aux origines catholiques des services publics et communautaires québécois

Plusieurs trouveront irritante la question que je pose. Quelle est la part des services publics et communautaires québécois qui reste influencée par la tradition catholique ? Question innocente, ou inutile diront certains, mais que je trouve d’actualité à chaque fois que Statistique Canada publie les résultats de son enquête sur la participation et le don… ou encore lorsque je lis certains discours canadiens sur le développement des services aux enfants et aux familles. Ainsi ce Early Years Study 2 – une cette étude du Dr Mustard et al., celui-là même qui était invité à ouvrir le colloque sur le développement de l’enfant réalisé aux JASP de 2008 et dont le document EYS2 est donné comme toute référence à la vision de Avenir d’enfants. (Depuis que j’ai commencé d’écrire cet article, la version 3 de ce travail au long cours, Le point sur la petite enfance 3, est parue. Voir le billet précédent).

Je ne peux m’empêcher de voir dans la différence importante que les sociétés québécoise et canadienne anglaise montrent dans leur façon de répondre à un besoin social contemporain (les services à la petite enfance) un reflet des traditions catholique et protestante qui ont marqué et marquent encore nos deux nations. Une tradition catholique française qui semble moins craintive devant le développement de solutions publiques, étatiques alors que sa contrepartie protestante semble résister, au nom du rôle de la famille sans doute, à l’instauration de services nouveaux, d’accès universel.

Mais cet exemple n’est qu’un exemple, et il n’est peut-être pas le plus représentatif de la dynamique à l’œuvre dans le mouvement communautaire québécois. Un mouvement où je me plais à voir à l’œuvre une logique citoyenne qui se mobilise pour identifier des problèmes, des besoins, faisant pression pour que soient affectées à ces besoins des ressources collectives… après quoi les citoyens rentrent chez eux, redevenant des utilisateurs, des usagers de ce nouveau service. Je sais que c’est tourner les coins ronds… mais il me semble que du côté protestant il y a un désir, un principe de participation, d’engagement qui perdure, plus encore il me semble que du côté communautaire quasi-publique québécois.

Cette image est certes grossière en ce que le dit mouvement communautaire est justement un mélange des traditions française et anglo-saxonne, un mélange d’affirmation de la responsabilité publique (en terme de financement) et de l’autonomie de la société civile. En ce sens la comparaison serait sans doute plus crue et complète à mettre côte à côte la société française et l’anglo-saxonne. Mais c’est la société d’ici qu’il m’intéresse de réfléchir. Et je ne peux m’empêcher de rappeler les racines pas si lointaines mais bien catholiques de plusieurs organisations communautaires encore à l’oeuvre sur le terrain. Que serait le Resto-pop s’il n’y avait eu Soeur Annette ? Et Interaction famille, s’il n’y avait eu Pierrette Lafleur, elle aussi religieuse ? Et ASTA, et le Centre culturel et sportif…

Autrement dit, la présence des communautés religieuses catholiques n’est pas si lointaine dans l’histoire des organisations communautaires. Ce que je me demande c’est si cette présence aurait eu un effet différent si elle avait été d’obédience protestante. Est-ce qu’il y aurait une « manière catholique », orientée par un dévouement, une charité à l’endroit des « nécessiteux », charité pratiquée d’abord par les « permanents » que sont les membres des communautés religieuses, alors que la « manière protestante », moins basée sur la main-d’œuvre de communautés religieuses (qui – c’est mon hypothèse – étaient moins nombreuses que du côté catholique), serait plus orientée vers l’entraide et l’engagement des membres laïcs des paroisses ?

Je sais que c’est vite dit… mais c’est une question que j’aimerais bien creuser. Une meilleure compréhension des racines culturelles et historiques, où la religion était étroitement mêlée aux structures sociales (services sociaux, de santé, d’éducation), nous permettrait de mieux saisir les différences entre les sociétés d’aujourd’hui, pour mieux préparer celle de demain.

EYS2-3 – une vision intégrée des services à la petite enfance

Juste au moment où je finissais ce billet, après une deuxième lecture du Early Years Study 2… voici que paraissait mardi dernier la troisième itération de cette étude : Le point sur la petite enfance 3 ! Et en français cette fois. Alors je vais lire avec grand intérêt cette nouvelle mouture. Je vous en reparle… En attendant, voici tout de même le billet que je préparais…
En marge d’une deuxième lecture de ce document de 178 pages cité comme source de la vision de la fondation Avenir d’enfants.

