Gilles en vrac… depuis 2002

la part du logement social et communautaire

Des perspectives de développement pour le logement social, communautaire et coopératif s’ouvrent avec les investissements annoncés par le gouvernement fédéral dans son dernier budget (voir billet précédent).

Par ailleurs le gouvernement provincial, de son côté, nous informe qu’il entend forcer la fusion des petits Offices municipaux d’habitation, au nombre de 500 actuellement. Ce qui risque d’ébranler un réseau de partenaires essentiels à la cause du logement social et communautaire. Il faut travailler à ce que cette consolidation à marche forcée du secteur de l’habitation sociale municipale n’amène pas l’enfermement sur soi d’une structure plus grosse, plus puissante, mais soumise (et apte à soumettre les autres) à des contrôles bureaucratiques.

Il ne faut sans doute pas idéaliser les relations de collaboration qui peuvent exister entre les Offices municipaux d’habitations et les OBNL et coopératives. Ces réseaux sont aussi des compétiteurs dans la soumission de projets aux programmes de construction ou développement de services (Accès-logis, Services communautaires…).

Le ministre Coiteux, responsable de la SHQ dans le gouvernement libéral de M. Couillard, promet aussi de poursuivre ou maintenir le programme Accès-logis alors que certains redoutaient de le voir disparaitre. Mais maintenir un programme en théorie et s’assurer que les conditions sont réunies pour son application sont deux choses distinctes en politique aujourd’hui. Du même souffle le ministre laissait entendre que les réseaux d’acteurs ne sont pas capables de livrer autant de projets que voulus, acceptés en théorie. Mais, rétorquent les acteurs communautaires, on nous impose de construire en fonction des coûts de 2009…

Mixité sociale, mixité du financement, non ségrégation

La mixité sociale a toujours soulevé des questions. Certains n’y voyant qu’une autre façon de nommer la gentrification. D’autres, dont je suis, y voyant plutôt une façon de construire des communautés plus solides et riches de leur diversité. On m’a laissé entendre (je ne sais plus si « on » parlait de la Ville-OMHM ou de la SHQ) que les principes de mixité sociale ne seraient plus appliqués au niveau d’un projet, mais plutôt au niveau d’un quartier. A-t-on fait un bilan sérieux des projets visant des clientèles mixtes ? A-t-on pu distinguer les effets d’échelle, de grosseur des projets des effets dus à la mixité ? Et si on identifiait les effets du mode de financement sur les relations « mixtes » entre locataires subventionnés et non-subventionnés ? Ne pourrait-on imaginer des modes de financement qui seraient moins générateurs de frictions et qui permettraient de mieux tirer partie des contributions volontaires et de l’engagement des acteurs dans les projets mixtes ? Qui dit non-mixité dit ségrégation, stigmatisation, ghetto, même s’ils sont petits… On devrait sérieusement étudier les conditions de réussite de projets mixtes, en terme de grosseur, de proportion de logements subventionnés dans l’ensemble… et expérimenter des modes plus gradués de financement plutôt que l’actuel mode où les plafonds de revenus admissibles sont si bas que les loyers (fixés à 25% de ces revenus) semblent ridicules comparés au voisin qui doit, lui, payer « le prix du marché » pour un logement semblable. Un prix du marché qui, étant calculé sur une base régionale rend l’offre de logement non subventionné encore moins accessible aux habitants des quartiers populaires pour des logements construits dans leur voisinage.

Nous ne manquons pas de moyens pour réaliser de telles études. La SHQ ou la SCHL pourraient le faire, si leurs services de recherche n’avaient pas été charcutés ou paralysés par des coupures profondes et réorganisations multiples ces dernières années. Mais je ne suis pas sûr que la SHQ soit en mesure d’évaluer de tels processus sociaux complexes. Ce sont les porteurs de projets et accompagnateurs (OBNL, coops, GRT et municipalités) qui devront initier de telles évaluations, soutenus par les ressources institutionnelles du logement (SHQ et SCHL) et de la recherche sociale (CRISES, CCROC, TIESS, Santé publique). ((D’autres questions que la mixité sociale mériteraient certainement d’être étudiées ou réétudiées))

Un autre réseau d’acteurs se montre utile et risque de le devenir encore plus : l’économie sociale. La Caisse solidaire Desjardins s’est développée une expertise dans l’accompagnement de projets en fin de convention… D’autres acteurs du réseau de la finance solidaire (les Fonds de travailleurs, du mouvement coopératif, du Chantier de l’économie sociale, de certaines fondations), participent de diverses façons aux montages financiers qui permettent de faire des projets de logement sociaux et communautaires des leviers de développement pour des communautés plus solides. Ce sont des alliés dans un monde, celui de la finance, avec qui les projets collectifs de logement ont toujours eu à négocier.

La question du financement à long terme du logement social et communautaire est posée avec acuité par l’échéance de 2 ans établie par le gouvernement fédéral pour en arriver à une « Stratégie nationale du logement ». Pour arriver à faire valoir et insérer dans la Stratégie un certain nombre de principes et d’idées il serait peut-être utile que les acteurs du domaine travaillent de concert, en mettant en commun certaines ressources afin de faire vite et mieux, sans dédoublement des efforts.

