des résidences et non des prisons

La préférence de Harper pour la construction de prisons n’est-elle pas due, en partie, à la division des compétences fédérales-provinciales ? Dans le contexte du renouvellement de l’accord fédéral-provincial sur la santé, venant à échéance en 2014, ne devrait-on pas mettre l’accent sur ces services aux aînés qui ont des besoins de longue durée, besoins qui ne sont pas d’ordre chirurgical, ni même médical. Même si cela implique de revoir cette sacro-sainte division des champs de compétence.

Et notre majoritaire de premier ministre qui se donne des airs de leader international, aux côtés des conservateurs britanniques, pour prêcher l’austérité  comme solution à la crise actuelle, alors que les analystes craignent le retour de la récession (« Governments shouldn’t be aggressively cutting spending when the economy is gasping for air, » disais M. Porter, deputy chief economist de la Banque de Montréal. « That’s certainly the wrong prescription »). Presque tous les analystes. Certains tiennent des discours tout à fait moralistes (We took the gain, now we must take the pain), enjoignant leurs lecteurs à accepter la douleur d’une nécessaire diète pour se libérer d’une obésité induite par des années de consommation « au dessus de nos moyens ».

optimiste ou pessimiste ?

Ridley (The Rational Optimist) mène sa bataille contre les pessimistes, avec raison dans la mesure où toutes les prédictions de fin du monde se sont avérées fausses, mais il a tendance à oublier à quel point les histoires de peur ont pu amener, accélérer les changements nécessaires : la peur et le catastrophisme sont peut-être nécessaires pour faire bouger les « masses » ou les systèmes politiques démocratiques ?

Je n’ai pas aimé ses pointes régulières contre les « gouvernements bureaucratiques », qui font trop échos aux diatribes antigouvernementales républicaines américaines… même s’il s’est timidement racheté à la fin, convenant que les gouvernements font aussi de bonnes choses !

J’ai par ailleurs apprécié non seulement le coup d’oeil sur l’évolution millénaire de l’échange comme moteur du développement… mais aussi son point de vue sur la nécessaire poursuite du développement – à l’encontre des prophètes du minimalisme et de la croissance négative. Sa critique des « solutions écologiques », genre faire du fuel avec le maïs ou le sucre, avec les effets sur les prix de la nourriture et en terme de terres affermées, je l’ai trouvée rafraichissante. L’utilisation de l’énergie fossile restera encore la solution la plus économique et écologiquement et socialement responsable pour beaucoup de sociétés en développement.

Powering the world with such renewables [parcs éoliens, bio-fuels…] now is the surest way to spoil the environment. (Of course, coal mining and oil drilling can and do spoil the environment, too, but compared with most renewables their footprints are surprisingly small for the energy they yield.) [tiré de The Rational Optimist, page 343]

L’énergie nucléaire de nouvelle génération, une taxe sur le carbone (qui saurait éviter d’enrichir les spéculateurs, la corruption et le soutien des fausses solutions – biofuels – ce qui est en soi un défi), réduction des subventions au secteur de l’agriculture en Europe et Amérique du Nord, création de zones de libre échange et consolidation des droits informels (non documentés) de propriété actuellement poussés vers les franges illicites ou illégales en Afrique… Quelques-unes des pistes de solution envisagées par Ridley pour soutenir sa vision optimiste de l’avenir. Son crédo final ? Libérer (ou préserver des contraintes) les échanges et l’innovation et l’humanité trouvera des solutions à ses problèmes.

Je qualifierais sa position d’optimisme économique politiquement naïf. Il est relativement facile de dire que les États doivent cesser de subventionner l’agriculture. Mais pourquoi cela se fait-il encore ? Parce que les structures politiques des États du nord sont encore basées sur des territoires où les populations agricoles, même en petits nombres, ont un pouvoir disproportionné. Parce que les structures politiques sont encore marquées par les structures claniques ou corporatives… alors il ne suffit pas d’identifier les solutions rationnelles mais bien de les négocier, de les concrétiser à partir des matériaux disponibles, qui ne sont pas des métaux malléables à souhait mais plutôt des tissus sociaux formés par l’histoire, porteurs de sentiments et ressentiments. Matériaux foncièrement irrationnels, même s’ils sont la source de seules décisions rationnelles possibles.

