Gilles en vrac… depuis 2002

Erreur d’appréciation ou prémonition ?

Je recopie ici les deux billets retirés de la section « blogue », parce qu’il y a quelque vérité dans ces lignes, mais aussi des imprécisions qui m’ont conduit à imaginer le pire… Pourquoi donc aurais-je pu imaginer que quelque part quelqu’un ait voulu amalgamer les données et faire disparaître les différences, les « poches de pauvreté »…  Je crois avoir un peu dramatisé les choses. Mais je garde quand même ces billets, comme un rappel, pour moi, quand j’aurai envie d’un autre « coup de gueule »… mais aussi pour ceux qui seraient tentés par des raccourcis : 12 CSSS, c’est tellement plus simple…

statistiques par CLSC ou CSSS ?

Version du billet du 16 janvier – Il semble que le module de gestion des statistiques d’intervention des intervenants des CSSS de Montréal ne contiendra plus d’indication du CLSC où l’intervention a été réalisée. Ce n’est plus une information qui sera centralisée à l’Agence.

Pourtant les CSSS ont une « responsabilité populationnelle » et les statistiques d’intervention sont encore un indicateur de l’état de santé (en plus d’être le reflet d’une pénétration de l’action des programmes du CSSS) que les sondages et enquêtes ne reflètent que de loin et indirectement…

De plus, les partenaires des CSSS sont encore organisés au niveau des quartiers : les tables de quartiers, les tables de concertation d’organismes familiaux, et celles des partenaires de Québec en forme… ces territoires qui servent encore de base de référence, faut-il le rappeler, ne sont pas des créations du réseau de la santé qu’on pourrait tout à coup remplacer par une nouvelle structure : ce sont des entités géographiques, historiques et sociologiques qui ont défini les CLSC plutôt que l’inverse !

Ces quartiers ont des particularités linguistiques, socioéconomiques, culturelles, architecturales qui portent la trace d’une longue évolution, parfois plus que centenaire. Des particularités qui se reflètent dans les modalités d’organisation sociale, les structures de vie collective avec lesquelles l’intervention des CSSS doit composer.

Évidemment, la création des CSSS, il y a un peu plus de 5 ans, a changé des choses, notamment en regroupant les CLSC, qui étaient au nombre de 29 pour créer les 12 CSSS de Montréal. Et quelqu’un, quelque part, a décidé que maintenant, puisque la base du réseau, l’instance locale est le CSSS, il suffirait dorénavant de produire régionalement des statistiques sur cette base. Mais une telle manière de faire masquerait, sous des moyennes artificielles, les différences importantes qui existent entre les quartiers. Il suffit pour s’en convaincre de comparer – pendant qu’il est encore temps – la variance de certains types d’intervention. Par exemple, la durée moyenne d’intervention au programme de services à domicile : la variance passe de 1,6 à 16 quand on passe des CSSS aux CLSC. C’est dire que les CSSS sont passablement égaux mais que cette égalité de surface cache de grands écarts entre les CLSC. Comment comprendre les sources et composantes de ces écarts sans les comparer à l’échèle régionale ?

Certains pourraient penser que ces différences entre CLSC, justement, ne concernent que la gestion interne des CSSS. Rien n’est moins sûr ! Car les caractéristiques sociales des populations influencent les comportements de consommation de services, et s’il y a des différences importantes dans l’utilisation des services que fait la population d’un quartier pauvre par rapport à d’autres quartier mieux nantis, pourquoi masquer ces différences ? Et d’ailleurs, a-t-on vraiment compris ces différences ?

Cette information doit rester publique. Que les CSSS décident de réorganiser leurs services sur des bases différentes, cela ne devrait pas faire disparaitre la responsabilité qu’ils ont vis-à-vis des populations qui, elles, sont organisées – quand on parle de services aux aînés, aux familles, aux enfants – sur la base de quartiers. Que l’on n’appelle plus cela « CLSC » mais bien quartiers… peu importe. L’important est de continuer à donner aux partenaires locaux (et aux équipes locales des CSSS, qui sont encore majoritairement organisées pour la livraison de services de proximité suivant les anciens territoires de CLSC) une information qui puisse les aider à mieux comprendre les besoins de la population locale.

