Edge, le navigateur de Windows 10

J’ai installé la mise à jour Windows (10) sur l’ordinateur de J. et j’ai été impressionné par le nouveau navigateur Edge. C’est exactement ce que je cherchais comme navigateur « idéal » : une manière simple de prendre des notes, souligner des passages, sur une page web sans avoir à lancer autre chose…

Juste pour ça, la mise à jour (gratuite) vaut d’être faite. Mais ça ne me fera pas passer de Mac à Windows pour autant 😉

logement locatif

Un « indice du logement locatif » – avec données et cartes géographiques par province, régions, villes ou circonscriptions (fédérales) est accessible à cette adresse : http://rentalhousingindex.ca/

Le Réseau québécois des OSBL d’habitation est parmi les partenaires ayant développé cet outil qui fournit des arguments et indicateurs de suivi d’une situation qui s’est passablement détériorée depuis quelques années : la montée de l’offre en « condos » s’est faite au détriment de l’offre de logements locatifs.

Le nombre annuel de mises en chantier de logements locatifs ne cesse de diminuer dans les centres urbains du Québec depuis 2004. (…) La popularité croissante de la copropriété semble responsable de la diminution des mises en chantier locatives dans la plupart des RMR québécoises. [Habitation Québec, numéro spécial sur Le logement locatif privé au Québec (pdf) – Hiver 2013, Société d’habitation du Québec]

De là l’importance accrue des OBNL et autres agents de développement de logements locatifs abordables.

 

du sable bitumineux vert ?

Can Canadian oil green-clean itself ? – Tel est le titre d’un article « punch » de Margaret Atwood dans le G&M ce matin. Comment traduire ce titre ? Le pétrole canadien peut-il se verdir ? Se rendre acceptable écologiquement ? Toujours est-il que j’ai tellement aimé cet article, où elle ne ménage ni Harper ni les pétrolières canadiennes, que je vous en propose une traduction…

« Le pétrole canadien a un problème. Ou plutôt il en a plusieurs. Ces problèmes sont : 1. Le bas prix du pétrole; 2. L’image de « pétrole sale » qui colle aux sables bitumineux; 3. Le leadership politique inepte; 4. Les nouvelles formes d’énergie qui arrivent chaque jour.

Parce que le pétrole canadien a des problèmes, le Canada en a aussi. Les deux ont été « joints à la hanche » : si l’un est dans la m… l’autre aussi y est. Ou dans une sorte de m… Que faire ?

Le premier problème – le bas prix du pétrole – est hors de notre contrôle mais l’étendu de nos investissements dans le secteur ne l’est pas. Malheureusement pour nous le gouvernement Harper a trop investi dans le pétrole. Ce qui a pu sembler comme un pari défendable, ce qui explique sans doute que nous n’ayons pas réagi quand Stephen Harper a soutenu le secteur avec des tas (sack-loads) de subventions  : 34 milliards $ par an, selon le Fonds monétaire international, correspondant aux coûts sociaux de cette industrie au Canada. Les emplois et la prospérité seront grands, nous assurait-on. Quiconque osait souffler mot contre le flot de subvention était vu comme non patriotique et quasiment traité comme un terroriste.

Le retour n’a jamais été à la hauteur de l’investissement, mais qui était là pour faire le décompte ? Maintenant que le prix du pétrole est dans la cave et que le dollar a été entrainé à sa suite, signifiant que la plupart de nos importations nous coûtent maintenant 30% de plus. Si on avait diversifié nos investissements sur plusieurs secteurs on aurait aujourd’hui plus d’atouts en main.

Le second problème est l’image de « pétrole sale ». Le sable bitumineux s’est attiré une « aura beurk » (Yuck aura) malgré les efforts faits pour les cadrer comme un pétrole plus éthique que d’autres et les réassurances concernant la sécurité des pipelines, l’efficacité des nettoyages etc. Qu’est-ce qu’une pétrolière intelligente pourrait faire ? Continuer la lecture de « du sable bitumineux vert ? »

globalisation, écologie et sciences po

Je crois que c’est le texte (PPT) de Benoit Lévesque (Le modèle québécois, à la suite de la politique d’austérité: conséquences pour l’économie sociale et la société civile?), sa conférence donnée à l’ACFAS le 26 mai dernier à Rimouski, qui m’a amené à lire Paul Hirst pour la première fois. Un théoricien dont j’avais entendu parler pour sa « démocratie associationniste » (Associative Democracy) et qui, dans ses derniers travaux, examinait les limites de la globalisation (Globalization in question).

