information et démocratie

L’introduction du billet précédent (communication numérique) posait des questions auxquelles je n’ai pas vraiment répondu dans le développement de l’article :

Comment peut-on modérer les excès tout en favorisant la communication dans des réseaux appartenant aux usagers ? Si on veut rejoindre beaucoup de monde est-on condamné à mettre beaucoup d’efforts (et d’argent) à policer, exclure, contrôler, censurer ? Doit-on se satisfaire des limites actuelles des algorithmes des FB, X et autres Youtube qui décident à notre place ce que nous verrons, ou pas ?

La première question situe la modération dans le contexte particulier de réseaux appartenant aux usagers (ou sous le contrôle de ces derniers). La seconde question précise l’enjeu pour de grands groupes, de grands réseaux. Autrement dit peut-on imaginer une plateforme rejoignant beaucoup de monde qui ne soit pas infestée de spams, de discours haineux et de désinformation ET dont les règles soient entre les mains des utilisateurs plutôt que de propriétaires intéressés d’abord au profit ?

Certains prétendent que c’est impossible : qu’il y a une contradiction entre le grand nombre des usagers et la pertinence des fils de nouvelles proposés aux individus.

Comme le dit Mike Masnick dans son théorème d’impossibilité de Masnick, « la modération de contenu à grande échelle est impossible à bien faire ». Ironiquement, les mêmes effets de réseau qui augmentent la valeur des utilisateurs supplémentaires à mesure que les systèmes se développent augmentent également (au moins linéairement) la surface et le risque de modération du contenu, contrairement à la diminution des coûts par utilisateur grâce aux économies d’échelle. (…)

La médiation de contenu gérée de manière centralisée, comme la modération de contenu, est impossible à réaliser à grande échelle : il s’agit d’une tâche nuancée qui est hautement contextuelle, et nécessite donc une structure nuancée correspondante de traitement et de contrôle distribués pour être bien exécutée.

Community and Content Moderation in the Digital Public Hypersquare, Reisman et Riley

Reisman et Riley proposent de donner plus de pouvoir et d’outils aux aux individus et communautés/institutions dans le travail de « médiation curatoriale » permettant d’évaluer, de valider les informations qui circulent. Dans une série de quatre articles publiés de février à septembre 2022 ces auteurs développent leur analyse :

Et Reisman proposait en novembre 2023, dans Smartly Intertwingled: A New, Broader, More Fundamental Case for Social Media Agent « Middleware » (Intelligemment entrelacé… traduction Google), un argumentaire en faveur de « middlewares » qui viendraient faire ce travail de gestion, sélection, filtrage au nom, dans l’intérêt des usagers.

Reisman identifie trois piliers pour une gestion collective et intelligente des échanges :

  • L’agentivité et les choix individuels
  • Un écosystème de médiation sociale
  • La réputation et la confiance (des individus et organisations)

Ne pourrait-on imaginer En communPraxis jouant un tel rôle d’intermédiation ? Une façon de collectiviser le travail de découverte et de qualification des sources, d’accélération (ou décélération) des flux, de construction d’un espace de délibération libre du poids de la publicité.

Il faut se défaire de l’idée qu’il y a UN espace public, où devrait s’appliquer UN ensemble de règles pour tous les discours. Existent plutôt un semble d’espaces plus ou moins publics, dont l’accès et les contenus sont plus ou moins réservés ou policés. La démocratie qui serait gérée ou discutée à partir d’un espace commun unique, central… n’a sans doute jamais existé. Les places publiques ont toujours exclu des parties plus ou moins importantes de la population des délibérations : esclaves, femmes, étrangers… et aujourd’hui on pourrait ajouter les autres espèces avec qui nous partageons ce petit joyau de planète bleue.

En ajoutant les « autres espèces », n’est-ce pas ajouter encore au défi, déjà immense, de la délibération démocratique ? À moins que l’inclusion de ces « autres » ne corresponde à la prise en compte des limites écologiques, historiques, technologiques qui déterminent nos choix et nos actions. Et, incidemment, un des enjeux de l’inclusion de tels « partenaires non-verbaux » sera de décider des signes, des indicateurs qui nous informeront des intérêts/intentions de ces dits partenaires muets.

