réduction des coûts de santé

évolution des dépenses santé 1975-2011Les dépenses de santé ont doublé de 1997 à 2011.

Les différents gouvernements lancent des programmes de restriction, de contrôle, font appel aux gourous de la rationalisation et du « Lean ». Mais cela sera-t-il suffisant ? Deux articles publiés par l’Institut de recherche sur les politiques publiques (IRPP) ( How to bend the cost curve in health care ? et The Wonk-deal with doctors ) proposent des pistes de solution. Ces articles sont en anglais, mais le communiqué de presse en français (pdf) en résume l’essentiel.

Les conventions collectives des médecins, notamment la rémunération à l’acte, font gonfler les coûts. L’unique moyen de limiter les dépenses de santé consiste à modifier ces ententes.

The fee-for-service system encourages short primary care visits and quick referrals of more time-consuming cases to specialists. Doing routine work efficiently is more lucrative than solving complex problems, which drives specialists to work at the lower end of their capabilities. [The wonk – deal with doctors]

Canadian FFS (fee-for-service) agreements create incentives to treat problems in isolation rather than as a whole. The all-encompassing fee code for “partial examinations” pays the same amount for a three-minute visit to obtain a prescription renewal as it does for an hour-long consultation to address a frail elderly patient’s multiple complaints.

The assumption that specialty care is superior to primary care must be laid aside. Compensation signals matter; in Denmark, family doctors earn more than specialists. [How to bend the cost curve in health care ?]

Ce dernier article de Steven Lewis et Terrence Sullivan propose 10 stratégies pour réduire la croissance des coûts. Je me suis permis de les résumer en les traduisant.

«

  1. Réduire les besoins à la source, en assurant un suivi efficace des maladies chroniques
  2. En finir avec le paiement à l’acte pour mettre en place une forme de paiement en fonction des résultats de santé
  3. Mettre l’accent sur la formation continue et l’adaptation des pratiques professionnelles plutôt que de concentrer tout l’effort sur les barrières (diplômes) à l’entrée. (It may even be necessary to revisit the sacred construct of the selfregulating profession, given the difficulty of reconciling professional selfinterest with the public interest).
  4. Faire de la médecine généraliste le coeur (l’épine dorsale) du système. Au Danemark les généralistes sont payés plus cher que les spécialistes. Les moyens de communication modernes (courriel, téléphone, logiciels de surveillance…) sont souvent aussi efficaces que les visites en personne, ce qui permet à des médecins dans certaines coopératives de soin des USA de suivre, grâce au travail d’équipes multidisciplinaires, plus de patients tout en travaillant seulement 40 heures par semaine. Continuer la lecture de « réduction des coûts de santé »

vieillissement anticipé

Trois rapports, rédigés en trois mois, pour donner suite à l’annonce par le président François Hollande d’un projet de loi d’adaptation de la société française au vieillissement de sa population.

Pour nourrir la réflexion ici au Québec, dans l’attente du projet du ministre Hébert sur l’assurance autonomie… Et si vous avez de la difficulté à vous y retrouver entre les EHPAD, EHPA, logement-foyers… ici une petite page utile.

Un compte rendu d’une étude réalisée en 2006-2007 Classification des personnes âgées en perte d’autonomie fonctionnelle (Réjean Hébert, aujourd’hui ministre de la santé, est l’un des 4 auteurs) comparant les grilles d’évaluation de l’autonomie des personnes âgées en France (AGGIR) et au Québec (ISO-SMAF). La grille québécoise semble plus fine (14 niveaux plutôt que 6) et plus apte, semble-t-il, à éviter le sur-financement.

Pour avoir une idée de la complexité des « mécanismes d’hébergement » québécois : mécanisme régional d’accès à l’hébergement de l’Agence de santé et de services sociaux de l’Abitibi-Témiscamingue (mars 2013, 83 p.).

J’ai par ailleurs cherché sans succès une copie des formulaires d’évaluation ISO-SMAF utilisés… Il y a bien une description des grands groupes d’autonomie, en annexe du document de l’Abitibi-Témiscamingue, ou encore la liste des 29 éléments constitutifs (voir page 6 du document comparant AGGIR et ISO-SMAF) mais j’ai pas trouvé de formulaire exhaustif… J’ai trouvé quelques infos sur le site du Centre d’expertise en santé de Sherbrooke, qui se décrit comme l’organisme responsable de la formation provinciale à l’utilisation des profils Iso-SMAF©.

