développer le Nord

Un plan Nord, parce qu’il faut exploiter ce qui peut l’être; parce qu’il faut être partie prenante de cette « ruée vers l’Arctique » qui consiste à accélérer la fonte des glaces pour profiter de nouvelles routes commerciales; parce que c’est encore ce qu’on sait faire de mieux, au Québec et au Canada : extraire les ressources brutes du sol et des forêts pour les exporter vers les métropoles de ce monde.

En quoi un tel « Plan Nord » contribuera-t-il au plan de sauvetage de la planète qu’il faut mettre en branle au plus tôt ? À moins que ce plan ne fasse plutôt partie du saccage, de cette culture de l’extraction, de la prédation sans scrupule ni vision (idiote, myope, sacrilège, déraisonnable, aveugle, narcissique) des ressources limitées d’une fragile planète vivante ?

Le plan de développement arctique devrait être articulé à un plan de développement et de préservation du Pacifique, et puis de l’Atlantique… Des développements qui devront se faire au delà des territoires nationaux. Pour gérer ces réserves qui feront l’avenir de l’humanité… actuellement soumises à un régime de pratiques hors-la-loi.

Un Plan nord pour refaire ici ce que la Eldorado Gold fait en Grèce ?

On se préoccupe plutôt de « libéraliser les échanges » en négociant différents pactes : avec l’Europe, avec les pays du Pacifique, en garantissant non seulement la circulation des marchandises et l’accès aux marchés mais surtout la circulation des capitaux qui seront assurés de ne pas voir les gouvernements leur mettre des bâtons dans les roues. Pfft la protection de l’environnement ! Adieu vision d’avenir, développement durable. Sauf pour en faire une marque de commerce, un autre badge de certification « garanti vert » par un autre panel à ruban bleu.

Libérer le capital, c’est reconnaître, participer à la nouvelle Banque asiatique d’investissement en infrastructures, c’est mobiliser l’épargne collective, les fonds de pension en lieu et place des emprunts (et décisions) de l’État, c’est – comme vient de le faire le gouvernement conservateur Britannique – donner à chaque cotisant de 55 ans accès à ses épargnes de retraite pour les investir comme bon lui semble… Le citoyen, devenu consommateur (Citizens as consumers, W. Streeck)  atteint le statut d’investisseur. Comme si la liberté et l’insécurité des petits ne se transformait pas toujours en occasions d’affaire pour les plus riches. Avec en prime l’incorporation plus grande encore de la culture de la liberté individuelle d’entreprendre, de choisir.

Quel est le plan Sud de ce gouvernement ? Quel est le Plan tout court ? À part l’atteinte de l’équilibre budgétaire… le paiement des dettes… et la réduction des taxes et impôts. Beau projet de société, que s’empressent d’acheter tous ceux qu’on a convaincu, par des décennies de gavage idéologique, de l’inéluctabilité de cette tendance, qui affirme l’incompétence des pouvoirs publics et la gabegie du pouvoir politique comme des évidences incontestables. Mieux vaut le chaos capitaliste que le dirigisme de l’État. Comme Streeck, encore, disait dans son article de juin dernier « How Will Capitalism End ? »

Disorganized capitalism is disorganizing not only itself but its opposition as well, depriving it of the capacity either to defeat capitalism or to rescue it. [citation d’Eurozine]

« La désorganisation capitaliste désorganise aussi son opposition et l’empêche tant de vaincre que de sauver le capitalisme. » Peut-être l’alternative n’est-elle pas de sauver ou de vaincre le capitalisme mais bien de changer, transformer l’actuel ordre des choses.

plus d’État et non moins

Communagir tenait sa troisième assemblée annuelle hier. Quatrième si on inclut l’assemblée de fondation. Après une présentation illustrée et dynamique des enjeux confrontés et projets réalisés et en cours (60 mandats, 4 chantiers), une discussion fut animée autour de l’incontournable question des mesures d’austérité imposées à plusieurs des réseaux d’acteurs locaux et régionaux qui ont été depuis le début les partenaires et porteurs de l’action collective au coeur de la mission de Communagir.

Geneviève Giasson, coordonatrice, fit un portrait de la situation appuyé sur les discussions de l’équipe. Au nom d’une prétendue urgence de revenir à l’équilibre budgétaire on assiste à un démantèlement de structures de concertation régionales où les acteurs avaient appris, au cours des années, à se reconnaitre et se faire confiance. Les rapports de pouvoir sont défaits. La cohésion des régions est remise en question par l’éclatement de 19 régions en une centaine de MRC, accentuant les inégalités. Tous les réseaux d’acteurs ont mal : les CRÉ, les CLD, les municipalités, le monde de l’éducation, celui de la santé… Il faudra du temps pour reconstruire la confiance, soigner les blessures et pallier aux amputations.

