travailleurs du commerce de détail (Wood 2015), et les vidéos TikTok ont récemment propagé des grèves dans divers centres logistiques d’Amazon au Royaume-Uni (Anonyme 2022).
D’autre part, la numérisation sape les publics de rencontre en les remplaçant par la communication en face à face. Comme l’ont déjà montré Popitz et al. (1957) et Thomas (1964) (voir 4.3), l’organisation du travail empêche les interactions entre les employés. La numérisation est capable d’amplifier cet effet car, premièrement, la communication est médiatisée par les technologies numériques et donc simultanément canalisée et contrôlée. Par exemple, une application de chat destinée aux employés d’Amazon aux États-Unis interdit l’utilisation de mots tels que « syndicat », « salaire minimum vital » ou « grief » (Klippenstein 2022). Deuxièmement, les interactions entre les travailleurs deviennent superflues, car les accords nécessaires dans le processus de travail peuvent être pris en charge par des formes de gestion algorithmiques. Les processus d’information, de communication et de travail sont ainsi formalisés et les interactions humaines réduites au minimum (Heiland 2018). La communication initialement instrumentale dans les contextes de travail, indispensable au maintien et à la coordination des processus de travail, peut également être réduite. Étant donné que la possibilité d’engager des discussions critiques est inhérente à ces interactions fonctionnelles, il en résulte l’émergence de sphères (contre-)publiques (Brinkmann et al. 2022).
Cette transformation structurelle numérique ambivalente dans la sphère publique de la politique du travail est illustrée par le travail sur plateforme. Le travail sur plateforme est une structure technosociale qui permet la coordination de services de travail entre des prestataires (principalement indépendants) et des demandeurs (Woodcock et Graham, 2019). En ce qui concerne la construction de la sphère publique du travail, deux caractéristiques du travail sur plateforme sont pertinentes. Premièrement, le travail sur plateforme est délocalisé. Il est soit purement numérique et réparti à l’échelle mondiale (crowdwork), soit réparti sur des espaces urbains limités mais étendus (principalement des activités de services), de sorte qu’il n’existe pas de lieu de travail unique. En conséquence, les relations sociales entre les travailleurs sont réduites et les sphères publiques ne peuvent émerger. Deuxièmement, le travail sur plateforme est le domaine central du contrôle des processus de travail décrit précédemment, qui s’effectue au moyen d’une gestion algorithmique (Heiland, 2018 ; Kellogg et al., 2020).
Cependant, malgré la fragmentation prononcée des travailleurs (Heiland, 2022), il existe souvent un échange animé entre eux dans divers forums en ligne en dehors des plateformes (Brawley et Pury, 2016 ; Lehdonvirta, 2016 ; Brinkmann et al. 2022). De cette manière, il est possible, du moins en partie, de surmonter la fragmentation des travailleurs de plateforme grâce à la construction de publics numériques et à la création de contre-publics, qui aboutissent parfois même à des actions collectives (Herr et al., 2021). Cependant, le développement de contre-espaces publics critiques en matière de politique du travail n’est pas automatique. Il n’est pas rare que les sphères de communication correspondantes soient fragmentées le long des frontières nationales (Lehdonvirta, 2016 ; Wood et al., 2018 ; Yin et al., 2016), ce qui rend difficile la création d’espaces publics transnationaux. De plus, ces sphères publiques spécifiques aux entreprises ne sont utilisées que de manière instrumentale par de nombreux travailleurs, par exemple pour comprendre le fonctionnement des plateformes et de leurs algorithmes (Bucher et al., 2021 ; Lehdonvirta, 2016 ; Wood et al., 2018). Cependant, elles ne répondent pas toujours à l’exigence normative d’une sphère publique critique ou même d’une sphère contre-publique.
