biais de confirmation de préjugé…

La carte qui suit illustre les entrées par effraction dans la région de Montréal réalisée par Radio-Canada (avec des données policières). Cependant l’article publié sur le site d’ici.radio-canada utilise seulement les données du quartier Hochelaga-Maisonneuve, sans donner de point de comparaison avec les autres quartiers… Ça fait plus « punch » et consolide la réputation de quartier dur… Alors que si on regarde la situation globale, les différences sont plus subtiles…

La différence entre Radio-Canada et le Journal de Montréal s’estompe. Si le diffuseur public ne s’impose plus de faire plus d’éducation que les autres… comment justifier le soutien qu’il reçoit de l’Etat !

effractions
Carte des entrées avec effraction, Montréal. Cliquer pour carte interactive

politique et société

Nous avons 25 ans pour réaliser une radicale transition écologique et économique, répétait Benoît Lévesque à sa conférence d’ouverture du colloque qui se tenait hier dans le cadre du 84e congrès de l’ACFAS sur les transferts de connaissance (#ACFASC30 @ACFAS2016). Une transition qui se fera avec ou sans nous, sur laquelle nous aurons, ou pas, du contrôle.

On peut certainement ajouter que cette Transition se devra aussi d’être politique, et culturelle. Sûr qu’on ne peut tout faire en même temps (comme disait encore Benoît), et que nous devrons travailler avec les forces, les ressources en place. Mais comme ces ressources ont été chambardées récemment, autant profiter de l’occasion pour se doter de nouvelles structures en fonction des nouveaux défis.

C’est peut-être mettre beaucoup de pression sur les fameux « gouvernements de proximité ». Mais a-t-on vraiment le choix ? Nous avons 25 ans pour penser, planifier, réaliser et déployer une transformation de nos modes de production-consommation et passer d’un paradigme extractiviste à court terme à une gestion à long terme basée sur l’entretien des capacités de renouvellement de la planète.

Évidemment ces gouvernements de proximité ne porteront pas seuls le poids et les choix des transformations structurelles de nos sociétés. Mais parce qu’ils viennent remplacer, réinventer les liens entre société civile et politique, entre le développement économique et le vivre ensemble, la création de ces nouveaux espaces publics ouvre la possibilité d’une réflexion et d’une mobilisation profondes.

Certains espaces publics régionaux (CRÉ, CLD, forum jeunesse) ont été dissous alors que d’autres sont maintenus ou développés (CI-U-SSS, CAR). Certaines institutions locales (CLSC, CDC) ont été fusionnées-démentelées et ont perdu des capacités d’ancrage et de mobilisation des communautés. Le report sur les MRC, avec la moitié des ressources à la clé, de mandats auparavant discutés régionalement risque d’avoir un effet centralisateur assujettissant les programmes et actions à des cadres plus directifs et étroits en provenance des ministères. À moins que les acteurs des sociétés civile, politique et économique ne s’organisent pour réfléchir, influencer les décideurs locaux, et appuyer le maintien d’une autonomie, d’une capacité locale instituante. Une capacité locale qui se manifestera peut-être d’abord par sa compétence à se concerter régionalement, nationalement.

Parmi les questions de recherche ouvertes par les transformations en cours, la relation entre les professionnels chargés de porter, administrer les programmes publics et les élus responsables devrait être étudiée. À quelles conditions cette relation permettra-t-elle de maintenir une souplesse garante de la qualité de l’intervention publique ? Comment des élus « à temps partiel », dans les petites et moyennes municipalités, apprendront-tils à transiger avec des ressources professionnelles encadrées par des programmes venus d’en haut pas toujours adaptés ?

Le rôle que les organisateurs de CLSC ont pu jouer, alors que les ressources telles les CLD, CDEC, CDC et autres projets d’économie sociale n’existaient pas encore, marqué par l’expérimentation, l’innovation et la contestation des programmes publics inadéquats ou inexistants, ce rôle était sans doute facilité par l’autonomie très grande et la légitimité politique acquise à leur institution de rattachement (CLSC) par l’électivité d’un conseil d’administration où les citoyens occupaient une grande place. Alors que ces institutions locales ont été par deux fois amalgamées au cours des 10 dernières années, elles ont perdu cette qualité d’autonomie et d’espace public local. Mais les professionnels du développement des communautés n’avaient pas pour mandat de défendre une structure institutionnelle particulière. Les structures institutionnelles ont été changées mais les communautés restent. Il faut continuer de travailler, dans un nouveau contexte, à outiller et soutenir les leaders locaux, de la société civile ou politique, mais aussi – Transition oblige – de la société économique.((Le concept de société civile incluait à l’origine les acteurs du monde économique mais la puissance acquise par ces derniers ou plutôt la puissances des structures et réseaux dans lesquels ils doivent s’insérer ont amené la société civile à se déployer avec un appui du politique plutôt que de l’économique.))