« Suite à une évaluation SMAF®, les usagers sont classés parmi les 14 profils Iso-SMAF selon l’intensité et le type de service requis pour le maintien de leur autonomie. » [extraits du site du CESS]

Mais c’est quoi ces ® et © ? Est-ce pour cela que je ne réussis pas à trouver les outils utilisés pour mesurer l’autonomie : aurait-on fait de ces outils essentiels à l’application de politiques publiques des marques de commerce réservées ?

Beaucoup d’efforts mis pour mesurer objectivement, scientifiquement, les facettes et degrés divers de l’autonomie… dans une perspective où l’hébergement est vu comme le dernier recours et les services à domicile une denrée qu’il faut rationner. Comment marier cette approche de gestion de la rareté avec l’idée qu’il faut développer des milieux de vie attrayant, stimulant, socialement et physiquement… pour maintenir et favoriser l’exercice de l’autonomie ?

Nunavut, Nunavik

J’ai souvent confondu l’un pour l’autre. Je ne savais même pas que la partie ouest du territoire Inuit [le territoire Innu est celui des anciens Montagnais-Nascapis] s’appelait Inuvialuit. Nunavik, c’est le nom de la partie québécoise de ce grand territoire. Situé plus au sud (10° ou 5?) que le Nunavut, il s’étend sur un territoire 4 à 5 fois plus petit. Le Nunavik semble plus densément peuplé. Y a-t-il une différence importante entre les administrations publiques de l’un et l’autre territoire (celle de Kativik) ? Des particularités québécoises, liées à certains traités, conventions, ou à l’histoire et la culture de cette région ? L’été qui vient pourrait bien être celui où je visiterai le pays Inuit pour la première fois. Un article récent dans Le devoir  : Tourisme Grand Nord – Terre et mer, du Groënland au Nunavut

Près d’Ilulissat, au Groenland, ce « bras de mer de 56 kilomètres est chargé d’icebergs qui se sont détachés du glacier le plus productif de l’hémisphère nord (il avance de sept kilomètres par année et 20 millions de tonnes de glace s’y détachent chaque jour !) ».

Un glacier qui produit 20 MT de glace par jour, c’est tout un « climatiseur ». Cette « machine à glace » risque-t-elle de s’arrêter de fonctionner, un beau jour, dans la cascade des effets du réchauffement climatique ?

assurance autonomie et système de santé

Après lecture et écoute de la conférence du ministre de la santé à l’Association québécoise de gérontologie, quelques réflexions en vrac, en attendant le texte du projet… 

Le ministre Hébert devrait bientôt rendre public son projet de loi (ou livre blanc ?) décrivant sa conception d’un système de santé orienté vers la prévention, la première ligne, les maladies chroniques et les soins de longue durée. Une nouvelle transformation, nouveau vent de réformes dans cet amas d’organisations, d’intérêts, de clientèles qu’est devenu le système de santé québécois. Oui, c’est vrai que la dernière réforme date de dix ans… 2003 avec l’arrivée au pouvoir des Libéraux, la « réforme Couillard » qui créait les CSSS, harnachant dans les dernières régions récalcitrantes (dont Montréal) les services de première ligne (CLSC) à ceux de longue durée (CHSLD), mais aussi réduisant drastiquement le nombre d’entités juridiques (notamment le nombre de syndicats) : les 12 CSSS de Montréal rassemblant dorénavant ce qui avait été… plus de cent CLSC, CHSLD, hôpitaux. Une transformation majeure qui s’est inscrite sur le terrain à partir de 2005-2006. Nouvelles règles du jeu auxquelles se sont adaptées plus ou moins rapidement, avec plus ou moins d’enthousiasme ces nouvelles entités – qu’on appelait parfois les « instances locales ». D’autant moins enthousiastes que très rapidement ces organisations auront à contenir la pression – largement artificielle, finalement – d’une épidémie appréhendée, et le fardeau de compressions budgétaires, bien réelles celles-là, aussi permanentes que les besoins qui croissent.

Transformer ou pas… les réformes passent et les forces et systèmes restent. Une particularité de cette réforme-ci ? L’afflux de nouveaux revenus (500M$ de nouveaux investissements publics annoncés en plus des épargnes et achats privés en croissance) qui permettra peut-être de « blanchir », de rendre plus visibles et prévisibles les investissements publics discrets développés depuis cinq – six ans sous la forme de crédit d’impôt remboursable. Deux cents cinquante millions publics et plus de cinq cents millions de contribution de la clientèle. La croissance de ce secteur a été plus importante que l’investissement public en services à domicile. Elle aura permis de soutenir le développement rapide de services — à moindre coût pour l’État qu’un financement à travers le réseau public. C’était aussi une reconnaissance obligée des services déjà offerts, achetés par les aînés dans ce réseau des résidences avec services qui avait été jusqu’alors à peine toléré par le cadre légal (M. Charpentier).