Il s’agit de plus que des discours et des savoirs dont nous devons aménager la libre circulation. La culture, le langage, les technologies sont utilisés pour dire, fabriquer les identités, réaliser les désirs ou simplement vivre. Les produits, les marchandises sont aussi des marqueurs forts des identités. Les métiers, les entreprises, les professions…

On ne peut développer une saine conception des espaces publics démocratiques sans situer cette discussion dans le contexte des avoirs, privilèges, pouvoirs qui structurent, façonnent les échanges et délibérations dans nos démocraties.

Si nous voulons parler des « vraies affaires » dans le contexte actuel de crises multiples, de perte de confiance dans les institutions traditionnelles (dont les médias) il faudra avoir des entrées (et des traductreurices) partout, afin de mobiliser (ou neutraliser) le pouvoir d’agir nécessaire. Ce que Durand Folco et Martineau nomment la coordination sociale algorithmique.

Jonathan Durand Folco et Jonathan Martineau, dans Le capital algorithmique, citent Morozov qui propose en matière de coordination sociale algorithmique non marchande et non autoritaire trois pistes : 1) la solidarité comme procédure de découverte; 2) le design de mécanismes non marchands; 3) la planification automatisée.

La solidarité comme procédure de découverte

 » Des plateformes favorisant la communication et la délibération représente l’un des exemples de cette coordination non marchande, [tel le réseau social En commun.] (…) Des «infrastructures numériques de rétroaction» pourraient favoriser ce genre de processus d’apprentissage individuels et collectifs, sans passer par la médiation des prix ou du marché. »

Durand Folco, Jonathan; Martineau, Jonathan. Le capital algorithmique (p. 596). Écosociété.

Le design de mécanismes non marchands

L’idée générale est que les mécanismes de coordination sociale ne doivent pas être conçus de façon rigide, par la simple opposition entre bureaucratie uniformisante et liberté marchande, car il y a une pluralité de moyens institutionnels permettant d’assurer la coordination sociale.

Durand Folco, Jonathan; Martineau, Jonathan. Le capital algorithmique (p. 597). Écosociété.

La planification algorithmique

Selon Morozov, ces innovations technologiques rendent caduque la nécessité de recourir à une planification centralisée de l’économie, et laissent plutôt présager une transition vers un «socialisme de guilde», comme le suggère aussi Daniel Saros. (…)

L’enjeu d’une planification algorithmique socialiste serait donc de favoriser une réappropriation démocratique de ces technologies algorithmiques, visant à les insérer dans un nouveau système économique qui ne serait plus axé sur la croissance infinie et la maximisation des profits, mais sur la satisfaction optimale des besoins humains avec un minimum de travail possible.

Durand Folco, Jonathan; Martineau, Jonathan. Le capital algorithmique (p. 598 et 599). Écosociété.

La planification algorithmique dans l’intérêt collectif, c’est le retour du débat d’il y a cent ans à propos de la théorie économique du socialisme. Mais avec des moyens qui n’existaient pas : pouvoir répondre en « temps réel » aux contraintes et signaux du terrain, du local. Dans un article de juin 2019, publié par la New Left Review, Digital Socialism, Morozov relate les débats des années 30-40 entre Hayek et les tenants de la planification socialiste et met ainsi en lumière les possibilités des technologies pour une planification démocratique et décentralisée, chose qui n’était pas possible à l’époque. 

Plus récemment le même Morozov a réalisé un important travail d’enquête et d’historien autour de l’expérience de planification menée par Stafford Beer et son équipe, avec les technologies « cybernétiques » primaires de l’époque, au service du gouvernement d’Allende au Chili. Il en a résulté une série d’entrevues (podcasts) mais aussi une somme impressionnante de documents afférents déposés sur le site dédié des Santiago Boys.