Si les avancées neurologiques sur le développement du cerveau des jeunes enfants sont sans doute applicables dans toutes les cultures, les contextes dans lesquels la « science sera mise en action » sont hautement différenciés. Et quand on parle du contexte canadien, la compréhension de la situation différente du Québec est essentielle : les services aux jeunes enfants, partie d’une politique familiale québécoise originale, sont un bel exemple de « société distincte », de nation distincte.

Pourquoi le Québec s’est-il doté d’un réseau public de garderies et pas le Canada anglais ? La chose n’est pas si simple que d’avoir d’un côté la solution publique et de l’autre le service privé ou l’absence de service. Car ce réseau de services s’est développé pendant longtemps en résistance à son intégration publique : le modèle français des crèches intégrées au réseau public de l’éducation poussait à une intégration publique à laquelle les parents des enfants en « garderies populaires » ont résisté des décennies durant par crainte et insatisfaction à l’endroit des services d’éducation primaires publics (voir Dates clés dans le développement des garderies-CPE). Il fallait un milieu plus proche des parents, où ces derniers étaient plus engagés qu’ils l’auraient été dans une version préscolaire de l’école. Cette insistance sur la participation parentale a sans doute fait du réseau des garderies québécois le modèle le plus proche de la culture anglo-saxonne protestante… Un réseau qui se sera  finalement converti en une formule publique où l’engagement des parents reste affirmé, formellement, mais dans un cadre de financement et règlementaire de plus en plus serré. Mais un réseau encore incomplet, parce que le financement n’est pas à la hauteur des défis pour rejoindre les enfants des milieux défavorisés, ou encore plus simplement pour assurer à tous la qualité nécessaire.

Mais la vision intégrée est attrayante : où les services de stimulation précoce, de garde en milieu familiale, de garde en installation autant que ceux d’accompagnement des mères enceintes et de visites pré et post-natales font partie d’une seule organisation offrant des services universels de qualité. Pourquoi, en effet, se contente d’assurer l’universalité d’accès à l’éducation à compter de l’école primaire seulement, alors qu’on sait très bien que les premières années seront cruciales pour le développement futur de l’enfant et sa réussite tant à l’école que sur le marché du travail.

L’étude canadienne (EYS2) identifie ainsi les défis (challenges) qui confrontent le réseau québécois de services à la petite enfance (ma traduction – page 113) :

  • Une intégration difficile de l’action des CPE avec les services de santé (pré et post-natal, de santé et de soutien aux familles) qui sont offerts par les CLSC
  • des problèmes endémiques de recrutement et formation de la main-d’œuvre
  • des déficits encourus par les CPE par défaut de paiement de certains parents
  • des barrières à l’accès pour les enfants ayant des besoins spéciaux ou encore qui ne veulent assister qu’à temps partiel – pour des raisons de subventions inadéquates
  • la qualité générale qui est jugée insuffisante, même si les CPE « scorent » mieux que les services privés ou non régis.
  • la moindre participation des familles de statut socio-économique plus faible, et l’utilisation plus fréquente par ces dernières de services à but lucratifs – de moindre qualité.

Sur cette dernière question de la qualité et de l’utilisation des services en regard du statut socioéconomique des familles, voir l’étude de Japel et Tremblay La qualité, ça compte (2005).

Comme on le reconnait dans l’étude canadienne, le Québec est seul de sa classe : About 64% of young children [in Québec] were in regulated child care in 2004 compared to 10.8% in Ontario. On reconnait aussi qu’il est plus difficile d’intégrer des services qui existent déjà que de créer de toute pièce un service intégré (p. 144).

crédit d’impôt remboursable maintien à domicile

Le crédit d’impôt remboursable pour maintien à domicile d’une personne âgée est une mesure fiscale du gouvernement québécois visant les personnes de 70 ans et plus habitant une résidence avec service ou encore habitant un domicile ordinaire. Le coût de cette mesure est passé depuis 2005, de 91$M à 236$M en 2010 (249$M prévus en 2011). Voir le document Dépenses fiscales 2010, page 59.