Mais ces nouveaux services demeuraient le plus souvent imprécis, flous sauf pour ce qui est des prix.  À quel moment la personne sera-t-elle jugée incapable de demeurer dans son lieu de vie ? C’était la grande inquiétude d’un système qui n’intervenait qu’en réponse à la maladie, et qui n’avait souvent comme solution que d’institutionnaliser la personne quand l’intensité des besoins dépassait la capacité de soutien du milieu ou la capacité de payer de la personne.

À partir du moment où l’on souhaite respecter le désir de la personne d’être soignée où elle habite on doit prendre les moyens de rendre les services nécessaires en temps utile et de manière qualifiée. La période qui s’ouvre sera celle de la reconnaissance des qualifications déjà acquises et de la valorisation monétaire conséquente pour les personnels actuellement moins normés des résidences privées. Les plus hauts salaires pour les personnels d’aide aux AVQ-AVD dans le secteur public (dans la mesure où ils sont associés à une formation et un encadrement professionnel plus poussés) exerceront un pression à la hausse sur les bas salariés des réseaux privés.

Il faudra séparer les services de longue durée de ceux à court terme. Les premiers relevant d’une caisse autonomie distincte, il faudra éviter de « désengorger les urgences », encore une fois, avec ces nouvelles ressources.

Dans son allocution à l’AQG, le ministre Hébert souligne au passage les taux d’institutionnalisation trop élevés à Montréal. On héberge publiquement alors que les besoins en heures-soin  sont moindres qu’ailleurs, alors que ces besoins pourraient être comblés autrement, à domicile ou dans un milieu moins « institutionnalisé », médicalisé. Pourtant, lorsqu’on ne réduit pas l’institutionnalisation à la prise en charge publique mais qu’on regarde les taux de personnes en institution publiques et privées, Montréal apparaît comme une région où le taux est plutôt bas ! Comment expliquer cela ? Continuer la lecture de « assurance autonomie et système de santé »

l’affaire Rogoff-Reinhart

Je n’avais pas entendu parler de Rogoff et Reinhart avant ce matin, quel ignorant j’étais ! Il semble que ces économistes américains aient fourni les arguments « scientifiques » aux prêcheurs d’austérité en Europe… mais que leurs erreurs méthodologiques aujourd’hui reconnues semblent tout à coup invalider.  Yakabuski, en conclusion de son article A simple data error, and Europe’s pain : Une simple erreur de donnée et l’Europe se remet à dépenser. Il n’y va pas de main morte dans son diagnostic sur l’Europe : « too much spending toward supporting those over 60 ». Il faudra des réformes structurelles pour intégrer les jeunes qui chôment à 40, 50 ou 60 % dans les pays endettés.

Mais ces réformes semblent orientées vers une vision particulière « No amount of austerity will do the trick unless structural reforms needed to spur entrepreneurship and private investment are implemented ». La confiance des investisseurs et la réforme des lois du travail semblent les seules voies possibles, en complément de l’austérité, pour sortir l’Europe de la crise.

La plume colorée du journaliste du G&M (« the bite of a poor pinot noir ») nous fait presqu’oublier le ton lourdement idéologique de ce commentaire, ou le jugement de valeur l’emporte sur l’argument. La scène est campée dans l’opposition entre dépensiers et économes… le privé et le public… alors que, finalement, la leçon à tirer de cette affaire Rogoff-Reinhart est qu’il n’y a pas de mesure simple ni se seuil magique (comme 90 % du PIB d’endettement) pour dire la relation entre l’endettement et la croissance. Voir Krugman.

Normand Baillargeon raconte avec beaucoup de pédagogie cette affaire Rogoff-Reinhart, posant finalement la question « Comment expliquer que des idées aussi simplistes, puis discréditées, que celles de Laffer et de Reinhart et Rogoff aient pu avoir l’influence qu’elles ont eue? » Le biais de confirmation. Cette tendance qu’a l’esprit humain à préférer ne retenir de l’information disponible que celle qui vient confirmer son point de vue. Ce qui conduit aux discussions de sourds, aux parti-pris idéologiques qui ne s’emm…êlent pas avec des considérations méthodologiques ou scientifiques – ne retenant des faits que ceux qui viennent confirmer l’opinion, le sens commun, le préjuger.