La finitude enfin reconnue des ressources de la planète et le poids accumulé des « externalités » générées par le développement accéléré des dernières décennies nous oblige à revenir à un État pour la planification écologique. Nous avons la chance que cette nouvelle planification puisse se faire de manière plus décentralisée, flexible. Nous n’avons plus les moyens, la planète ne peut plus supporter le développement aveugle du capital pour le capital.

communication numérique

Comment peut-on modérer les excès tout en favorisant la communication dans des réseaux appartenant aux usagers ? Si on veut rejoindre beaucoup de monde est-on condamné à mettre beaucoup d’efforts (et d’argent) à policer, exclure, contrôler, censurer ? Doit-on se satisfaire des limites actuelles des algorithmes des FB, X et autres Youtube qui décident à notre place ce que nous verrons, ou pas ?

Les enjeux entourant le contrôle des plateformes numériques devenues hégémoniques, omniprésentes sont d’actualité : loi fédérale C18 obligeant la négociations de « contributions » des plateformes au financement des média… poursuites aux USA contre les GAFAM pour abus de position dominante… 

L’Énoncé économique de l’automne déposé par la ministre Freeland comprenait l’annonce d’une nouvelle loi musclée sur la concurrence, y compris de nouvelles lignes directrices sur les fusions, une nouvelle norme d’« abus de position dominante » et des règles sur le droit à la réparation : https://www.linkedin.com/feed/update/urn:li:activity:7132855021548769282/  Une référence de Doctorow.

Il faut suivre ces débats, manifester notre appui et formuler des exigences en termes d’interopérabilité, de facilités d’exit, de transparence des algorithmes… 

Il faut aussi soutenir, expérimenter, utiliser et développer des solutions autonomes, indépendantes des GAFAM pour nos besoins de communication, d’échanges de savoirs et d’information. C’est à ça que se consacre Projet collectif avec ses plateformes En commun et Praxis. Non seulement sont-ce des solutions indépendantes mais elles sont aussi orientées éthiquement : des valeurs, des vertus dirait Durand Folco, guident le développement de ces plateformes alternatives. Des valeurs autres que le commerce et la publicité. 

« En commun est un environnement numérique éthique, gratuit, accessible et collaboratif, permettant de connecter les savoirs et les personnes pour une société plus équitable et écologique. Il vise à soutenir la collaboration intersectorielle et la mobilisation des connaissances des citoyen·nes, gestionnaires, professionnel·les, chercheur·ses, entrepreneur·es et toutes autres personnes travaillant au développement de réponses innovantes aux défis sociaux et environnementaux du Québec»

Cité par Le capital algorithmique.

Culture numérique et culture politique

La littératie numérique de la population en général est toute récente. C’est le téléphone intelligent qui a permis l’élargissement de la base des média sociaux. Internet dans sa forme accessible du Web existait depuis déjà 15 ans quand Facebook et Twitter ont pris leur envol… propulsés par l’arrivée du téléphone intelligent : on pouvait, enfin, visionner des vidéos de chatons et de chars sur son téléphone, en attendant son Big Mac, ou l’autobus! Ou, plus sérieusement, lire ses courriels, réagir aux dernières nouvelles, réagir en temps réel à ce qui se passe devant soi. 

Les #mots-clic (#hashtags) tels #BlackLivesMatter ou #MeeToo ont rendu visibles des gestes, des actions, des évènements en en multipliant l’écho, l’impact. La jeune femme courageuse qui a filmé la mort de Georges Floyd n’était pas journaliste, ni photographe. Seulement une passante avec son téléphone. 

Qu’est-ce qui a permis la montée en puissance si rapide des GAFAM ?

Un bon produit au départ, sans doute, qui a bénéficié d’un investissement en capitaux gigantesque. Des capitaux de risque pour commencer, puis des capitaux attirés par la position dominante, quasi monopoliste dans un deuxième temps. La protection légale des brevets et des logiciels « propriétaires » a fini de consolider la position dominante des entreprises en permettant l’enfermement des usagers dans des enclos opaques dont les flux d’information et de sollicitations sont contrôlés par des algorithmes propriétaires. 