C’est lui qui m’a conduit à The Structure of World History, from modes of production to modes of exchange par Kojin Karatani.

En parallèle j’ai fait un détour écolo, avec Le grand pillage de Ugo Bardi, rapport soumis au Club de Rome, 40 ans après Les limites de la croissance, paru en 1972 et qui avait fait beaucoup de bruit à l’époque. Pas assez sans doute : et si on avait pris au sérieux les avertissements de ce « manifeste » il y a 40 ans ? Et puis le très beau texte, presque poétique tellement il rend palpable les mouvements et forces qui ont déterminé le climat de la terre depuis 4 milliards d’années : Voyage à travers les climats de la terre, par Gilles Ramstein (2015, chez Odile Jacob).

Et puis j’ai aussi commencé un autre très beau texte, dont il me presse de poursuivre la lecture : Laudato Si, par le pape François. [Voir ce court article de présentation dans Le Devoir]

Après avoir terminé Globalization in question, et commencé dans la foulée à lire Kojin Karatani, j’ai senti le besoin de terminer ma lecture du second volume de Fukuyama, Political order and political decay – from the industrial revolution to the globalization of democracy, que j’avais commencée il y a plusieurs mois (voir un résumé dans la revue The Atlantic). Cela pour me donner un peu de références géopolitiques et historiques afin de mieux apprécier la proposition théorique de Karatani (The Structure of World History).

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Évidemment je ne vous ferai pas ici un résumé de cette boulimie de lectures… mais j’aimerais bien tout de même vous en dire quelques mots. Tout d’abord ce texte de Benoit Lévesque, professeur émérite de sociologie à l’UQAM, qui s’est fait le chantre depuis quelques années d’un renouvellement de la social-démocratie (voir aussi le site consacré), proposait dans sa conférence de Rimouski une critique des politiques d’austérité du gouvernement Couillard, et un retour historique sur le « modèle québécois ». Il suggère en conclusion des pistes d’action pour la société civile organisée…  notamment l’importance de se positionner dans la perspective de la transition écologique tout en misant sur la démocratie délibérative et participative.

Ce que je retiens du texte de Paul Hirst sur la globalisation, c’est que cette dernière n’est pas aussi importante et inévitable que le discours dominant peut laisser croire. Chiffres à l’appui, il démontre que les échanges se font surtout à l’intérieur de blocs géopolitiques continentaux, et que les entreprises, même multinationales, ont en général des racines régionales ou nationales. Ce qui devrait nous amener à relativiser les discours défaitistes des politiciens qui prétendent de rien pouvoir faire face à la « globalisation ». Cela pourrait aussi nous pousser à saisir des leviers d’influence et de pression qui sont plus accessibles.

Le texte de Bardi, Le grand pillage, fait l’histoire de l’extraction minière, y compris celle des ressources pétrolières, montrant à quel point les courbes de l’extraction ne peuvent se poursuivre ; à quel point les alternatives et solutions technologiques sont fallacieuses et dangereuses. Nous épuisons en quelques décennies des ressources non renouvelables que la planète a mis des centaines de millions d’années à constituer, certaines dans des conditions géologiques qui ne se reproduiront plus.