5.2. Mondialisation et marchandisation des publics du travail entre les niveaux méso et macro
Au sens le plus général, la mondialisation peut être comprise avec Anthony Giddens (1990) comme une augmentation de l’interdépendance d’événements se produisant dans des lieux éloignés les uns des autres.1 Contrairement à Habermas, qui met l’accent sur la formation de sphères publiques nationales, la mondialisation place au centre de l’intérêt les relations sociales et les moments de formation de l’ordre politique au-delà de l’État-nation. En ce qui concerne la structuration du travail rémunéré par le marché, deux types d’effets liés à la mobilité peuvent être distingués dans ce contexte. Le premier est la mobilité du capital. Depuis les années 1970 en particulier, les nouvelles technologies de communication et de transport ont permis de réaliser des investissements à l’échelle mondiale. Cette évolution a placé les gouvernements nationaux et (macro-)régionaux ainsi que les classes ouvrières locales en concurrence directe pour les investissements en capital dans leurs « sites » respectifs. Depuis les années 1990, le magazine d’information « Der Spiegel » s’est imposé comme une référence médiatique pour une médiation à large portée. Le chef du département économique, Gabor Steingart, a alimenté le « débat sur les sites d’implantation » dans des ouvrages documentaires tels que « World War for Prosperity » (2006) ou « Germany. The Decline of a Superstar » (2004). Au sein des entreprises également, les initiatives prises par les dirigeants à partir des années 1970 visaient à pouvoir fabriquer les mêmes produits sur différents sites afin de les opposer les uns aux autres dans les négociations sur les coûts locaux. La fragmentation transfrontalière des chaînes de valeur au sein des entreprises d’un même secteur et entre elles rend plus difficile la représentation des intérêts des syndicats et des comités d’entreprise (Seeliger, 2019).
Outre la mobilité des capitaux, il existe une deuxième forme de mobilité, celle de la main-d’œuvre. Si le problème fondamental des négociations collectives pour les organisations syndicales réside dans la formation de cartels salariaux, la difficulté de mettre en place des mécanismes correspondants s’accroît à « l’ère des migrations » (Castles et Miller, 1998). L’hétérogénéité culturelle croissante de la main-d’œuvre n’est qu’un des problèmes. En outre, la mobilisation politique des classes complique l’hétérogénéité socio-économique entre les pays d’origine et les pays de destination. Outre les barrières linguistiques et les différences culturelles, les écarts salariaux incitent souvent les travailleurs migrants issus de pays à bas salaires à proposer leur main-d’œuvre à un prix inférieur à celui des travailleurs locaux (Carstensen et al., 2022). Un exemple de thématisation publique de ces hétérogénéités dans le contexte de la publicité de la politique du travail est représenté par une initiative de l’économiste Hans-Werner Sinn, ancien directeur de l’Institut Ifo basé à Munich. Afin de pouvoir intégrer les réfugiés du conflit syrien sur le marché du travail, Sinn a déclaré dans une interview accordée au Tagesspiegel que le salaire minimum devrait être abaissé. Contrairement aux stratégies correspondantes du capital (ou de ses soutiens intellectuels), on observe des efforts parmi les organisations d’intérêt des salariés qui visent une internationalisation de la sphère publique en matière de politique du travail. Le fait que les syndicats locaux ou nationaux visent à mettre en réseau leurs intentions – révolutionnaires ou réformistes – au-delà des frontières remonte au mouvement ouvrier du XIXe siècle. Depuis les années 1970 en particulier, la mondialisation croissante de l’économie mondiale s’est accompagnée d’initiatives visant à mettre en place des structures politiques syndicales à l’échelle transfrontalière. La construction d’une sphère publique internationale par les syndicats est particulièrement prononcée dans le système à plusieurs niveaux de l’Union européenne. La Confédération européenne des syndicats et les fédérations industrielles européennes jouent ici un rôle central en offrant à leurs organisations nationales membres un cadre de débat et donc une caisse de résonance pour les impulsions transnationales en faveur de la mobilisation en matière de politique du travail (cf. Seeliger, 2017).
Dans l’histoire récente de l’UE, on peut noter divers cas de mobilisation de l’opinion publique politique internationale par les syndicats. Les plus notables sont les manifestations contre la directive sur les services à Strasbourg et à Berlin en 2006, qui ont rassemblé respectivement 15 000 et 40 000 participants (cf. Seeliger, 2018), et les protestations contre les politiques d’austérité de la Troïka dans le contexte de la crise de l’euro (della Porta, 2015).