En fait, idéalement, il faudrait que les données soient produites au niveau des voisinages – cette entité géographique plus petite que les CLSC qui a été développée suite à l’étude des caractéristiques des quartiers par la Santé publique de Montréal, avec l’aide des intervenants des quartiers. Tout en s’assurant de préserver la confidentialité des usagers, une telle approche permettrait aux équipes de services et partenaires de mieux planifier leur offre de services.

Ce n’est pas moins d’information, ni d’une information plus grossière et amalgamée dont nous avons besoin, mais d’informations plus subtiles, plus complexes, qui reflètent plus fidèlement les différences des territoires et des communautés locales. Il est toujours possible de faire des moyennes par CSSS, après coup.

Et puis, pourquoi ce serait, par exemple, aux seuls quartiers Rosemont et Mercier-Ouest de soutenir les inégalités sociales et économiques qui pèsent sur un quartier comme Hochelaga-Maisonneuve ? Ces inégalités sont le résultat de processus qui dépassent largement les frontières d’un CSSS. Elles doivent continuer d’être visibles pour que des solutions à la mesure des problèmes soient élaborées à l’échèle régionale et nationale.

CSSS et quartiers – suite

Billet du 17 janvier – Les CLSC n’ont pas créé les quartiers de Montréal ce sont plutôt les quartiers qui ont défini, façonné les CLSC. Dans le cas des territoires plus jeunes ou encore qui étaient victimes des aléas du développement urbain (enclaves, divisions nouvelles créées par une autoroute…) et qui présentaient de ce fait des délimitations moins claires et une identité encore peu définie, le rôle des CLSC a sans doute été plus important… au départ.

Depuis près de 40 ans, et bientôt 30 pour les CLSC de la dernière vague, ces petites institutions locales ont été définies par la culture, les problèmes, les enjeux et les espoirs, les victoires et les défaites des quartiers qu’ils servaient.

Les programmes tels SIPPE, EMES, les interventions pour prévenir l’obésité, le décrochage scolaire, ou encore le suivi des maladies chroniques afin d’éviter des recours couteux et inefficaces aux urgences… Ces interventions exigent un maximum de connaissance du milieu, de la culture, des réseaux, de manière à développer et maintenir des relations de confiance avec les clientèles et partenaires.

Beaucoup des programmes développés aujourd’hui par le Ministère, parfois en collaboration avec des fondations (sur l’obésité, ou l’intervention auprès des jeunes familles, par exemple) se fondent sur un partenariat qui se tisse au niveau des quartiers, ces entités historiques définies non seulement par la géographie mais aussi par un tissu d’organisations sociales et communautaires dont on ne peut changer par décret les délimitations et modes de fonctionnement.

Pour ces raisons l’action des équipes et programmes offrant des services de proximité continuera encore longtemps d’être basée à l’échèle des quartiers afin de maintenir cette collaboration étroite sans laquelle les services peuvent difficilement s’inscrire en renforcement des réseaux primaires et secondaires déjà à l’œuvre dans les milieux de vie.

Pour ces mêmes raisons les données statistiques relatives aux interventions, à la consommation de services, qu’ils proviennent des hôpitaux, des cliniques médicales ou des CSSS, devraient continuer d’être produits (au moins) à l’échèle des quartiers afin de donner aux acteurs locaux un feed-back et une information essentielle au suivi de l’état de santé des populations.

Une information qui puisse être comparée, entre les quartiers, non pas d’un seul CSSS mais bien à l’échèle régionale car c’est à ce niveau que les quartiers interagissent et peuvent évaluer l’évolution de problématiques dépassant largement le territoire d’un CSSS : pauvreté, habitudes de vie, allaitement et santé des enfants, accès aux garderies, aménagement du territoire, transport actif…

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