Une histoire géologique que Ramstein, avec son Voyage à travers les climats de la terre, nous présente de façon éloquente et simple (mais pas trop). Comment les équilibres et déséquilibres du carbone et de l’oxygène, dans l’air, les océans et la biomasse ont été marqué par la « petite musique de Milankovitch » (oscillations combinées de l’orbite terrestre, de son obliquité et de la précession des équinoxes [ceux-ci ne se passant pas toujours à même distance du soleil, à cause du caractère elliptique de l’orbite])… De la poésie, que je vous dis. Dont on retient les équilibres fragiles et grandioses mis en danger par l’accumulation rapide de CO2 dans l’atmosphère et les océans. Il faut non seulement réduire nos émissions de d’oxyde de carbone mais il faudrait de toute urgence réduire la pression déjà accumulée dans le système. [L’accroissement de la couverture végétale est un pas dans le bon sens – Green surprise: Why the world’s forests are growing back dans le G&M d’aujourd’hui]

Quant à Fukuyama, il poursuit dans ce deuxième volume – Political Order and Political Decay, après The Origins of Political Order paru en 2011, son histoire érudite des formes de l’État, tant celle de la Chine que du Japon, analysant au passage différents pays de l’Amérique du Sud et de l’Europe, et aussi, différentes époques et administrations publiques des États-Unis. Je sais bien que cet auteur a des affiliations de droite (administrateur de la Rand corporation) mais j’ai apprécié sa connaissance encyclopédique des histoires de pays et cultures qui nous sont méconnus.

Je poursuis ma lecture de Karatani, et celle du pape François. Je vous en reparle certainement.

notre seule planète

Quand Obama fut élu, en pleine crise de 2008, je me suis dit qu’on allait enfin voir changer des choses, que le nouveau président saisirait l’occasion pour amorcer un virage.

Mais il n’a pas pu, n’a pas voulu ou encore n’avait pas en main les outils nécessaires : au nom de quoi harnacher l’appât du gain ? Restreindre la liberté du capital… sans avoir de plan de rechange, d’alternative claire, ce n’était pas facile même pour un président porté par une vague imposante de « Yes, we can ».

Peut-être était-ce trop espérer de la part de l’économie qui a été le plus durement touchée par la chute des subprimes. Cette économie qui avait aussi le plus abusé de la manne financière des produits dérivés.

Sept ans après la crise, peu de choses ont été changées pour prévenir le retour de ces excès de créativité… et d’avidité.

« Il n’y a eu pratiquement aucune réforme sérieuse de la régulation du secteur financier, ce qui perpétue l’opacité des marchés de produits dérivés et la spéculation massive sur des actifs plutôt fragiles » disait Craig Calhoun (1) (p. 236).

La financiarisation de l’économie « détourne les investissements vers les secteurs de profits à très court terme et sape les opportunités de croissance plus soutenue à long terme. » (idem, p. 229)

La partie financière du capital produit 40% des profits. « Dans les années ’60, 14% des profits des grandes entreprises étaient attribuables aux groupes financiers; en 2008, ce pourcentage s’élevait à 39%. » (2)

Alors que nos gouvernements souhaitent encore accélérer les échanges et le commerce (Accord économique et commercial global avec l’Europe (AECG), Partenariat transpacifique (PTP)) – il nous faudrait ralentir, oui j’ose le dire, RALENTIR la vitesse à laquelle nous consommons cette planète. Ralentir ne veut pas dire nécessairement s’appauvrir. S’il faut désinvestir des secteurs très coûteux en matériaux et énergie, il y a des secteurs où les besoins sont immenses et la part matérielle restreinte : services aux personnes, recyclage, réparation, entretien, aménagement, arts, loisirs, éducation…

Des gouvernements qui coupent dans les services et rapetissent les responsabilités publiques en promettant un retour toujours éludé vers la croissance économique… Peut-on seulement attendre qu’un bon gouvernement avec le bon programme réussisse à battre les efforts conjugués de l’argent et des corporations ? Il faut agir maintenant, malgré l’absence d’une instance internationale qui soit apte à soutenir la négociation d’ententes légitimes et leur mise en application.

Même si les négociations de Paris aboutissaient à une entente significative entre les nations pour réduire vraiment l’émission de gaz à effet de serre, cela ne résoudra pas, malheureusement, tous nos problèmes. Il faudra encore sauver de la prédation capitaliste effrénée les ressources halieutiques communes, les espaces naturels réservoirs de diversité biologique, les métaux et matières rares peu ou pas recyclables… Certains vont jusqu’à considérer le capital financier, ce réservoir de capacité d’agir sur le présent et l’avenir, comme un « commun », une ressource qu’il faut gérer en fonction de l’intérêt général à long terme plutôt que de laisser les intérêts particuliers à court terme décider de son utilisation.