Au niveau des entreprises également, les syndicats et les comités d’entreprise s’efforcent depuis les années 1970 de mettre en place des organes de représentation collective qui puissent contribuer à la construction sociale d’espaces publics politico-sociaux dans un contexte international. La directive sur les comités d’entreprise européens adoptée en 1994 représente une étape importante dans ce processus. Il s’agit d’organisations d’intérêt dans les entreprises multinationales qui disposent de droits d’information, de consultation et de codécision garantis par une directive européenne. Volkswagen, par exemple, a également réussi à mettre en place des comités d’entreprise mondiaux. Dans le cadre de leur traitement des problèmes spécifiques à l’entreprise dans le contexte de différents sites, ces organisations permettent de créer des espaces de discussion internationaux qui relient entre eux les acteurs de différentes régions du monde (Seeliger, 2012).
On peut dire que la mondialisation de l’économie et de la société a influencé la structure de la sphère publique du travail de diverses manières. Alors que la concurrence internationale s’intensifiait avec l’introduction des nouvelles technologies de transport et de communication à partir des années 1970, l’orientation et la tendance des débats dans la sphère publique nationale ont également changé. Sous le concept de préservation des sites, les questions de discipline salariale sont passées au centre du débat sur la politique du travail. Dans le même temps, les syndicats ont réagi en renforçant les instances représentatives existantes et en créant de nouvelles, telles que les comités d’entreprise européens ou les réseaux internationaux d’entreprises. En créant une sphère publique internationale, ces organisations veulent contribuer à organiser la régulation des relations sur le marché international du travail par le biais de négociations salariales et d’autres réglementations en matière de politique du travail.
Outre la mondialisation progressive, les sphères publiques de la politique du travail subissent également une transformation structurelle résultant de la marchandisation. Le processus de modernisation capitaliste a été décrit par l’historien anglo-hongrois Karl Polanyi (1944) comme une lutte pour le caractère marchand des relations sociales. Plus la production et la distribution des « marchandises fictives » que sont le travail, la terre et l’argent sont soumises à une logique de marché, plus ces marchandises fictives risquent de perdre leur valeur d’usage en raison d’une utilisation excessive. Si la société tente de se protéger de ces conséquences par l’émergence de « contre-mouvements » politiques, ceux-ci peuvent eux-mêmes produire de grandes distorsions, comme le montre Polanyi en référence au fascisme hitlérien et au stalinisme. Ces deux évolutions – la marchandisation du travail, de la terre et de l’argent ainsi que la construction politique de contre-mouvements – sont directement liées à la dynamique de la sphère publique politique du travail.
Outre la mondialisation de l’économie et l’intensification de la concurrence internationale qui en découle, la financiarisation de l’économie est une cause majeure de la marchandisation du travail. Les capitaux accumulés par les fonds devant trouver des opportunités d’investissement rentables, la logique de gestion des entreprises s’est orientée vers la création de valeur pour les actionnaires (Höpner, 2003). En conséquence, la restructuration des organisations d’entreprise (cf. Brinkmann, 2011) et la flexibilisation des relations de travail sous forme de travail temporaire ou de contrats de travail et de services (Nachtwey, 2016) ont également modifié les modes de construction des publics de la politique du travail.
Dans le contexte du modèle économique allemand, l’Agenda 2010, mis en œuvre sous le deuxième gouvernement Schröder et également connu sous le nom de Hartz IV, est considéré comme un projet de restructuration du marché du travail et de la politique sociale de grande envergure. Afin de garantir la compétitivité internationale de l’Allemagne – le « malade de l’Europe » comme l’a également qualifié Hans-Werner Sinn (2003) –, le revenu minimum garanti a été ramené à 345 euros par mois et son maintien a été soumis à de nombreuses conditions liées à une « politique active du marché du travail » (Lessenich, 2008). La rationalité politique n’est pas garantie ici par le débat au sein du peuple, mais par le marché. Dans ce contexte, les formes symboliques de la politique économique, sociale et du marché du travail reflètent la réinterprétation à grande échelle de l’ordre social et politique. Des termes tels que « frein à l’endettement », « capital humain », « hautement qualifiés » ou « fonds de sauvetage de l’euro » fonctionnent ici comme des symboles d’une démocratie qui, selon Angela Merkel, est également conforme au marché.