La montée en puissance des plateformes numériques et média sociaux a été tellement fulgurante que les États et gouvernements ont tardé à légiférer, laissant s’installer des situations quasi-monopolistes où les GAFAM raflent maintenant la presque totalité des revenus publicitaires qui autrefois faisaient vivre journaux, télé et radio1Voir le graphique Répartition du marché publicitaire au Québec en 2003, 2012, 2018 et 2021 dans le billet précédent. Un avantage supplémentaire dont bénéficiaient les Google-Facebook disparaitra bientôt : les dépenses publicitaires y étaient déductibles d’impôt pour les annonceurs à un taux supérieur (100%) à celui accordé aux annonceurs dans les média « traditionnels ». Voir Ot­tawa plans tax re­form to drive ad­ver­tis­ing with Google and Meta back to Cana­dian me­dia

Mais peut-être que la majorité des gens n’ont rien à reprocher aux GAFAM… On se contente de profiter d’une plate-forme gratuite… en acceptant d’être suivi, ou de se voir offrir des publicités. So What ? On n’est pas obligé d’acheter ! Mais si ce qu’on me propose d’acheter n’est pas le meilleur deal ? Si on ne vous propose que des gros chars et des voyages dans le sud ? Des objets de désir pour ceux qui ont les moyens et aussi pour ceux qui les auront peut-être un jour…

Polarisation et fake news

Les études sur les effets des algorithmes de Youtube (2022) ou plus récemment de Facebook (revues Science et Nature, 2023) tendent à minimiser les effets idéologiques des plateformes : s’il y a un effet de chambre d’écho, il est (très) léger et touche surtout la tendance conservatrice. Mais les conséquences en terme d’action, de changement dans les attitudes ou les valeurs des usagers sont peu visibles. Les usagers sont actifs dans les choix qu’ils font de valoriser ou de rediffuser des unités d’information. Et ils ne sont pas naïfs non plus : ils sont souvent conscients de l’invraisemblance de certains mèmes qu’ils se font un malin plaisir de rediffuser (pour ennuyer les « wokes »?). 

OK les GAFAM ont réussi, grâce à leurs machines à siphonner l’info sur leurs milliards d’usagers, et s’accaparer le gros du gâteau des dépenses publicitaires. Une correction des crédits d’impôts inéquitables n’enlèvera pas l’avantage principal de ces plateformes qui se sont insinuées comme espaces publics dominants grâce à leurs algorithmes protégés par des lois du copyright et de la propriété intellectuelle capitalistes monopolistiques. 

Le financement des média par la publicité, directement (vente d’espace publicitaire) ou indirectement (subventions de la part des GAFAM qui ont fait main basse sur le marché publicitaire), s’est révélé un piège à long terme : on pouvait supprimer ou réduire grandement le prix de l’abonnement pour l’usager… en accroissant sa diffusion, mais en devenant dépendant de la publicité. Tant qu’on ne considère cette dernière que comme un simple reflet des valeurs (et produits) de la société, il n’y a pas de problème moral…Cependant la publicité n’est pas innocente ou sans conséquence. “La publicité favorise essentiellement les produits et les services les plus néfastes, que ce soit pour l’écologie ou pour la santé humaine.” Comment la publicité empêche la transition écologique et sociale.

Et si, à cause de l’évolution des TIC2Technologies et l’information et de la communication les média perdent le gros de leurs revenus publicitaires, pourquoi faudrait-il continuer de lier le financement des média au volume de publicité diffusée ailleurs ? C’est sur les profits exorbitants et la position dominante des GAFAM qu’il faut miser. Une position qui fut favorisée par les protections extraordinaires en matière de propriété intellectuelles et droits commerciaux qui ont été accordées aux Big Tech. 

« Les logiciels ont alors bénéficié d’une protection de leurs droits d’auteur bien supérieure à celle jamais appliqué aux œuvres littéraires, aux compositions musicales, aux enregistrements sonores, aux photos ou aux films.

