Gilles en vrac… depuis 2002

du sable bitumineux vert ?

Can Canadian oil green-clean itself ? – Tel est le titre d’un article « punch » de Margaret Atwood dans le G&M ce matin. Comment traduire ce titre ? Le pétrole canadien peut-il se verdir ? Se rendre acceptable écologiquement ? Toujours est-il que j’ai tellement aimé cet article, où elle ne ménage ni Harper ni les pétrolières canadiennes, que je vous en propose une traduction…

« Le pétrole canadien a un problème. Ou plutôt il en a plusieurs. Ces problèmes sont : 1. Le bas prix du pétrole; 2. L’image de « pétrole sale » qui colle aux sables bitumineux; 3. Le leadership politique inepte; 4. Les nouvelles formes d’énergie qui arrivent chaque jour.

Parce que le pétrole canadien a des problèmes, le Canada en a aussi. Les deux ont été « joints à la hanche » : si l’un est dans la m… l’autre aussi y est. Ou dans une sorte de m… Que faire ?

Le premier problème – le bas prix du pétrole – est hors de notre contrôle mais l’étendu de nos investissements dans le secteur ne l’est pas. Malheureusement pour nous le gouvernement Harper a trop investi dans le pétrole. Ce qui a pu sembler comme un pari défendable, ce qui explique sans doute que nous n’ayons pas réagi quand Stephen Harper a soutenu le secteur avec des tas (sack-loads) de subventions  : 34 milliards $ par an, selon le Fonds monétaire international, correspondant aux coûts sociaux de cette industrie au Canada. Les emplois et la prospérité seront grands, nous assurait-on. Quiconque osait souffler mot contre le flot de subvention était vu comme non patriotique et quasiment traité comme un terroriste.

Le retour n’a jamais été à la hauteur de l’investissement, mais qui était là pour faire le décompte ? Maintenant que le prix du pétrole est dans la cave et que le dollar a été entrainé à sa suite, signifiant que la plupart de nos importations nous coûtent maintenant 30% de plus. Si on avait diversifié nos investissements sur plusieurs secteurs on aurait aujourd’hui plus d’atouts en main.

Le second problème est l’image de « pétrole sale ». Le sable bitumineux s’est attiré une « aura beurk » (Yuck aura) malgré les efforts faits pour les cadrer comme un pétrole plus éthique que d’autres et les réassurances concernant la sécurité des pipelines, l’efficacité des nettoyages etc. Qu’est-ce qu’une pétrolière intelligente pourrait faire ?

Premièrement les Grandes pétrolières (Big Oil) devraient commencer par tenir leurs promesses et engagements environnementaux. Elles devraient, à la place du gouvernement, prendre l’initiative puisque M. Harper ne semble pas intéressé à même appliquer les actuelles réglementations.

Ou encore le secteur pourrait suivre l’exemple de BP et ConocoPhillips et investir dans CoolPlanet qui produit de l’essence avec un contenu carbone négatif. Imaginez pouvoir faire le plein tout en sachant qu’on réduit, dans les faits, le CO2 dans l’air. C’est une formule qui a de quoi obtenir un large appui des consommateurs.

Ou encore les pétrolières pourraient réduire leurs émissions de carbone en utilisant l’une ou l’autre de la douzaine de technologies et de stratégies de capture du carbone qui existent déjà. Restaurer les forêts tropicales endommagées est l’une des moins couteuses et des plus efficaces manières de capturer le carbone en plus d’avoir comme effets bénéfiques supplémentaires de créer un habitat pour la faune et de soutenir les communautés locales. Plusieurs compagnies offrent des plans de restauration forestières en manières d’échange/réduction du carbone. Les Grandes pétrolières pourraient s’allier à ces compagnies, devenir plus vertes sans que les coûts soient sensiblement élevés (hardly miss the cash).

Il existe plusieurs autres stratégies de capture du carbone. Si nous en déployons suffisamment l’humanité pourrait même commencer à retirer de l’oxyde de carbone de l’atmosphère plutôt que d’en rajouter. Les pétrolières pourraient être partie de cette solution.