J’étais curieux de voir la répartition géographique de l’utilisation de ce crédit d’impôt. De fait j’aurais aimé avoir une ventilation par territoire de CSSS… Pour le moment j’ai obtenu, pour l’année 2010, assez rapidement de la part du ministère des finances, une répartition par région administrative. Un total de 212 945 personnes de 70 ans et plus ont obtenu près de 245$M en crédits d’impôts pour le maintien à domicile pour personnes âgées. Je n’ai pu avoir le détail du type de résidences où logeaient ces personnes, seulement pour celles qui demandaient un remboursement anticipé mensuel, soit la moitié des personnes subventionnées. Pour ce groupe, soient quelques 106 000 contribuables, 91 % d’entre eux vivaient en résidences avec services.

La moyenne de remboursement, à l’échelle du Québec, était en 2010 de 1149 $ par personnes. À Montréal elle était de 1008$. Le dernier rapport détaillé Statistiques fiscales des particuliers disponible pour l’année d’imposition 2008 nous permet de voir l’utilisation de ce crédit d’impôt par MRC, régions administratives, mais aussi par circonscriptions électorales provinciales (ce qui est encore mieux que par CSSS !).

Ainsi, la moyenne des crédits d’impôt pour le maintien à domicile d’une personne âgée en 2008 était de 1137$ au Québec, 1044$ à Montréal, mais de 763 $ dans la circonscription de Rosemont, 825$ dans Hochelaga-Maisonneuve, 922$ dans Bourget, 854$ dans Anjou. Si on se déplace vers d’autres quartiers, mieux nantis, la moyenne de remboursement était de 1179$ dans Saint-Laurent, 1236$ dans D’Arcy-McGee et 1721$ dans Westmount-St-Louis.

Ce qui n’est pas surprenant considérant que le taux remboursement est unique, c’est à dire fixé à 30 % des dépenses admissibles. Ainsi faut-il que la personne débourse 70 % du coût du service pour obtenir un remboursement. Pourquoi n’y a-t-il pas une échelle progressive, comme c’est le cas du crédit d’impôt pour la garde d’enfants (qui représente 274$M par an) ?

vitamine D

Je suis « vendu » depuis quelques temps à la vitamine D (2000 UI par jour de novembre à mars). Un autre article, dans le G&M d’aujourd’hui, ajoute des arguments pour des suppléments de cette vitamine dans la diète des habitants du « nord » (dont nous sommes).

santé publique 2011

Le Rapport annuel de l’Agence de la santé publique du Canada porte cette année sur les jeunes (12-19 ans) et jeunes adultes (20-29 ans).

Des données récentes, tirées de la version 2009 de l’Enquête sur la santé des collectivités canadiennes (ESCC) y sont publiées.

Le rapport de 2010 portait sur les personnes âgées. Celui de 2009, sur les enfants.

Incidemment, le plan d’action régional 2010-2015 de la direction de santé publique de Montréal est accessible sur le nouveau site du Directeur de la santé publique.

Montréal ouvre ses données

Cet après-midi, à la Maison Notman, l’équipe de Montréal Ouvert fut convoquée par la Ville de Montréal à un événement pour souligner l’ouverture d’un ensemble de données publiques municipales. Montréal devient ainsi la première ville au Québec à rendre ses données publiques disponibles en ligne sur portail Web. Constatez par vous même en consultant le site de la ville: http://donnees.ville.montreal.qc.ca [tiré de Montréal ouvert]

Bravo à l’équipe de Montréal Ouvert !  qui a fait la promotion de cette idée et à ceux et celles qui y ont cru au sein de l’administration municipale.

charité nouvelle

En décembre dernier le Groupe dʼétude canadien sur la finance sociale publiait un rapport (La mobilisation de capitaux privés pour le bien collectif) duquel semble s’inspirer la ministre fédérale des ressources humaines dans son orientation visant à repenser la manière dont les dons de charité sont reconnus et administrés.

Le Globe and Mail publie aujourd’hui tout un dossier sur le don et la charité, mettant en valeur une nouvelle philanthropie où l’accent est mis sur le résultat plutôt que les intentions. On cite les grandes fondations et les initiatives qui ont fait beaucoup parler d’elles récemment (Bill Gates, Soros, Clinton…). On y trace le portrait canadien des donateurs par âge, provinces, sujets… Encore une fois, le Québec a l’air cheap, donnant beaucoup moins que les autres. Pourtant c’est au Québec que les inégalités sont les moins fortes (coefficient Gini – Québec-Canada – mais pour être précis, lÎle du Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick montrent un meilleur indice en 2008) . N’y aurait-il pas là un lien à faire ?