« L’interdiction de contourner la gestion des droits numériques, ou DRM (digital right management), énoncée dans la section 1201 du DMCA, l’article 6 de l’EUCD et des lois similaires dans le monde, font du logiciel la classe d’œuvres la plus protégée par le droit d’auteur au monde. Les auteurs de logiciels (ou plutôt les entreprises qui les emploient) bénéficient de plus de restrictions en matière de droit d’auteur que le compositeur le plus talentueux, le sculpteur le plus brillant ou le plus grand écrivain. » Ma traduction (GB)

The Internet Con: How To Seize the Means of Computation de Cory Doctorow, page 156

Si les GAFAM ont atteint une position dominante non seulement dans le domaine des services numériques, mais bien dans l’économie toute entière, ce n’est pas parce que ces entreprises étaient plus intelligentes, entreprenantes ou généreuses que les autres. C’est qu’elles ont eu les moyens d’acheter la concurrence tout en enfermant leurs clientèles dans des environnements dont elles peuvent difficilement sortir. 

Tableau 8.4 Palmarès des entreprises capitalisées en bourse 2006-2021, page 219 in Le capital algorithmique ( aussi 2 autres tableaux dans billet précédent)

Les GAFAM ont su utiliser les TIC de façon innovante et ont ainsi contribué à créer un nouvel espace, un cyberespace où les discours mais aussi les produits s’échangent dorénavant. Les usagers et les concurrents des GAFAM ont eux aussi contribué à créer la culture, expérimenter les possibles, développer la littératie numérique sur laquelle repose le pouvoir des GAFAM. 

Faudrait-il diviser ces entreprises devenues quasi-monopoles ? Ou simplement redistribuer une partie des surprofits que cette position privilégiée leur permet ? Plutôt que de les briser certains proposent plutôt d’imposer aux quasi-monopoles une obligation d’interopérabilité avec les acteurs extérieurs, concurrents ou partenaires. Voir Pour l’interopérabilité des réseaux sociaux, par La Quadrature du Net, et The Internet Con: How To Seize the Means of Computation de Cory Doctorow. 

Mais cela ne résoudra pas le problème de la disparition des revenus publicitaires qui faisaient vivre les média traditionnels. Si l’interopérabilité favorise l’émergence d’un écosystème numérique plus sain, moins dominé par une oligarchie de quasi-monopoles, il y aura moins de « surprofits »… Mais cela risque de prendre du temps : même en situation de concurrence plus ouverte, le poids de l’habitudes et de la facilité risque de maintenir longtemps la position avantageuse des GAFAM. 

Et puis, la taxation sur les multinationales, qui devait s’établir à 15% suivant une entente signée par 136 pays en 2021… ne semble pas encore près de s’appliquer. OCDE 2023 : “Les entreprises multinationales continuent de déclarer des bénéfices faiblement imposés, même dans les juridictions où les taux de l’impôt sur les sociétés sont élevés, ce qui souligne la nécessité d’une réforme fiscale à l’échelle mondiale.”

Aussi les ententes particulières entre GAFAM et gouvernements, ou entre GAFAM et média seront encore nécessaires pendant un temps. Le déverrouillage des environnements numériques pour permettre l’échange d’information entre différents systèmes (on en parle pour les banques dans l’Énoncé économique de l’automne) redonnerait un dynamisme dans l’offre de services. Et les revenus tirés d’une taxation plus équitable, anti-monopoliste des GAFAM pourrait être redistribués suivant certains principes.

Catherine Dorion proposait, dans une annexe minoritaire au Mandat d’initiative sur l’avenir des médias, de taxer les GAFAM de 3% pour redistribuer en fonction de la présence de journalistes « patentés », c’est à dire membres de la Corporation. Je préfère, pour ma part, l’approche de De Grosbois dans La collision des récits :

Postulons qu’une lutte contre l’évasion fiscale des géants du web permette d’amasser des sommes dignes de ce nom pour l’information. [I]maginons qu’on alloue aussi des fonds à d’autres médias issus de la communauté. Les médias d’information pourraient être considérés comme éligibles sur la base de critères tels que ceux établis par Pierre Rimbert dans son «projet pour une presse libre»: être à but non lucratif, ne pas posséder plus d’un titre par type de contenu, ne pas avoir recours à la publicité. À ces critères, on pourrait ajouter l’accès du public aux budgets et aux dons substantiels, la disponibilité des archives numériques et l’adhésion à des normes minimales de validation des faits (renvoi aux sources, correction en cas d’erreurs manifestes, etc.). 