Pour ce qui est des inévitables déversements, une intelligente compagnie d’oléoduc montrerait qu’elle a suffisamment d’employés en gestion de crises et d’équipements de nettoyage en place. On pourrait même aider à sauver des papillons monarques en utilisant des éponges à base de fibre d’asclépiade – Protec-Style, un produit innovant ((une fibre naturelle qui repousse l’eau et absorbe l’huile)) fait au Canada. Imaginez la vidéo : une rivière couverte d’huile qu’on remplace par une rivière de monarques ! Et puis une compagnie vraiment intelligente éviterait de faire passer ses oléoducs à travers des endroits vraiment stupides.

Le troisième problème est le leadership politique. Si vous étiez un dirigeant d’une pétrolière canadienne vous éviteriez probablement de vous mettre à dos les leaders dont vous avez besoin de l’appui ou du territoire pour réaliser vos projets d’oléoducs. Plutôt que cela, M. Harper a menacé le président des États-Unis, traité les Premières nations avec mépris, s’est évertué à antagoniser les relations avec le premier ministre de l’Ontario et a terni la réputation internationale du Canada en se trainant les pieds dans la négociation des traités visant à réduire les émissions de carbone.

Le secteur pétrolier doit se demander s’il a vraiment choisi le bon héraut. Il faudrait un chef capable de reconnaitre le problème du CO2, de soutenir des solutions pratiques, et qui évite de diaboliser les autres points de vue.

Le quatrième problème sera bientôt là. Dit simplement, le monde fait la transition hors des énergies fossiles.

La transition s’appuie sur des sentiments bien humains de peur et de désir. La peur de tuer notre propre système de survie : notre planète. Le désir de trouver un substitut aux énergies fossiles qui produise suffisamment d’énergie à bon marché pour nous éviter le chaos économique et l’anarchie.

Les automobiles électriques roulant avec des batteries rechargées à l’énergie solaire sont arrivées et les prix baissent; les batteries domestiques capables de stocker l’énergie pour la maisonnée aussi. Des panneaux solaires et batteries non toxiques sont possibles. Des panneaux générateurs d’énergie à partir d’algues sont mis en marché par la compagnie Grow Energy. Si le prix est bon les consommateurs feront ces choix parce que les individus sont tout aussi intéressés à l’autosuffisance énergétique que les pays : pourquoi rester soumis aux cartels pétroliers et à la manipulation des prix si on peut l’éviter ?

Et pourquoi rester branché sur le réseau si on peut s’en passer ? Les immenses installations – méga parcs éoliens, fermes solaires et barrages hydroélectriques – s’en iront peut-être bientôt à la manière des lecteurs de cassettes et de disquettes. Si chaque maison et chaque communauté locale peut générer économiquement une énergie non toxique pourquoi faudrait-il maintenir à grand coût un grand réseau ?

Chaque nouvelle technologie crée de nouveaux emplois et les technologies énergétiques ne sont pas différentes. Mais combien de nos taxes et impôts sont allés soutenir l’émergence de ces technologies ? Pratiquement rien, parce que si le pétrole est votre seul dieu vous aurez tendance à étouffer la compétition. Vous aurez aussi tendance à étouffer les données sur la science du climat aussi bien que les données probantes, la recherche scientifique et l’approche technologique qui sont pourtant cruciales dans cette nouvelle ère. Et c’est ce que M. Harper continue de faire : étouffer. Ça ressemble à la panique.

Nous ne sommes pas bien servis par un « cheval frénétique qui ne connait qu’un truc » (frantic one-trick poney). Pour gérer à la fois le pétrole que nous avons et notre transition vers cette ère d’énergie alternative qui s’approche rapidement, à la fois le Canada et le secteur pétrolier ont besoin d’un autre genre de leader : un qui saura comprendre le nouveau monde dans lequel nous entrons et qui pourra nous aider à y naviguer intelligemment tout en maintenant notre prospérité. »

Bon, je ne suis pas d’accord avec tout ce que dit Mme Atwood, notamment quand elle oppose l’électricité des grands barrages et celle produite de façon autonome… comme si on pouvait facilement se passer de la première. Une articulation synergique me semble plus probable… de même que l’idéal d’une automobile électrique « propre » me semble plus difficile à soutenir qu’une révision de nos modes de transport encore basés sur des véhicules individuels… Mais j’ai beaucoup aimé les crochets bien appliqués à M. Harper !

[note : les liens hypertextes ont été ajoutés par moi]


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