Les incertitudes risquent de conduire les acteurs au replis, et rendre les collaborations plus difficiles. L’accès à l’information se refermant sur un plus petit nombre d’élus et de préfets, il sera plus difficile de mobiliser largement partenaires et réseaux.

Trois membres du conseil d’administration avaient à lancer la discussion en donnant leur lecture (en trois minutes !) de la situation : Dominique Morin, coordonateur de l’OEDC mais aussi élu dans la petite municipalité de Wotton et c’est à ce titre qu’il intervenait; Jude Brousseau, conseiller en développement social et régional de la Côte-Nord et engagé dans le Réseau québécois du développement social (RQDS) et le soussigné, à titre d’observateur de longue date des pratiques de développement collectif.

Alors que Dominique soulignait les difficultés qu’auront dorénavant les petites municipalités à regarder au-delà des besoins immédiats et les pertes d’expertise (mise à pied) que signifieront les coupures drastiques de budget (50% dans le cas des CLD), Jude nous parlait de la sixième édition de l’Escale, rencontre régionale des acteurs de la Côte-Nord, qui vient de se tenir. Tout en soulignant le risque réel que représente les transformations actuelles pour la vitalité des territoires il était confiant en la capacité des acteurs réunis de s’adapter à la situation. S’adapter ou résister, c’était l’alternative proposée en titre du panel… Une formulation qui fut changée, suite au débat, en « S’adapter pour résister ».

Je souhaitais pour ma part souligner que derrière la lutte exacerbée et frénétique au déficit se profile une position idéologique visant à réduire le rôle et le poids de l’État (voir Éric Pineault, Bienvenue en Austérie). Mais qui dit moins d’État dit plus de place laissée aux décisions individuelles, aux mécanismes du marché. C’est pourtant ce même marché qui nous a conduit au bord du précipice environnemental. Ce n’est pas de moins d’État que nous avons besoin, mais bien de plus d’État. Pour établir enfin des règles viables de gestion de nos ressources, des ressources communes à l’humanité (air, eau, halieutiques) qui sont actuellement soumises à la voracité aveugle du marché : on rase le fond des mers comme on coupait à blanc les forêts.

Non seulement aurons nous besoin de plus d’État mais d’un État qui soit capable de mobiliser largement dans l’action, qui puisse agir de concert avec les autres acteurs de la société : les changements qu’il nous faudra engager pour assurer la transformation rapide et radicale de nos modes de transport, de logement (densité urbaine), de consommation et de production – si nous voulons laisser autre chose que des cendres à nos petits enfants.

Les CRÉ et les CLD n’ont pas créé les régions et les concertations d’acteurs locaux. Ce sont plutôt les dynamiques de concertation qui ont montré leur efficacité et ont amené les gouvernements à les soutenir. Qu’un gouvernement décide de jeter ces outils dans un grand bivouac allumé au nom d’un retour accéléré à l’équilibre budgétaire, il ne fait que montrer son aveuglement idéologique et son manque de vision. Les régions devront reprendre et réaffirmer leur autonomie, leurs valeurs et atouts. Avec ses petits moyens, Communagir continuera d’accompagner les efforts des collectivités régionales.

Le pays peut-il se construire sans ses régions ? Quel genre de gouvernance ce gouvernement provincial est-il à construire, avec des centralisations à tout crin ? Je crains seulement que le fameux équilibre budgétaire atteint à marche forcée en début de mandat de ce gouvernement libéral-conservateur de serve qu’à dégager une marge de manoeuvre budgétaire utilisée de manière électoraliste… comme le gouvernement Harper l’a si bien fait au fédéral.

Veuillez noter que je parle ici, comme toujours, en mon nom personnel.

densité, vous dites ?

Combien de personnes Mahattan peut-elle contenir ? C’est le titre d’un article du New-York Times, dont je tire cet extrait.

Ed Glaeser, a Harvard economist, inevitably comes up in conversations about how cities should grow. In his recent book, “Triumph of the City,” he makes an argument — which many consider persuasive — that dense places are uniformly better and more interesting than emptier ones, and that they should be allowed to develop unfettered, even if it means building towers where brownstones once stood.

Je me demande jusqu’à quel point on est prêt à remplacer les demeures « nobles » (brownstones)par des ensembles de tours et d’espaces publics à haute densité. Saviez vous qu’on pourrait faire entrer Paris sur l’île de Montréal ?

La superficie de Paris-intra-muros

En ramenant à la même échèle les deux cartes on peut en effet faire entrer le Paris intra-muros (2,2 millions de personnes) plusieurs fois sur l’île de Montréal.

C’est dire la densité de la population à Paris.