Une liste de médias admissibles à l’aide publique serait donc constituée sur ce type de critères non idéologiques. Ensuite, les montants disponibles pourraient être distribués en fonction du choix des citoyen.ne.s: on recevrait une fiche tous les ans sur laquelle on choisirait un ou plusieurs médias que l’on souhaite soutenir. Chaque citoyen.ne disposerait du même montant à octroyer, et des plafonds seraient mis en place pour assurer qu’une diversité de publications reçoive des fonds. Un tel modèle pourrait revitaliser les médias régionaux et locaux.

La collision des récits, Philippe de Grosbois

Pour aller plus loin :

Notes

  • 1
    Voir le graphique Répartition du marché publicitaire au Québec en 2003, 2012, 2018 et 2021 dans le billet précédent
  • 2
    Technologies et l’information et de la communication

la saga des livres numériques

En septembre dernier j’ai acheté un livre (The Power of Us) au format numérique « Livres », de Apple, à lire avec l’application du même nom. Mais encore une fois, cette version avait la fonction « copier » bloquée… chose que j’ai plus d’une fois remarqué et dénoncé. En plus, cette fois, les notes inclues dans le texte se révélèrent toutes vides ! Je décidai donc de déposer une plainte à l’éditeur.

Le 28 septembre, j’avais réussi à trouver une adresse courriel chez l’éditeur Hachette-USA  où déposer ma plainte :

I have two complaints, after reading a few pages.

First, the Notes included in the text do not have any content. The only thing we see when clicking on it is the repetition of the number. (see the screen grab attached)

And Two : When I highlight a line or a phrase, I can’t copy it ! I can only make a note. But it is a good part of the interest of having a digital copy of a book : to be able to comment and work on extracts and citations. 

I suppose the Amazon version of your book would permit this kind of phrase copying… because I noticed this difference before in other books. 

Can I ask for a reimbursement of my Apple Books copy so I can buy an Amazon copy to be able to work with it ? And Can I Ask You, as publisher, to signal this very annoying difference in the format of the ebooks, that, nonetheless we pay the same price !


Le 21 octobre je recevais comme réponse :

Hello Gilles, 

I am sorry to hear about the difficulty you are experiencing with your Apple version of The Power of Us.  Unfortunately, we are not able to assist with the technical difficulties you are experiencing with Apple. You will need to contact the customer support team at Apple to help resolve your issue or issue a refund.

Thank you,

Nicole C.
Fulfillment Coordinator
Hachette Book Group

À quoi je répliquai, dans la journée, avec CC à applebooks.apple.com :

This is really annoying. I thought the publisher would care to know his books were not as useful and correctly rendered in one of the ebook standards where they are published. 

I am sending this reply to AppleBooks, but I suspect they will simply say that it was the choice (or the error) of the publisher ! Because it is not the Book app that does not permit the copying of a phrase. I have read lots of Books from other publishers in this format that don’t block this function. 

Thanks for the reply, anyway. 

Gilles Beauchamp

À quoi, Nicole C. (de Hachette Books) me répondait quelques 30 minutes plus tard :

I apologize, Gilles. I understood it to be an Apple specific issue only. I am sending this along to our team that handles ebook files to ask them to review. 

Entre temps j’avais déposé deux « questions » sur les forums d’usagers de Apple, en français et en anglais.:

Copier un mot ou une phrase dans l’application Livres

Il m’est arrivé d’acheter un livre au format Livres où je peux souligner des mots, une phrase, mais ne peut la copier (la fonction « copie » n’est pas activée). Ce que je trouve très ennuyeux car je travaille avec ces livres et je veux en citer des extraits… J’ai trouvé cela tellement ennuyeux que j’ai dû acheter le même livre chez Amazon, et là la fonction « copier » n’était pas bloquée.