La pression de la concurrence internationale, la restructuration de l’État providence et la réorganisation des entreprises se sont accompagnées d’une tendance à la précarisation du travail et des relations de travail. L’impact le plus fort dans ce contexte a probablement été la prévalence croissante du travail temporaire. En général, le terme « travail temporaire » désigne une relation de travail dans laquelle les salariés effectuent leur travail pendant une période limitée dans une autre entreprise. Cela permet aux entreprises de faire face à des pics de demande à court terme sans avoir à augmenter leur effectif permanent. Depuis le début du millénaire en particulier, le recours stratégique au travail temporaire a dépassé ce type d’utilisation, l’objectif étant de remplacer une partie de la main-d’œuvre permanente par des travailleurs temporaires et de réduire ainsi au minimum les obligations envers les salariés. Pour les travailleurs temporaires eux-mêmes, cela se traduit par une pression sur les salaires, une perte de statut et de reconnaissance et la privation de droits de codécision.
En ce qui concerne la construction sociale de la sphère publique de la politique du travail, deux moments centraux de la généralisation croissante des relations de travail temporaire peuvent être distingués. Le cycle court de l’emploi temporaire rend difficile l’établissement de relations sociales entre les salariés. Dans ce contexte, l’effort émotionnel nécessaire pour s’investir personnellement dans des relations de connaissance semble souvent inutile, voire pénible. D’autre part, les travailleurs temporaires sont généralement moins intégrés dans les processus de représentation des intérêts de l’entreprise. Cela s’explique principalement par les multiples restrictions du droit de vote dans l’entreprise utilisatrice : les travailleurs temporaires n’ont pas de droit de vote passif et ne se voient accorder le droit de vote qu’après trois mois d’emploi. Dans ce contexte, l’engagement politique dans l’entreprise semble souvent peu attrayant (Brinkmann et Nachtwey, 2017). Cependant, la présence de travailleurs temporaires peut également avoir un effet disciplinaire sur les salariés réguliers. En incarnant la précarité de l’emploi, les droits salariaux et de codétermination réduits, ainsi que le caractère temporaire de l’emploi, ils rappellent souvent aux salariés réguliers leurs propres craintes de relégation. Outre la réduction des coûts salariaux et des charges liées à la politique de l’emploi, le recours stratégique au travail temporaire vise également à limiter le pouvoir démocratisant de la sphère publique de la politique du travail dans l’entreprise.
Au sein des organisations représentant les intérêts des salariés, la marchandisation du travail sous forme de dérégulation des relations de travail et de restructuration néolibérale de l’État providence a donné lieu à diverses initiatives depuis le début du millénaire. Les manifestations du lundi contre les coupes sociales ainsi que la création de l’Alternative électorale pour la justice sociale et sa fusion avec le Parti socialiste démocratique pour former le Parti de gauche peuvent être interprétées comme des réactions immédiates visant à influencer la sphère publique de la politique du travail. Un effet des opinions publiques en matière de politique du travail dans la transformation structurelle de l’emploi rémunéré a pu être observé tout récemment dans le conflit sur la rémunération des professions « essentielles » pendant la crise du coronavirus. En effet, le travail dans le secteur des soins et de la logistique était d’une part très important pendant la pandémie, mais d’autre part mal rémunéré et précaire en termes de protection de la santé, ce qui a poussé de nombreuses personnes à se rendre à leur fenêtre à 21 heures pour applaudir. Dans la sociologie politique des relations industrielles, de telles initiatives soulèvent la question, jusqu’ici insuffisamment étudiée, de savoir dans quelle mesure les phénomènes discursifs de ce type se traduisent dans la dynamique et les résultats de la détermination des salaires.