Le fait que les États-Unis soient le pays le plus généreux mais aussi celui le plus inégal parmi les pays développés – ne devrait-on pas y voir les deux faces d’une même réalité ? Cette peur obsessive de la dépense publique et du Big Government n’est-elle pas à la source d’une vision de l’autonomie citoyenne où on préfère donner volontairement, à qui l’on veut… plutôt que d’être taxé. Mais, si l’administration publique de certains services était plus efficace et génératrice de plus de richesse, de moins d’inégalité et de pauvreté…

Je ne dis pas que les grandes fondations et entreprises charitables ne devraient pas être tenues pour responsables. Lorsqu’on reçoit plus de 250 M$ en dons de charité dans une année, comme ce fut le cas de World Vision Canada en 2009, le public est en droit de suivre de près les résultats d’un tel investissement. Mais les campagnes comme celle de Big Society lancée par le premier ministre britannique, dont semble s’inspirer M. Harper, peuvent accompagner une réduction de la responsabilité publique qui n’est pas de bon augure.

Il y a sans doute place pour une « nouvelle charité », une réflexion en regard de la transformation de la démographie des donateurs et bénévoles, qui vieillit inexorablement. Et les représentants québécois de cette Philanthropie 3.0 ne sont sans doute pas les derniers de classe, en matière de mesure d’impact et d’efficience quand on pense aux Québec en forme et Avenir d’enfants. Pourtant, même si ces initiatives sont soutenues à parts égales par l’État et une fondation privée, cela ne fait pas d’elles des modèles en matière de synergie public-privé. Et c’est peut-être à ce niveau qu’une société comme le Québec devrait faire porter sa réflexion : comment faire travailler ensemble les investissements publics, privés et communautaires, plutôt que de les opposer.

déterminants sociaux de la santé

La semaine dernière avait lieu, au Brésil, une conférence de L’OMS faisant suite au rapport de la Commission sur les déterminants sociaux de la santé paru en 2008. Le titre du document de travail servant de base de discussion : de la politique à l’action sur les déterminants sociaux de la santé (pdf). Même si les situations diffèrent grandement d’un pays à l’autre, les grandes orientations suggérées par le document de discussion (et reprisent dans la déclaration commune – pdf en anglais) peuvent être source d’inspiration pour l’action ici, même localement. Les 5 stratégies prioritaires :

1. la gouvernance comme moyen de lutte contre les causes profondes des inégalités en matière de santé : mise en oeuvre de l’action sur les déterminants sociaux de la santé;
2. Promotion de la participation : une direction communautaire pour agir sur les déterminants sociaux;
3. le rôle du secteur de la santé, notamment des programmes de santé publique, dans la réduction des inégalités en matière de santé;
4. action mondiale sur les déterminants sociaux : alignement des priorités et des intervenants;
5. Suivi des progrès : mesure et analyse afin d’orienter les politiques et de renforcer la responsabilisation en matière de déterminants sociaux.

revenus et faibles revenus en 2009-2010

La situation financière des aîné-e-s, portrait (8 pages) par l’IRIS (Institut de recherche et d’informations socio-économiques).

Une note de ce document me fait découvrir cet ensemble de tableaux de Statistique-Canada sur les revenus de 2009 dont plusieurs montrent des séries chronologiques en dollars constants de 2009 – depuis 1976 (en format Beyond 20/20 – utilitaire gratuit de visualisation des données, pour Windows seulement) avec des résultats par provinces et, parfois, par régions métropolitaines de recensement (au Québec c’est à dire Montréal, Québec, Sherbrooke et Hull/Ottawa) :

Série 100 – Gains
Série 200 – Revenu du marché
Série 300 – Transferts gouvernementaux
Série 400 – Revenu total
Série 500 – Impôt sur le revenu
Série 600 – Revenu après impôt
Série 700 – Concepts de revenu multiples
Série 800 – Faible revenu
Série 900 – Tableaux chronologiques

Dans le même ordre d’idées – et de la même source – Les lignes de faible revenu, 2009-2010; présentant l’évolution historique de 3 formules d’identification des faibles revenus (SFR, MFR et MPC) Tableaux de ces seuils pour 2010 (SFR) ou 2009. Aussi : Dynamique et déterminants du faible revenu selon différents seuils : nouvelles observations relatives au Canada en 2000 et après – une publication toute récente, 21 octobre 2011.

Pour ceux-celles qui n’ont pas (encore) Beyond 20/20…