Il était symptomatique que le directeur du RQOH avoue ne pas avoir eu les moyens d’embaucher un économiste pour approfondir ou valider certaines dimensions de la « proposition audacieuse » de financement Permaloge avancée par l’organisme. On peut se demander, au sortir du congrès de l’ACHRU à Montréal la semaine dernière, si une association québécoise unique regroupant OMH, OBNL et coopératives ne serait pas mieux outillée pour défendre et promouvoir le logement social et communautaire ? Mais la prochaine période sera intense non seulement des débats entourant la formulation d’une stratégie fédérale en matière de logement mais aussi par les nombreux projets concrets de rénovation et construction qui seront déployés rapidement après des décennies de retrait fédéral. Le temps semble mal choisi pour parler de réorganisations… Pourtant, le réseau des OMH n’y échappera pas, qu’il le veuille ou non. Et puis, il n’y a jamais de « bon moment » pour ces décisions… À moins qu’on utilise la prochaine période d’intenses interactions pour mettre en place des structures temporaires qui serviront à l’atteinte d’objectifs limités et stratégiques, mais pourraient aussi permettre d’évaluer les conditions de réussite et limites d’un travail mieux coordonné, plus intégré des différents réseaux partenaires du logement social et communautaire.

Question d’échelle ?

Les petits projets (OBNL et coopératives) sont-ils condamnés à se fusionner pour survivre ? Est-ce que la petitesse, l’humilité des projets collectifs explique vraiment les difficultés et les peu d’inclinaison de ces formes de propriété à se projeter correctement dans l’avenir — en préservant leurs immeubles par des investissements et un entretien préventif ? Il faudrait en parler aux commissions scolaires, aux responsables municipaux et provinciaux qui n’ont pas tous entretenu de manière optimale leurs actifs immobiliers… préoccupés qu’ils étaient de réduire leurs coûts et budgets à court terme.

Si les efforts de rationalisation et de standardisation associés à la fusion des petites organisations indépendantes peuvent servir des objectifs de réduction des couts, la structure très centralisée peut s’avérer moins adaptée à des objectifs d’innovation et de mobilisation de ressources variées. Il faut préserver la « qualité réseau » de nos ressources et intervenants en reconnaissant la part d’autonomie que les branches locales-régionales de ces plus grandes organisations doivent maintenir pour être à l’écoute des milieux et participer aux innovations qui répondront aux besoins de demain.

Rapprocher les réseaux d’OBNL, de coopératives et de l’économie sociale ça ne se fera pas qu’au niveau national. Dans chaque quartier, chaque MRC les organisations des divers réseaux auront avantage à « se parler », partager leurs analyses des besoins et potentiels des milieux. Car même si le logement social et communautaire ne représente que 5 % du stock de logement, en moyenne, il représente beaucoup plus en terme de levier de développement des quartiers et villages.

Investissements immobiliers communautaires ?

Un investissement immobilier dans des projets de logement communautaire ou social peut représenter un placement à retombées multiples (financières, environnementales, sociales) pour des épargnants des communautés, pour des locataires qui n’ont pas les moyens ou le désir de devenir propriétaires mais qui pourraient profiter d’un tel véhicule d’épargne dans « la pierre ». La moitié de l’épargne de la « classe moyenne » se trouve investie dans l’immobilier((Piketty, Le capital au XXIe siècle)), le plus souvent dans une propriété individuelle (condo, maison unifamiliale ou duplex).

Mais cet investissement dans la propriété individuelle de son logement est inégalement réparti entre les régions urbaines et les moins urbaines ; entre les quartiers d’une même ville ; entre les générations… Seulement 32 % des ménages vivant hors de la région de Montréal sont locataires, alors que c’est près du double (62%) des ménages qui sont locataires à Montréal. Il faut non seulement réinventer la ville en aménageant des pistes cyclables – mais aussi en favorisant les investissements à long terme visant plus de densité ; plus de transport collectifs et actifs ; une utilisation diversifiée des sols ; une participation accrue et responsable des citoyens.

J’ai plusieurs malaises ou questions à l’égard d’une proposition comme Permaloge, avancée par le RQOH.

  • Et si on parvenait à établir un revenu minimum garanti, cela n’affectera-t-il pas les besoins en logements sociaux ?
  • Pourquoi le gouvernement serait-il libéré, même après 15 ans, de sa responsabilité de financer du logement social ?

Il faut que la formule de financement du logement social permette une offre de logement compétitive, un secteur témoin, un aiguillon au flanc du secteur privé qui assure une qualité de logement à la frange moins « payante » tout en permettant que les projets de développement répondent aux besoins de tous, et non seulement de ceux capables de mobiliser du capital.

Imaginons un revenu garanti… Est-ce à dire que les OBNL en habitation n’auraient plus de raison d’être ? Les missions sociales, le soutien communautaire à certains groupes, l’ouverture et l’articulation des milieux de vie aux réseaux de la communauté, le retissage de liens sociaux comme la mobilisation des intérêts, de la volonté collective dans des projets visibles, durables dans les communautés resteront de bonnes raisons de mener des projets de logement communautaires.

Historiquement les ressources de logement social et communautaire se sont développées en réponse aux grands projets de réaménagement urbain des années ‘60-’70 (autoroutes, grands projets institutionnels) ou en réponse plus récente aux problèmes sociaux (désinstitutionalisation et santé mentale ; pauvreté et monoparentalité ; vieillissement démographique). Ces ressources représentent un capital d’expertise et une capacité d’initiatives qui peuvent certainement servir à relever les prochains défis : ceux d’une urbanité plus dense, active, écologique ; ceux d’une occupation du territoire durable ; ceux d’une nouvelle économie plus solidaire, favorisant le développement des ressources humaines et matérielles d’ici dans des projets à long terme structurants pour les communautés locales et régionales.


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