Nous devrons innover, de manières audacieuses, oser s’attaquer au veau d’or de la croissance aveugle du PIB, de la finance irresponsable, et récupérer la gestion des communs de l’humanité. Mais ce ne sont pas seulement de traités et d’organisations internationales dont nous aurons besoin. Les changements que nous devrons engager, accomplir devront se traduire au quotidien, dans les décisions de chaque ménage. « Selon une recherche de l’Union européenne, 40% de toutes les émissions de dioxyde de carbone ont leur origine dans les ménages. Taille du ménage, sources de combustible utilisé, efficacité énergétique, système de chauffage et de refroidissement, mobilier et déchets – tout cela contribue à notre empreinte écologique. » (idem, p. 375)

Par ailleurs, à l’échelle du globe, la concentration des entreprises fait de celles-ci des entités plus puissantes que les états. « Des 100 plus grandes économies du monde, 52 sont des entreprises et 48 sont des pays. Soixante-dix pour cent du commerce mondial est contrôlé par à peine 500 des plus grandes entreprises industrielles; en 2002, les 200 plus importantes affichaient des ventes équivalant à 28% du PIB mondial. Cependant ces 200 entreprises employaient moins de 1% de la main-d’oeuvre mondiale. » (idem, p. 347)

La libéralisation plus poussée des échanges à l’heure où il faudrait harnacher et soumettre ces échanges à des contrôles plus sévères (taxes sur le carbone, taxes pour protéger les ressources non renouvelables, lutte à l’évasion fiscale) est un leurre, une simplification abusive qui doit être dénoncée. S’il faut réformer les systèmes de gestion publique de l’offre dans certains domaines agricoles est-ce pour pousser encore plus loin l’industrialisation de certains produits au détriment de la résilience et du maintien d’une agriculture locale, au détriment de l’occupation du territoire ?

Parmi les gestes simples qu’on peut poser maintenant :

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Signer le manifeste pour un Élan global (extrait).

« Nous exigeons l’adoption par le gouvernement du Québec d’un plan crédible pour réduire notre consommation de pétrole de 50 % d’ici 2030 et atteindre la neutralité carbone pour 2050.

Nous exigeons que la Caisse de dépôt et placement du Québec désinvestisse le secteur des combustibles fossiles. Nous demandons aux autres gestionnaires de fonds d’investissement dont les capitaux proviennent de citoyennes et citoyens d’en faire autant. Nous agirons aussi individuellement. L’argent de nos retraites ne doit pas appauvrir nos enfants. Il doit servir à assurer leur avenir. »

Signer une pétition, un petit geste pour commencer. Désinvestir des pétrolières d’abord. Ce n’est qu’un début, car il nous faudra bientôt prendre part aux décisions de réinvestissement. Plus qu’avant, parce qu’il ne s’agit pas que d’investissements financiers, mais de développement social et de protection de la planète, la seule qu’on ait. Tant qu’on n’avait qu’à maintenir le rythme sur l’autoroute du progrès, on pouvait toujours laisser à des techniciens le soin de diriger la barque. Mais nos investissements doivent maintenant changer le cadre, modifier les fins, adapter nos technologies à un environnement fini. Un environnement vivant mis en danger par les assauts d’une humanité industrieuse et ingénieuse mais encore aveugle à son empreinte sur le monde.

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Sources :

Craig Calhoun, Ce qui menace le capitalisme aujourd’hui, dans Le capitalisme a-t-il un avenir ? éditions La Découverte, 2014. 329 pages.

Michael Lewis et Pat Conaty, Impératif transition – Construire une économie solidaire, éditions Écosociété, 2015. 415 pages.

