de savoirs et d’actions

Réaction spontanée (et échevelée) au billet Write the Docs et réflexions sur les plateformes d’En commun? de Benjamin Allard, sur En commun.



Write the Docs : un blog de documentalistes passionnés.


le paradigme du document (extrait)

« À Projet collectif, nous défendons l’idée comme quoi il faut modifier notre rapport collectif à la production de savoirs, afin de tendre vers un nouveau paradigme où les savoirs sont ouverts par défaut. 

  • – Lorsque vous créez un nouveau document dans votre traitement de texte, vous ne vous demandez pas toujours si une partie des savoirs que vous prévoyez y consigner pourraient plutôt être créés de manière ouverte pour bénéficier à d’autres.
  • – Lorsque vous avez beaucoup d’informations ou de connaissances à consigner et à diffuser, il vous vient plus naturellement l’idée de créer un document avec une table des matières qu’une base de connaissances ouverte sur le web.
  • – Vos collègues vous regarderaient avec de grands yeux si vous leur proposiez de repenser la manière d’organiser votre production de savoirs de manière à privilégier les bases de connaissances ouvertes. »

Des bases de connaissances ouvertes, donc.

Mais vise-t-on le paradigme du document ou de la documentation, comme le suggère Benjamin Allard dans son billet Write the Docs et réflexions sur les plateformes d’En commun? Ce que j’entends dans ce passage d’un paradigme à l’autre (du document [même comme base de connaissance] à la documentation), c’est le mouvement, la participation, la transformation de la connaissance.

De là mon malaise avec la conception de la collaboration autour d’un document (avec l’importance accordée aux versions, à la propriété) comme un travail visant à créer le document parfait, le plus adéquat, le plus fidèle ou efficace… c’est peut-être souhaitable pour un guide de l’usager d’un logiciel ou un recueil de textes pour un cours au cégep…

Alors que, dans le domaine social plutôt que du codage numérique, les documents sont fluides, ils se répandent et se transforment comme des tendances, des rumeurs, formant courants et évènements !


J’ai bien aimé la page sur l’Enquête conscientisante et ses références à l’éducation populaire. Le retour à l’enquête de Marx… oui mais John Dewey aussi aurait pu être inspirant. Mais le contexte syndical…

Entre la position syndicale de négociation sur un terrain délimité par le travail produit ou l’activité rémunérée et la position du « public » (celle de Dewey) qui peut évaluer le produit, définir ses attentes, ses besoins… Et l’action militante, communautaire ou civique, souvent liée, ancrée dans un territoire, à une communauté, cette dernière action se situe à mi-chemin entre le public et le syndicat.


En tant qu’usagers individuels, nous avons peu de prise sur les processus et décisions de Projet collectif. Est-ce que les membres corporatifs ou les collectifs-communautés en ont plus ? J’en doute même si, entre professionnels engagés dans les efforts de documentation et gestion des savoirs, les échanges ne se limitent pas aux espaces En commun. Chaque équipe, responsable de la doc dans les grandes et moyennes organisations a son bagage, ses principes… mais surtout des moyens limités pour des attentes démesurées de la part de ses clients-patrons. Pourtant plusieurs équipes, projets, organisations soutiennent une approche de partage du savoir comme un commun, appartenant à la collectivité de ses utilisateurs-producteurs. Des bases de connaissances ouvertes, peut-être ?

Quelle est la fluidité du savoir que nous désirons partager ? À qui appartient-il, ce savoir ? Qui est habilité à le mettre en oeuvre, le faire servir ? Il ne faut pas se cacher la part d’intérêt qui se joue dans l’accessibilité au savoir. L’intérêt de l’expert ou du professionnel qui a fait de cette « base de connaissances » son carré de sable ! Ou celui de l’organisation qui embauche ce professionnel et incorpore son savoir dans son « branding », son essence. Ou plus simplement dans son produit.

Des connaissances inutilisées cessent vite d’être des connaissances. De là le succès des communautés de pratique. Les utilisateurs de la connaissance s’en parlent… mais ils se parlent aussi, et se connaissent, se comprennent, s’entraident. La connaissance tacite ou la part d’ombre et de silence de la connaissance.

Il y a dans l’action, dans l’engagement social ou politique, une grande part de connaissances tacites et d’intuitions, de préférences et d’attachements. Finalement assez peu de connaissances explicitées, qu’on peut accumuler dans une BdC.