Continuer la lecture de « la saga des livres numériques »

des classiques de la littérature à emporter

On trouve en kiosque actuellement, un Nouvel Observateur « hors-série » portant sur Les chef-d’oeuvre de la littérature du XIXe et XXe siècle, commentés par des écrivains d’aujourd’hui. Il est intéressant de se voir introduit à ces classiques, d’autant plus que les plus anciens d’entre eux sont maintenant disponibles en format numérique gratuitement.  Ici la liste (avec liens vers la version numérique format Kindle – gratuite) – pour emporter sur la plage !

la rentrée numérique

Le quart des livres de la rentrée française sont disponibles en format numérique. Une forte hausse depuis un an (5-6 % l’an dernier). Sur les 700 romans publiés à l’occasion de la rentrée littéraire 2010, entre 20 et 25% d’entre eux sont disponibles en numérique. L’an dernier, cette fourchette ne dépassait pas 5 à 7%. [Le magazine littéraire]

Une augmentation de l’offre qui n’a pas encore répondu aux questions et critiques concernant les droits (DRM), les prix jugés encore trop élevés (après tout, il n’y a pas de marché de l’usager pour le eBook)…  Ici, les romans de Gallimard en version électronique sont offerts au même prix (ou même plus chers) que la version papier !

Cette répartition du prix d’un livre, faite pour la France mais sans doute pas très loin de la situation au Québec, permet de cibler les portions du prix qui pourraient être, éventuellement, amputées ou réduites… Mais, et c’est l’argument des éditeurs et gros joueurs : si la mise à disponibilité en format numérique s’accompagne de la perte d’une partie des ventes papier (ce qui devrait être le cas, normalement !) le travail de l’éditeur ou de l’auteur n’en sont pas pour autant diminués ! Écrire un livre (et le rendre lisible, par un travail d’édition) ne demande pas moins d’efforts si on prévoit diffuser le produit en format électronique.

Et cela ne compte pas l’effet pervers de certaines politiques, telle la montée de la taxe d’un taux de 5,5% à près de 20% pour les eBook français !!  Autrement dit, dans le cas français, une bonne part des économies potentielles s’envolent en hausse de taxes ! Continuer la lecture de « la rentrée numérique »

inclusion numérique

Ça me fait penser aux slogans des recensement : soyez du nombre… En fait c’est le thème général d’une série de rapports rendus publics cette semaine par le ministère des communautés et gouvernement local de Grande-Bretagne : Digital Inclusion. Sept (7) documents, dont 5 rapports de recherche. Les titres à eux seuls sont un programme : Understanding Digital Exclusion – Research Report, 53 pages ; Technology Futures and Digital Inclusion – Research Report, 35 pages ; Community Perspectives on Digital Inclusion: Qualitative Research to Support the Development of the Digital Inclusion Strategy – Research Report, 51 pages , An Analysis of International Digital Strategies: Why develop a digital inclusion strategy and what should be the focus? Research Report,124 pages , Online Social Networks – Research Report, 41 pages .

Les deux derniers documents sont le plan d’action pour réaliser l’inclusion numérique (Delivering Digital Inclusion, 84 pages) soumis à la consultation, et un rapport sur l’utilisation que fait le secteur public anglais pour lutter contre l’exclusion numérique (Delivering Digital Inclusion Annex: Public Sector Use of Information and Communications Technologies to Support Social Equality, 99 pages ).

Près de 500 pages… de plaisir ! Kevin Harris, qui me pistait sur cette parution, a déjà lu deux des rapports et donne un commentaire éclairant (comme toujours !) : en deux mots, l’inclusion numérique sera toujours, d’abord, une inclusion sociale. Lorsque les plans d’action pour combattre la division, l’exclusion numérique l’oublient… on peut douter de leur chances de succès. (Kevin ne dit pas qu’ils l’ont oublié, cependant). Seulement que les conclusions actuelles sont fort semblables à celles de rapports plus modestes qui ont guidé l’action depuis 2002 dans ce domaine. Le billet de Kevin vaut d’être lu, et je vais aussi jeter un coup d’oeil sur les rapports, ne serait-ce que pour y trouver quelques données fraiches pour ma mini-conférence le 14 novembre prochain, dans le cadre du colloque 10e anniversaire de la revue NPS sur le Renouvellement démocratique des pratiques.