Billet à paraître sur Nous.blogue

Voir aussi le pic de tout (25.07.13), sur Gilles en vrac…

moment de repos

Après une semaine de travaux « lourds » (merci Marc-Olivier !) : terrassement, muret, marches… je goûte le plaisir de ce nouvel endroit pour lire en fin d’après-midi…

L1011480

Un recueil de cinq textes, par autant d’auteurs, sous le titre Le capitalisme a-t-il un avenir ? aux éditions La Découverte.

transitions écologiques

château de Cerisy-la-Salle, construit au début XVIIe

Le colloque Quelles transitions écologiques ? se tiendra du 1er au 10 juillet prochain, au Centre culturel international de Cerisy en Basse-Normandie.

Dix jours de colloque, avec deux demi-journées de répit seulement. Soixante-dix conférenciers. C’est tout un programme (pdf).

Deux auteurs, découverts au cours des derniers mois (Bihouix et Méda), seront présents, cette dernière comme conférencière et membre du comité directeur de l’évènement. C’est ce qui a d’abord attiré mon attention. Je dois avouer que, mis à part Bernard Perret, je ne connais pratiquement aucun des autres conférenciers ! Les notes biographiques et bibliographiques associées à chacun m’assurent cependant que ce ne sont pas des nouveaux venus…

Cette question de la transition est transversale. Elle devra toucher les partis politiques, les mouvements sociaux et réseaux d’influence les plus divers. Parce que la planète n’a été jusqu’ici qu’un contexte, un non-dit des grandes forces labourant les mers et terres du monde… il faut une prise de conscience nouvelle, qui amène les humains à se situer à cette nouvelle échelle, en regard de nouveaux acteurs, de nouvelles valeurs. Comment ces valeurs seront-elles institutionnalisées, promues, défendues ?

Dix jours de réflexion et de travail, dans un décor planté il y a quatre siècles…

Bon. Après mure réflexion je n’ai pas les moyens de soutenir à moi seul une telle participation (même si le tarif de 800€ pour l’inscription et la pension me semble très raisonnable). Si jamais un lecteur de ce blogue s’inscrit à cet évènement… j’aimerais bien pouvoir échanger avec lui ou elle, et suivre de près, même si ce n’est que virtuellement, le déroulement de ce colloque.

pommiers en fleurs

Le verger des Philion, à Hemmingford, était resplendissant en fin de semaine.

Pour voir en mode « plein écran », cliquez l’icône en bas à droite de l’image – elle apparaît lorsque vous passez la souris au dessus. On sent presque l’odeur !

le paquebot de l’extractivisme

Quelques réflexions suscitées par ce récent billet de Louis Favreau (État social (2) : le New Deal proposé par l’écologie politique) et celui qui l’a précédé (L’État social au Québec à une étape critique de son histoire : état des lieux (1)). 

L’économie sociale et solidaire, les mouvements écologiste et syndical sauront-ils à eux seuls faire virer le paquebot de l’extractivisme capitaliste ? À temps pour minimiser l’impact en retour des dettes environnementales accumulées jusqu’ici par la société industrielle ? Non, évidemment. Si, comme le dit Louis Favreau citant le BIT, l’économie sociale compte, à l’échelle internationale, pour « 10% du PIB, 10% des emplois, 10% de la finance » – en effet, « ce n’est pas rien ». Mais ça ne pèse pas lourd devant les 50% d’emplois, 60% du PIB et 80% de la finance (mes approximations) qui sont inscrits dans une stricte logique de marché. Il faudra plus que des positions communes et de la concertation (« sortir du travail en silo ») pour donner au 10% l’effet de levier nécessaire pour changer de cap, rapidement.

La verve avec laquelle Favreau tisse une synthèse de plusieurs écrits et mouvements est inspirante et nous donne un peu d’air dans une conjoncture étouffante. De quoi penser quand on a l’impression de tourner en rond. Nous t’en savons gré, Louis.