Incidemment, le blogueur JF Lisée poursuit sa publications d’extraits ( premier, deuxième, troisième, quatrième) de son bouquin « Imaginer l’après-crise ». De nombreuses pistes de solutions politiques sont suggérées, allant de changements à la fiscalité internationale (disparition des paradis fiscaux, imposition du prix écologique…) à de nouvelles règles de responsabilisation des corporations. Mais pourquoi de telles bonnes idées ne sont-elles pas sur le programme de tous les partis politiques de la planète ? Parce que les partis politiques nationaux (ou provinciaux) gèrent la passivité ou l’inconscience des populations beaucoup plus qu’ils ne mobilisent l’action ou la conscience de leurs commettants. Parce que les « populations » sont composées d’hommes et de femmes aux horizons plutôt restreints : trouver un emploi, prendre sa retraite, payer sa maison ou encore l’éducation de ses enfants… quand ce n’est pas la prochaine épicerie.

Autre lecture : Cinq clés pour une gestion européenne de la crise (Le Monde).

raison, biais de confirmation et délibération

Hugo Mercier fait parler de lui (ici, ou ) et de sa thèse sur la raison argumentative, à la suite de la parution d’un article dans la revue Behavioral and Brain Sciences. Un chercheur que j’ai eu l’occasion d’entendre à Montréal, dans une conférence organisée par l’Institut es sciences cognitives de Montréal en 2009.

Si l’article de la revue BBS n’est pas disponible, on peut retrouver sur le Social Science Research Network (SSRN) deux articles reprenant l’essentiel de l’argumentation (!) sans avoir l’étendue de la thèse de 376 page de M. Mercier :

Jonah Lehrer résume assez bien l’intérêt de ces textes, dans son billet The reason we reason, alors que Chris Mooney, qui publiait récemment un texte sur un sujet similaire dans la revue Mother Jones, The science of why we don’t believe science, s’entretient avec Mercier dans un billet sur Discover Magazine.

La raison n’est plus ce qu’elle était ! Continuer la lecture de « raison, biais de confirmation et délibération »

électoréalisme

Il y a plusieurs façons de « voter stratégique ». Circonscription par circonscription ou encore province par province !

Comme d’autres, j’ai été déçu de voir des députés qui faisaient « une bonne job » être balayés de la carte par des poteaux… Mais la majorité des électeurs ne suivent pas assez la politique de leur localité pour pouvoir dire si oui ou non leur député fait une bonne job. De fait, le type de revirement par vague comme nous venons de connaître au Québec me semble lié au système de représentation non proportionnelle que nous avons. Si nous avions un système proportionnel, où l’électeur peut être assuré que « chaque vote compte », il y aurait certainement un plus grand attachement, un plus grand engagement des électeurs à l’endroit du parti pour lequel il vote. Alors que dans la situation actuelle, où c’est celui qui remporte le plus de vote qui est élu même si cela veut dire neuf fois sur dix que plus de gens ont voté contre lui que pour lui, cela ne peut que nourrir le scepticisme et une forme de cynisme envers la classe politique.  Ainsi devient-il plus facile de voir l’électorat envoyer d’une saute d’humeur, par un déplacement de 30 % des voix (résultats 2011, résultats 2008), tout un parti dans la brousse, et une classe de néophytes au parlement !

Je n’aimerais pas être dans les souliers de Layton. Si son ambition est de gagner un jour une majorité au parlement, il lui faudra s’adresser aux «autres canadiens» sans pour autant s’aliéner la majorité québécoise qu’il vient de gagner. Incidemment, j’ai été frappé par la multiplicité des drapeaux canadiens dans la salle lors du discours de Layton, le soir de l’élection, alors que je n’en ai vu aucun dans la salle des conservateurs… ou s’il y en avait, c’était beaucoup moins visible que dans la salle du NPD. Je me disais : Ça aurait été une bonne occasion de faire flotter les deux drapeaux, canadien et québécois !

voter stratégique

Pour avoir une idée, comté par comté, des enjeux… Projet démocratie (www.projetdemocratie.org), pour ceux qui songent à « voter stratégiquement » ou qui souhaiteraient évaluer les possibles conséquences d’un vote enthousiaste…