6. Conclusion et perspectives
Notre discussion théorique, le modèle de la sphère publique de la politique du travail et les vignettes illustratives montrent clairement qu’il est intéressant et important d’examiner la politique du travail et la politique de classe à travers le prisme de la théorie de la sphère publique. Un tel programme de recherche, qui s’appuie sur la théorie sociologique critique de la sphère publique, nous permet de comprendre les moments importants de la contestation politique du travail et de la mobilisation des classes tout en réfléchissant aux conditions de ces processus. L’interaction entre les conditions sociales d’une transformation structurelle générale (numérisation, mondialisation et marchandisation, tant du travail que de la sphère publique) et les conditions concrètes de l’organisation de l’expérience à différents niveaux, telles que la disposition des moyens de communication pertinents et le cadre respectif d’une économie politique des médias, est ici centrale.
Les publics du travail peuvent être à la fois émancipateurs et affirmatifs. Cela dépend spécifiquement de la dynamique entre les publics existants et les contre-publics, de leur contenu et de leur forme (plus ou moins démocratique). Il est certain que l’émancipation réside dans une décommodification durable du travail. Dans ce contexte, il est crucial – dans des conditions mondialisées et numérisées où les structures sont de plus en plus interdépendantes, qui soumettent le travail et sont donc une préoccupation pour les travailleurs – que ne se développent pas uniquement des « îlots » de décommodification au niveau des entreprises, des secteurs ou des États-nations, qui ne sont possibles que parce que les coûts de la marchandisation sont externalisés vers d’autres entreprises, d’autres secteurs industriels et d’autres territoires mondiaux (cf. fondamentalement sur le problème Lessenich 2016).
Outre une concrétisation (empirique) indispensable des transformations structurelles brièvement décrites dans toutes leurs dimensions et à tous les niveaux, ainsi que de leurs interactions en particulier, nous souhaitons mentionner rétrospectivement trois problématiques théoriques centrales qui découlent de nos réflexions :
• Comme base théorique sociale d’une théorie critique de la sphère publique (de la politique du travail), la séparation stricte entre travail et interaction nous semble être un obstacle, comme cela est apparu clairement. Mais quelle est l’alternative ? Un concept intégratif des forces productives humaines de communication et de travail semble également plus prometteur comme fondement d’une théorie critique de la sphère publique. Le concept d’activité, jusqu’à présent négligé en sociologie, suivant les approches culturelles et historiques en psychologie de Vygotsky, Leontyev et Galperin, pourrait ouvrir des perspectives à cet égard (cf. Sevignani, 2018 ; Sevignani 2024).
• L’inclusion et l’intégration d’un concept (plutôt actionnel) de la sphère publique, tel qu’on le trouve dans le pragmatisme (voir Dewey, 1927), est un desideratum important dans ce contexte.
• Pour le domaine de l’État, domaine dominé par la raison instrumentale plutôt que communicative, Habermas, à la suite de Bernhard Peters, a entrepris une « traduction sociologique » (Habermas, 1996 : 315) de sa théorie de la sphère publique au moyen d’un « modèle de sas » complexe dans lequel des publics périphériques assiègent les différents organes de l’État. Nancy Fraser, qui s’intéresse également aux institutions politiques, défend de manière plus radicale la démocratie et l’existence de publics forts et hybrides dotés de pouvoirs exécutifs. Cette traduction n’existe pas pour le domaine du travail ou le pouvoir économique des « gouvernements privés » (Anderson), et la question se pose de savoir à quoi pourrait ressembler exactement le tissu institutionnel d’une sphère publique démocratique en matière de politique du travail.
Nous avons l’intention de traduire ces considérations et d’autres encore en recherches empiriques au cours des prochaines années. Nous suggérons qu’une perspective sur la construction sociale de la sphère publique politico-sociale dans la transformation structurelle de la mondialisation, de la marchandisation et de la numérisation puisse être étudiée d’abord de manière isolée et spécifique à chaque secteur, afin d’intégrer les résultats de la recherche dans le tableau plus large du modèle à plusieurs niveaux décrit ci-dessus, à moyen terme.
References
Notes
- 1Georg-August-Universität Göttingen, Göttingen, Allemagne
- 2Universität Bremen, Brême, Allemagne
- 3Friedrich-Schiller-Universitat Jena, Iéna, Allemagne