Par ailleurs la multitude de points d’ancrage et de vecteurs d’orientation que constitue la société actuelle nous demande des efforts de liaison et d’interface. Nous avons cru, au départ de l’initiative En commun-Praxis, que cet espace numérique « autogéré » allait contribuer à relier, « interfacer » cette multitude. Mais j’en doute, de plus en plus. La protection du code original et de l’espace commun contre les attaques et le « scraping » des moteurs de recherche semblent plus importants que la fluidité et la circulation de l’information. Si tel n’était pas le cas on se serait préoccupé depuis longtemps de rendre les flux d’infos compatibles avec le « fedivers » ou simplement avec les agrégateurs RSS.

Pourquoi les débats entourant ces questions sont-ils fermés ? Trop compliqué ? Pas le temps de rendre explicite toutes les raisons qui nous motivent ou nous freinent… de consigner l’expertise qui nous oriente ?

Pas le temps, pas les moyens… mais en ouvrant le débat un peu plus, ne pourrait-on mobiliser non seulement sémantiquement mais financièrement différents partenaires. Combien les organisations partenaires investiront-elles au cours de la prochaine année dans leur site, leurs interfaces, leurs « app » ? Et si on y mettait des moyens ensemble pour faire avancer cette fluidité et transparence ?

Ces considérations me semblent bien petites, pour ne pas dire mesquines, devant l’ampleur et l’urgence des menaces que font peser les propriétaires de nos espaces numériques et informationnels. Nous sommes les locataires d’espaces numériques appartenant à des impérialistes qui n’ont pas l’intention de reculer ou de perdre les avantages que nous, utilisateurs de leurs produits et réseaux, leur avons laissé prendre.

Il nous faudra se concerter à plus grande échelle que le Québec pour que notre initiative ait quelque chance de réussir dans la quête d’un espace numérique démocratique indépendant des GAFAM, et du MAGA !

La capacité d’échanger et de retenir la propriété de nos productions, liens et connaissances doit se jumeler à la capacité de mémoire, de référence et de construction : on a vu nos voisins faire disparaître des pans entiers de savoirs. Le prochain dirigeant de droite au Canada ou au Québec pourrait bien effacer lui aussi les infos et connaissances qui lui déplaisent ou contredisent sa vision du monde.

Derrière l’appel à la souveraineté numérique lancé par Cédric Durand et al. (Reclaiming Digital Sovereignty voir aussi mon billet Amazon, « panier bleu » et souveraineté numérique) il y a aussi cet impératif de consigner les datas et savoirs (les « piles publiques ») à l’abris des visées impérialistes et rétrogrades. Le TIESS 2.0, qu’en pensez-vous ? Mais c’est une autre discussion que nous pourrions avoir ici… ou pas.


En terminant, j’aimerais bien discuter un texte de Durand (The Problem of Knowledge in the Anthropocene. Hayekian Environmental Delusion and the Condition of Ecological Planning. 2025). Cet autre texte de Durand (2024), Planning beyond growth: The case for economic democracy within ecological limits j’en ai même fait une traduction en français [grossière au niveau des coupures de page à cause du traitement des PDF par DeepL].


Ce billet est d’abord paru sur mon carnet Praxis : transition, organisation communautaire, développement des communautés, le 23 février 2025

transfert de connaissances

Quelle proportion des personnels du réseau de la santé prendront leur retraite au cours des prochaines cinq années ? Je ne sais trop mais dans mon petit milieu, c’est une proportion importante, très. Est-ce qu’on parle pour autant de transfert de connaissances ? Pas que je sache…

En fait, le transfert des dossiers (ce qui n’est pas la même chose que le transfert de connaissances, je sais) ne se fait le plus souvent (dans nos domaines plus « mous » de l’intervention communautaire et de promotion de la santé, d’agents de développement social…) qu’après le départ des employés à la retraite… l’embauche de remplaçants n’étant en général réalisée qu’une fois le poste libéré… avec parfois plusieurs mois de retard. J’ai la désagréable impression que ce qui importe encore plus pour les décideurs d’aujourd’hui, dans ce contexte générationnel de relève de la garde, c’est l’occasion de revoir la structure et les mandats plutôt que de s’assurer de ne pas jeter la connaissance avec le départ du retraité.