Mais si c’est vraiment ce biais de confirmation qui est à l’oeuvre, la théorie Rogoff-Reinhart, qui n’était en fait qu’une rhétorique, sera remplacée par une autre. Mais ce qui est en jeu ne sera pas résolu par une théorie ou une autre. Cela le sera par la pratique, la négociation, l’innovation, le risque, le compromis, la continuité et la rupture… Ne voir l’avenir (et mesurer le présent) qu’à travers la « confiance des investisseurs » ou la liberté d’entreprendre… et réduire le volet public de l’équation à « la réforme du travail »… c’est peut-être une position confortable dans certains salons, entre amis, mais ça n’ouvre pas vraiment de porte au dialogue constructif et inventif dont nous avons le plus grand besoin.

Si les conservateurs et autres apôtres de l’austérité (des comptes publics – car les personnes privées doivent continuer de pratiquer les vertus de l’enrichissement) peuvent perdre un peu de leur assurance vindicative à l’occasion de ce retournement – il ne faudrait pas que les Keynésiens se contentent de glousser de joie.  C’est l’occasion rêvée de construire des ponts, ouvrir des discussions sur de nouvelles bases, un peu moins idéologiques, un peu plus « au ras des pâquerettes ».

accès au jardin – 2

« Entre le 21 juin et le 29 septembre 2013, le Jardin botanique de Montréal accueillera les Mosaïcultures Internationales. Ainsi, tous les membres [des Amis du Jardin botanique de Montréal] devront exceptionnellement s’être acquittés une seule fois d’un billet d’entrée valide pour les Mosaïcultures afin de conserver leur accès illimité au Jardin pour les cent jours que durera l’événement. » [les privilèges des membres]

Ainsi pour un « petit » 45$ de cotisation individuelle (30$ étudiant, 60$ famille) et 29,50$ de billet d’entrée aux Mosaïcultures… je pourrai continuer de fréquenter les jardins extérieurs (voir billet précédent). Je veux bien soutenir le jardin en devenant membre des Amis… et je peux concevoir que le Jardin trouve un intérêt (esthétique ?) financier dans l’organisation de ces expositions thématiques (chaque automne, il y a aussi les lanternes chinoises pendant les quelles l’accès est, là encore, limité). Est-ce que les Amis du Jardin ont leur mot à dire sur de telles décisions ? Jusqu’où peuvent-ils parler pour les « usagers montréalais » ? Ne sont-ce pas les élus municipaux des territoires aux alentours du Jardin qui devraient parler au nom de ces usagers — ou si l’évolution récente de cet Espace pour la vie a définitivement (ou risque de le faire) transformé notre jardin en une machine à produire des sous avec les touristes ??

le Jardin botanique privatisé pour l’été

J’ai le grand privilège d’habiter à une distance de marche du jardin botanique de Montréal. Je ne sais combien de gens des quartiers Rosemont, Mercier-Ouest et Hochelaga-Maisonneuve font comme moi ? Le jardin botanique de Montréal c’est mon parc, ma destination privilégiée quand je sors prendre l’air et une marche…

EspacePourLaVie

Le Jardin fait maintenant partie de l’Espace pour la vie. Doit-il pour autant cesser d’être notre espace de vie ?

MerledAmeriqueEn terminant une randonnée dans le parc, dimanche dernier, à observer et photographier pics chevelus, mésanges  et merles d’Amérique, j’apprenais en sortant que « dès la mi-mai les jardins extérieurs seront accessibles de 9 h à 18 h seulement ». Donc, pour les personnes qui travaillent le jour, c’est foutu.

Mais le paragraphe suivant de l’affiche annonce que ces jardins ne seront plus du tout accessibles gratuitement. Du 22 juin au 29 septembre 2013, autrement dit pour tout l’été, il faudra payer à chaque fois pour entrer – sauf le samedi 6 juillet, où cela redeviendra gratuit pour une journée. Une journée pour les pauvres ! Après que l’on eut privatisé et cadenassé le parc Olympique depuis l’an dernier, assistera-t-on à une évolution similaire de l’accessibilité du Jardin botanique ? Manière de rentabiliser au maximum cet Espace pour la vie.
AccesBotaniqueJe voulais faire un billet, à l’occasion de cette Journée de la Terre, commentant le film Survivre au progrès mais aussi le fait que ce film n’ait été distribué que sur la chaine mi-privée Explora. Encore une réduction de l’espace public au profit d’espaces accessibles contre paiement. Il n’y a pas si longtemps la télévision publique et l’ONF auraient été complices dans la présentation d’un tel document pour célébrer le Jour de la Terre, non ? Aujourd’hui on s’en sert plutôt comme levier pour amener les gens à s’abonner à un nouveau poste télé… J’ai la nostalgie du « bon vieux temps » ? En fait c’était peut-être plus simple avant…