C’est dire qu’on pourrait encore faire un bout de chemin à Montréal.

paiement direct et désinstitutionnalisation

La tendance à la « personnalisation » des services, en Grande-Bretagne, prend, entre autre, la forme du paiement direct, c’est à dire de la liberté donnée à la personne aidée de choisir son fournisseur de services, ou même le type de service qu’elle souhaite avoir. Il semble que la politique, au delà du buzzword de la personnalisation, ne soit pas près d’être implantée largement : peu de personnes y ayant droit y ont eu recours, particulièremenet chez les aînés et les personnes avec problèmes de santé mentale. Voir cet article du Guardian, par un des auteurs de la recherche Direct Payments Survey: A national survey of direct payments policy and practice.

Le même auteur, Martin Knapp, publiait en collaboration une comparaison européenne des coûts et résultats des politiques de désinstitutionnalisation (Deinstitutionalisation and Community Living: Outcomes and costs – a report of a European Study). Résumé en français (pdf, 19 pages) et rapport complet (anglais, 140 pages).

développement local, adaptation des services

Quelques autres documents britanniques trouvés dans ma quête autour du thème de l’empowerment et de la cohésion sociale. Des communautés en santé, fortes et prospères, un document de 24 pages (en anglais) faisant le lien entre des politiques visant la personnalisation des services et celle visant le « développement de places » (place-shapingpdf 44 pages), mettant en valeur les complémentarités possibles (à quelles conditions) entre des approches qui pourraient à première vue être conflictuelles (accessibilité à tous et adaptation personnalisée aux besoins de chacun).

Cette personnalisation des services sociaux, semble s’appuyer sur l’orientation Our health, our care, our say, mettant l’accent sur l’accessibilité locale, l’adaptation des services, la participation. Mais aussi, sans doute, quelque chose que nous prenons pour acquis ici au Québec, l’articulation étroite des services de santé et sociaux. Une orientation ayant donné lieu récemment (décembre 2007) à une déclaration commune (concordat) des directions de la santé et des services sociaux ainsi que des instances locales de gouvernement britanniques Putting People First (pdf, 8 pages). Ce qui a donné lieu à une Circulaire des autorités locales (LAC) sur la transformation des services sociaux vers une plus grande personnalisation des services sociaux aux adultes, et même à un « toolkit » sur la dite personnalisation, ce dernier élément faisant partie d’un site consacré au réseautage et au soutien à la transformation des services sociaux et de santé (le Care Services Improvement Partnership – CSIP Networks).

Un autre document récent (2008) publié par Involve, rend compte d’une étude sur les liens entre la participation et la cohésion sociale (Everybody Needs Good Neighbours, pdf 96 pages). Une première partie est consacrée aux manières et raisons concrètes de promouvoir la cohésion sociale par la participation alors que la seconde partie pose un cadre de références plus théorique en la matière.

communautés en contrôle : du vrai pouvoir pour le vrai monde

Une série de documents britanniques tout juste publiés, en juillet, mettent de l’avant un certain transfert de pouvoir vers les communautés locales de même que la transformation de certaines pratiques démocratiques afin de favoriser la participation active des citoyens à différentes fonctions. Le rapport complet : Communities in control: real people, real power (pdf 157 pages); le rapport sommaire (16 pages reprenant les 60 recommandations); l’annexe des Evidence, 90 pages; et d’autres documents plus techniques mesurant les impacts (et coûts) (156 pages) des propositions et les impacts en termes d’équité (42 pages).

Communities in control: real people, real power was launched on 9 July 2008. This White Paper is about passing power to communities and giving real control and influence to more people.

Our key themes are power, influence and control: who has power, on whose behalf is it exercised, how is it held to account, and how can it be diffused throughout the communities we live in. It is about democracy, and how democratic practices and ideals can be applied to our complex, modern society. [extrait du site officiel]

J’y reviendrai certainement… peut-être même avec une traduction maison des principales recommandations…

le défi du développement communautaire de qualité

Au moment où des équipes d’organisation communautaire de CSSS sont à reformuler leurs orientations, dans le cadre des (relativement) nouveaux CSSS, la lecture de ce rapport The Community Development Challenge (PDF 60 pages) peut en intéresser plusieurs. Le contexte en Grande-Bretagne est certes différent, mais les questions relatives à la pratique professionnelle du Community Development, de même que les défis auxquels elle est confrontée en terme de reconnaissance, indicateurs de réussite, valeurs, formation… sont drôlement semblables à ceux qui se posent ici.

Malgré la barrière de la langue, cette lecture vaut l’effort. Un document réalisé sous la coordination de la Community Development Foundation, avec la collaboration du Community Development Exchange (une communauté de praticiens du DC) et de la Federation for Community Development Learning, grâce à un financement du Department for Communities and Local Governement.