C’est comme si On voulait se libérer, enfin, de cette « boîte noire » de l’expérience accumulée sur plusieurs décennies par un professionnel, qui rend de plus en plus difficile son adaptation aux changements organisationnels… Il est en effet beaucoup plus facile de donner un nouveau mandat à un nouvel employé que de négocier l’abandon de pratiques ou de clientèles traditionnelles avec un employé qui a non seulement une longue expérience, mais aussi des engagements, formels et informels, avec tout un réseau de partenaires, clients, fournisseurs, collègues… Continuer la lecture de « transfert de connaissances »

KM VS SM

La dernière livraison (la 101e) du bulletin Gurteen Knowledge-Letter pointait vers un article argumenté et polémique qui oppose le knowledge management aux social medias en définissant la chose comme une guerre des générations : les boomers contre les générations X et Y.  C’est intéressant parce qu’une telle présentation permet de résumer des différences en les caricaturant… Je me suis demandé, en effet, si je ne suis pas « en retard d’une génération », moi qui n’ai découvert (ou accepté avec réticences de m’y inscrire) Facebook que sur le tard…

Sûr que je mets moins de temps aujourd’hui à suivre les dernières modes et développements technologiques… que je le faisais il y a 10 ans. Je n’ai pas l’intention de me convertir au Twitterisme.

Les réactions à l’article de Venkatesh Rao sont nombreuses et sérieuses… mais certaines sont plus de « ma génération » ! Comme dit Mark Gould « The difference between then and now is more a question of age than generation». Et une membre de la génération X, Mary Abraham, résume bien, ainsi, les enjeux :

The problem with this approach is that it under-rates KM and, perhaps, overestimates SM. In the conversations I’ve heard lately regarding social media, the KM folks have been working hard to find points of intersection and common interest with social media. They are treating this as an evolution rather than a revolution. Some have even gone so far as to say that social media is just the new marketing spin for KM. That assertion is likely to send Millenials running for the Maalox, but it appears that KM isn’t ready to be declared dead quite yet. Rather, it’s trying to transform itself from a purely archival discipline to a more dynamic and informal approach that puts people in direct touch with each other, without the obvious intermediation of a knowledge manager. [Above and Beyond KM]

en complément d’info : social media et capital social;

défavorisation à Montréal, île et région

Alors que je me plaignais de l’impossibilité de le faire… lundi dernier ! La mise en ligne aujourd’hui des cartes de défavorisation de Montréal par le CMIS permettent, pour la première fois à ma connaissance, de sauvegarder l’URL d’une carte particulière et ainsi de pouvoir diriger un lecteur vers une illustration précise. Ainsi ce lien pointe vers la carte du profil de la défavorisation (matérielle et sociale combinées) du CSSS Lucille-Teasdale, avec comme « zonage » les territoires de CLSC et la région de référence : Montréal.  Cet autre lien pointe vers la carte de la défavorisation matérielle de l’ensemble de la région métropolitaire (5 régions sociosanitaires) avec comme zonage, les territoires de CSSS et région de référence, le Québec.

À noter que les données illustrées par l’interface géomatique du CMIS dépassent pour la première fois les limites de l’Île de Montréal. Ainsi, en cliquant sur l’un ou l’autre des territoires de CSSS, sur la dernière carte citée, vous ferez apparaître une fenêtre comprenant l’ensemble des aires de diffusion de ce territoire avec les valeurs attribuées pour le variable concerné, dans ce cas-ci la défavorisation matérielle. Ce tableau d’information peut être exporté vers un document Excel pour traitements ultérieurs.

Les données à la base de ces cartes de la défavorisation sont encore celles de 2001, mais dans 2 semaines les dernières données 2006 par aires de diffusion du recensement (nécessaires à la composition des indices de défavorisation *) seront disponibles pour une mise à jour de ces cartes. Combien de temps cette mise à jour prendra-t-elle ??

* Voir document pdf de Robert Pampalon, 2001.

Voir aussi les documents PDF qui présentent dans une série de documents de la Direction de la santé publique de Montréal un Regard sur la défavorisation à Montréal. Ici le document (pdf, 12 pages) sur le territoire de Lucille-Teasdale. Là le document (pdf, 27 pages) sur Montréal. De beaux documents, très bien faits… mais peut-être un peu complexe. Non ? Tout dépend de l’utilisation que nous ferons de ces nouvelles manières d’illustrer les rapports entre région-CSSS-localités-voisinages…

liens directs vers cartes et graphes

Actuellement, sur le site du CMIS, il est impossible de « pointer vers une carte » sans sauver cette dernière en PDF. Le, par ailleurs très intéressant, logiciel GéoClip qui permet de produire facilement des cartes à partir des données du recensement ou d’autres sources, ne permet pas d’identifier une carte particulière sous forme d’URL. Si on pouvait, à défaut, déposer les cartes générées sur le site du CMIS et obtenir simplement l’URL de ce fichier, il serait possible de distribuer, diffuser l’information disponible de manière plus flexible et fine.