Mais j’ai des doutes, comme je viens de le dire, sur la capacité de cette « écologie politique » d’influencer l’orientation de l’État suffisamment pour transformer l’économie. J’ai aussi des réserves, de fortes réserves quand je le vois pester contre la professionnalisation (des mouvements sociaux, des organisations communautaires) [La professionnalisation de l’action collective a amené sur le devant de la scène le lobby, l’expertise, l’organisation de colloques…La transformation d’ex-militants en consultants et de chercheurs en experts – et j’aurais pu ajouter plusieurs autres citations. J’ai déjà critiqué cette façon qu’il a d’opposer militants et professionnels, groupes d’intérêt et mouvements sociaux. ]. Pourtant il reconnait que les forces progressistes ont « peu de présence dans l’espace public, espace plus occupé que jamais par les Think Tanks amoureux du « tout au marché » ». Il en faudra des professionnels de la finance, de l’écologie, de la politique et des communications pour déconstruire les idées préconçues instillées par les dits think tanks depuis des décennies.

Il en faudra des think tanks de gauche (et de centre aussi) pour faire connaitre des modèles alternatifs de développement. Et pas seulement alternatifs à la marge :  une alternative à cette société fondée sur l’extraction intensive (d’énergie, de matières, de richesses) sans égard à l’avenir. Une utopie « social-écologique », oui, mais qui se donne les moyens de ses ambitions. Qui ne reste pas qu’une utopie, donc. Comment pourrons-nous « contrer cette pensée et cette politique du « tout au marché » de plus en plus omniprésente » ? Ici, et ailleurs dans les deux textes de Favreau, je crois qu’il faudrait faire une distinction entre le marché et le capitalisme. Entre l’entreprise privée et le capitalisme. Un capitalisme dominé par les entreprises monopolistiques et la finance internationale. Un capitalisme financier bien servi par des gouvernements endettés, à genoux pour renouveler leurs emprunts et quémander des investissements.

Malgré une reconnaissance du bout des lèvres que les PME, c’est pas la même chose que le « capitalisme de marché globalisé », la conception de la société qui sous-tend l’utopie de Favreau est encore en noir et blanc : il y a l’État et le marché. Il faut faire fléchir l’État vers une orientation « social-écologique », grâce à une alliance des syndicats, coopératives et mutuelles… et quelques mouvements sociaux. Mais elle est où l’économie dans tout ça ? Pas juste l’économie des multinationales mais celle de ces milliers d’entreprises, petites et moyennes, qui emploient encore la majorité des travailleurs.

Comment allons-nous sortir ces travailleurs des « griffes » idéologiques des CAQ et autres partis de droite ? Beaucoup de ces petites entreprises sont le fait d’artisans qui ont gagné la confiance d’une clientèle par la qualité de leur produit et la fidélité, la proximité de leur service. Pour beaucoup de ces (petites) entreprises le capital financier a moins d’importance que le capital humain : la gestion, la motivation de leurs ressources humaines prend plus de place que la gestion financière. Le soin accordé aux relations à la clientèle prend plus de place que la gestion financière. Ces entreprises sont moins capitalistes que petites !

Si nous souhaitons encore vivre en démocratie, nous devrons mobiliser ces travailleurs et propriétaires de PME, les assurer qu’ils auront une place dans la nouvelle société que nous imaginons. Et ce n’est pas en brandissant le modèle coopératif que nous les convaincrons. Ni en promouvant le retour de l’État social, même renouvelé à la sauce écologique. Il nous faudra une approche plus inclusive, qui n’impose pas les solutions d’avant-garde comme modèles, mais saura inciter au changement même les entreprises privées.

Il y a plus de social qu’on le pense dans les PME « ordinaires ». (Voir Entreprises du XXIe siècle). Un social à reconnaitre, renforcer plutôt que de le mépriser. Si nous devons inventer un nouveau mode de production mieux adapté aux limites et au caractère fini des ressources de cette planète, ce sera avec le monde. La responsabilité sociale des entreprises, la mesure de leur impact social, le soutien aux dimensions sociales qu’elles incarnent sont des avenues à explorer, des expérimentations à faire.

Enfin, je suis surpris de ne pas trouver de lien dans le texte de Favreau vers la réflexion menée par le RIPESSVision globale de l’économie sociale solidaire: convergences et différences entre les concepts, définitions et cadres de référence. Enfin une clarification de la différence entre économie sociale et économie solidaire. Une définition inclusive, pluraliste de cette dernière. Des questions et stratégies que nous devrions étudier encore, notamment en vue du prochain Forum social mondial qui se tiendra à Montréal en 2016 !