Est-ce à dire que nous devons accepter de voir transformé en marchandise notre espace vital ? Je n’ai pu que dire mon malaise à partir d’une photo, prise ce matin là. J’avais fait une première version avec « pour ma santé physique et mentale » à la place de « notre espace de vie ».

autour de Latour

Extraits de Changer la société, refaire la sociologie, une introduction à la théorie de l’acteur-réseau, par Bruno Latour.

Dans des situations où les innovations abondent, quand les frontières du groupe sont incertaines, quand la gamme d’entités qu’il faut prendre en considération devient fluctuante, la sociologie du social n’est plus capable de tracer les nouvelles associations d’acteur. p.19

La dispersion, la destruction et la déconstruction ne sont pas des objectifs à atteindre, mais précisément ce qu’il s’agit de dépasser. Il est plus beaucoup important d’identifier les nouvelles institutions, les nouvelles procédures, les nouveaux concepts capables de collecter et reconnecter le social.  p. 22

[ La sociologie de l’acteur-réseau évite de fonder ses analyses sur des listes et catégories d’acteurs, de méthodes, de domaines déjà établis comme faisant parti du monde social, pour se définir à partir de 5 niveaux d’incertitudes quant à la nature des éléments constituants de ce monde : ]

  1. sur la nature des regroupements : il existe de nombreuses manières contradictoires d’assigner une identité aux acteurs
  2. sur la nature des actions : dès qu’on suit un cours d’action donné, un vaste éventail d’êtres font irruption pour en transformer les objectifs initiaux;
  3. sur la nature des objets : il semble que la liste des entités qui participent aux interactions sociales soit beaucoup plus ouverte qu’on ne l’admet généralement ;
  4. sur la nature des faits établis : les controverses se multiplient sur la nature des sciences naturelles et leurs liens de plus en plus étranges avec le reste de la société ;
  5. et, finalement, sur le type d’études conduites sous l’étiquette d’une science du social, dans la mesure où on ne voit jamais très clairement en quoi les sciences sociales seraient empiriques. 34

La sociologie de l’acteur-réseau prétend être mieux en mesure de trouver de l’ordre après avoir laissé les acteurs déployer toute la gamme des controverses dans lesquelles ils se trouvent plongés. (…) La tâche de définition et de mise en ordre du social doit être laissée aux acteurs eux-mêmes au lieu d’être accaparée par l’enquêteur. 36 [encore des extraits]

Plutôt que de discuter pour s’entendre sur une définition de ce qui est, la discussion porte sur ce qui se passe.

L’exemple de la soie et du nylon, page 60, est plutôt réducteur, et révélateur du fait que mettre trop d’importance à la nature du symbole médiateur peut faire oublier ce qu’il habillait…

Qui parle ? Qui agit ? De quel rassemblement d’acteurs parlons-nous ?
Que font-ils ? Que cherchent-ils à faire ? Comment s’expriment, évoluent leurs objectifs ?
Auprès de qui ? De quoi ? Avec qui ? Comment ? Avec quels moyens agissent-ils ?
Avec quels effets ? Quels sont les faits qui ont soutenu, contribué à définir l’action ?
Qui rendra des comptes à qui ? Quelles formes prendront les produits de la démarche ?

En quoi la théorie de l’acteur-réseau (ANT – actor-network theory) peut-elle servir dans le cadre d’une recherche sur les réseaux locaux de services ? Si on parle d’un processus plutôt que de canalisations, d’un travail en cours d’assemblage réalisé par les acteurs plutôt que de mécanismes d’intégration imposés… si on souhaite décrire les actions, les initiatives de ces acteurs sans les encadrer au préalable dans des perspectives figées, alors oui, la théorie de l’acteur-réseau peut être utile.

Toronto, avril 2013


Quelques photos prises à Toronto, la fin de semaine de Pâques… dans les rues, le Holî indien sur la plage, promenade dans Kensington Market et sur le campus de l’Université de Toronto…