Pourquoi serais-ce plus utile ainsi ? Pour faciliter le commentaire, la discussion entourant les produits du CMIS.

L’idéal serait que le CMIS serve une version ArcGIS de ses données avec ArcGIS Server… fonctionnant avec les logiciels tels ArcInfo, ArcView, ArcReader… Remplacer MapInfo ? À quel coût ? Au moment du renouvellement de la license, il faudrait évaluer l’intérêt de la chose, en regard des possibilités de prise en main collective qui réduirait les coûts de formation et de licenses d’utilisation, tout en accroissant notablement (c’est pas difficile!) la capacité d’analyse et d’utilisation des données fournies. À moins qu’une solution française à partir de GéoClip existe ? L’avantage de ArcInfo c’est qu’il est déjà largement utilisé dans les réseaux de santé canadiens (et américains) et qu’on aura davantage d’occasions de travailler, comparer et échanger des données géomatiques sociosanitaires avec eux qu’avec les cousins d’outre-mer. Non ?

accès intégral

Les Presses scientifiques du CNRC donnent maintenant accès à certaines revues en texte intégral HTML. Le texte intégral HTML ajoute nombre de caractéristiques et de fonctions aux revues électroniques, y compris des capacités de recherche accrues et des liens bibliographiques externes vers le site Web des éditeurs. [CNRC]

Pour ceux qui sont friands de nouvelles et d’articles scientifiques…

Incidemment, la revue Physiologie appliquée, nutrition et métabolisme à laquelle je faisais référence dans un billet précédent a mis en ligne la version française de ce numéro (Favoriser les lignes directrices et la mesure de l’activité physique au Canada) publié conjointement avec l’Association canadienne de santé publique. C’était déjà assez compliqué… au moins, en français, ça donne une petite chance au coureur !

Correction (2008.05.12): ce n’est pas l’accès intégral aux articles que le message auquel je me suis fié annonçait mais l’accès intégral en HTML pour les abonnés (et moteurs de recherche) à ces revues. Certains articles, et un numéro complet (celui réalisé en collaboration avec l’Association de santé publique du Canada) qui sont disponibles gratuitement. Cetains numéros sont totalement inacessibles. Il semble que ce soit le choix des auteurs de publier en accès-libre leur articles. Une icône identifie les dits articles. Je n’ai vérifié que pour la revue Physiologie… mais la politique doit être la même pour toutes les revues du CNRC.

la conscience illustrée

lien vers Le cerveau à tous ses niveauxL’excellent site Le cerveau à tous ses niveaux vient de mettre en ligne son douzième panneau, l’émergence de la conscience. Après l’examen de dimensions telle l’évolution, le sommeil et les rêves, les mouvements du corps, la mémoire, la douleur, les émotions… il restait encore la conscience, la perception de soi, à présenter.

Et Bruno Dubuc, responsable de ce site à la fois dynamique, pédagogique, scientifique et ludique, relève le défi d’aborder un sujet très complexe de manière simple parce que graduée : structuré en trois niveaux de difficulté pour chacun des 5 niveaux d’organisation (moléculaire, cellulaire, cérébral, psychologique et social) comme il l’a fait pour les 11 autres panneaux, ce dernier élément de cette présentation magistrale semble à la hauteur de nos attentes…

Bravo et merci Bruno !

recherche, santé et inégalités

couverture-revue.jpgUne revue publiée par le CREMIS, intitulée… Revue du CREMIS.

Centre de recherche de Montréal sur les inégalités sociales et les discriminations.

Un article intéressant sur le rôle que doivent jouer les médecins dans l’accès à l’aide sociale…

J’ai confondu, dans un premier temps, ce centre avec l’Observatoire montréalais des inégalités sociales et de la santé. Ce dernier étant une création de la Direction de la santé publique de Montréal, alors que le premier sert de véhicule aux activités de recherche du CSSS Jeanne-Mance. Mais après vérification, le site de l’OMISS semble avoir été délaissé : la page des « nouveautés » date de 2005 !! Mais je crois que les efforts de l’OMISS se sont déplacés vers le Centre Léa-Roback Centre de recherche sur les inégalités sociales de santé de Montréal.

Dans le même ordre d’idées… il y a aussi la CACIS, Chaire Approches communautaires et inégalités de santé.

De quoi y perdre son latin ? Si on faisait un petit tour dans l’univers de la recherche médicale… c’est probablement plus que son latin qu’on y perdrait !