Gilles en vrac… depuis 2002

mode de pensée et Internet

De manière fortuite, (sérendipité ?), j’ai poursuivi la réflexion abordée la semaine dernière autour de l’accès aux textes, droits d’auteur et Internet… notamment, en lisant le court texte de Christian Rioux : La France contre Google qui soulignait le peu de qualité de certaines numérisation de Google, chose que j’avais déjà notée personnellement, et qui était relevée à l’évidence ce vendredi par Carr : The scanner’s hand. Il semble en effet que la vitesse avec laquelle ce travail est fait, mais surtout le peu de contrôle de qualité qu’on y met, donne parfois de piètres résultats. Pour ceux qui voudraient savoir ce que cachaient les doigts de l’opérateur dans ce texte de Kant (qui, incidemment, portait sur les droits d’auteurs !), on peu lire ici la correction.

Le texte de Rioux s’appuie sur Le rapport «Mission sur la numérisation du patrimoine écrit».

On donne en haut de l’article de Rioux l’adresse URL de ce rapport, ce qui est rarement le cas dans les média électroniques : on ne veut surtout pas que vous quittiez le site. Ainsi lorsque vous lisez un article sur Cyberpresse.ca, les seuls liens externes que vous pourrez cliquer, ce ne sont pas les sources utilisées pour l’article que vous venez de lire, mais bien la publicité…

Par ailleurs je ne trouve pas les arguments de Rioux très forts : à pester contre la modernité, contre l’engouement pour le nouveau… c’est opposer l’engouement pour la tradition…

Me semble qu’un des enjeux de cette numérisation à marche forcée (qui fut accélérée, finalement, grâce à la pression de Google) se trouve, oui dans la question des droits que s’arroge ce dernier sur les produits ainsi rendus disponibles… PENDANT 20 ans !, mais aussi les droits que ce même Google Books versera aux auteurs, pour les numérisations de livres qui n’étaient plus disponibles. Combien d’auteurs ont vu leurs livres passer au pilon parce qu’il fallait faire de la place sur les tablettes… sans qu’on se préoccupe d’aucune façon de rendre disponibles ces œuvres par d’autres moyens ?

Un autre article, sur une question incidente, découvert en survolant mes fils de nouvelles : The Age of External Knowledge, me rappelait l’existence de ce Edge, qui pose chaque année une question à plusieurs auteurs. Cette année la question était Comment Internet change-t-il notre façon de penser ? (How is the Internet changing the way you think?) Parmi les 172 auteurs ayant répondu à la question : Nicolas Carr (qui avait déjà proposé dans les pages de The Antlantic : Is Google Making Us Stupid ?), Steve Pinker, Howard Rheingold, Dawkins, Dennett… Mais ce sont les contributions de Clay Shirky et Joseph Ledoux que j’ai le plus appréciées (parmi celles lues). Celle de Ledoux, sans répondre directement à la question, souligne à quel point la mémoire est quelque chose de fragile, en ce qu’elle est recomposée, reconstruite à chaque fois qu’on la rappelle. Comme il dit : la seule mémoire fidèle est celle qu’on ne rappelle jamais !

Pour Shirky, l’abondance crée plus de changements, brise plus de choses que la rareté (surplus always breaks more things than scarcity). Bon, je ne suis pas sûr qu’il avait en tête les périodes de famines… mais suivons-le quand même dans son fil de pensée. Il rappelle la période où la lecture-écriture est devenue un savoir moins exclusif, plus accessible, et où les scribes ont, par le fait même, perdu leur emploi. Un peu plus tard, il cite l’émergence de la chimie qui s’est dégagée de l’alchimie grâce à un travail de collaboration et de comparaison des méthodes utilisées par les membres d’un Collège invisible. En quelques décennies ces hommes de science fonderont les méthodes de travail et règles qui donneront son essor à la révolution industrielle. Aujourd’hui, l’irruption de centaines de millions de producteurs amateurs dans les domaines, jusqu’ici réservés, de la production média a de quoi faire chuter la qualité… ce que s’empressent de dénoncer les tenants professionnels des hauts pavés d’hier. Mais de nouvelles règles sont possibles, sont à créer pour s’assurer que l’on sépare l’ivraie du bon grain, qu’on garde et protège les possibilités nouvelles (participation des patients aux tests médicaux, des astronomes amateurs aux découvertes de la NASA…) des attaques que les barons des médias ne cessent de mener et fomenter pour ramener les utilisateurs dans leur bon rôle de consommateurs passifs. Shirky en appelle à un nouveau Collège invisible qui s’attacherait à soutenir les changements intellectuels et civiques qui pousseront l’évolution technologique vers l’avant, grâce à une culture du partage et de la participation. À la question il répond : on ne sait pas encore ce qu’Internet changera dans notre mode de pensée, nous ne serons pas là pour le voir. Il faut cependant travailler maintenant pour que le développement soit à la hauteur des possibilités et de nos valeurs !

Voir aussi : Internet profite-t-il plus aux dictateurs ? (How dictators watch us on the web) qu’aux militants ? (The net advantage).


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