Les pôles régionaux d’économie sociale de même que certains centres de recherche ou de transfert de savoirs collaboratifs (CRISES, ARIMA, CACIS, CCROC, TIESS… mais aussi quelques CCTT, ces centre de transfert collégiaux découverts à l’ACFAS ) seront peut-être à même de stimuler, orienter les instances publiques résiduelles. Il faudra aussi compter sur ce que Bourque et Lachapelle ont appelé les ICDC((Dans L’organisation communautaire en CSSS, 2010)), des infrastructures communautaires de développement des communautés. La partie « milieu » ne peut être limitée, circonscrite au seul pôle d’économie sociale. Il faudra à ces ICDC un soutien audacieux de la part des fondations philanthropiques, dans l’esprit de ce que proposait Anne Kubisch dans 20 ans d’initiatives de revitalisation au sein de 48 collectivités : « Les fondations sont susceptibles de fournir le financement le plus souple pour les activités liées au développement des capacités d’agir du milieu, tandis que le financement public est susceptible de se limiter à des activités sectorielles. » (p. 96)

Aussi extraits de ce texte, traduit et mis à disposition par Dynamo (ici le pdf complet).

La fonction de bâtir et d’entretenir les liens entre les acteurs locaux et entre la collectivité et les acteurs externes, notamment les entreprises et les organismes publics, doit être mise en évidence et rehaussée comme composante clé de l’action locale. […]

L’action locale ne peut pas à elle seule stimuler les réformes systémiques qui permettent aux résidents de quartiers à faible revenu d’avoir accès à des structures susceptibles d’améliorer leurs conditions de vie. Le domaine doit se doter des moyens de travailler à ces deux niveaux, soit à l’interne et à l’externe. […]

[L]es stratégies visant des réformes politiques plus vastes qui sont axées sur l’affectation des ressources et la réforme des structures qui reproduisent l’iniquité aux États-Unis doivent être activées à une échelle supérieure au palier local.


Ont nourri ma réflexion ces derniers temps :

Ici le programme détaillé du colloque Austérité ou virage de l’État? Réseaux locaux d’action collective face aux transformations institutionnelles.

la part du logement social et communautaire

Des perspectives de développement pour le logement social, communautaire et coopératif s’ouvrent avec les investissements annoncés par le gouvernement fédéral dans son dernier budget (voir billet précédent).

Par ailleurs le gouvernement provincial, de son côté, nous informe qu’il entend forcer la fusion des petits Offices municipaux d’habitation, au nombre de 500 actuellement. Ce qui risque d’ébranler un réseau de partenaires essentiels à la cause du logement social et communautaire. Il faut travailler à ce que cette consolidation à marche forcée du secteur de l’habitation sociale municipale n’amène pas l’enfermement sur soi d’une structure plus grosse, plus puissante, mais soumise (et apte à soumettre les autres) à des contrôles bureaucratiques.

Il ne faut sans doute pas idéaliser les relations de collaboration qui peuvent exister entre les Offices municipaux d’habitations et les OBNL et coopératives. Ces réseaux sont aussi des compétiteurs dans la soumission de projets aux programmes de construction ou développement de services (Accès-logis, Services communautaires…).

Le ministre Coiteux, responsable de la SHQ dans le gouvernement libéral de M. Couillard, promet aussi de poursuivre ou maintenir le programme Accès-logis alors que certains redoutaient de le voir disparaitre. Mais maintenir un programme en théorie et s’assurer que les conditions sont réunies pour son application sont deux choses distinctes en politique aujourd’hui. Du même souffle le ministre laissait entendre que les réseaux d’acteurs ne sont pas capables de livrer autant de projets que voulus, acceptés en théorie. Mais, rétorquent les acteurs communautaires, on nous impose de construire en fonction des coûts de 2009…

Mixité sociale, mixité du financement, non ségrégation

La mixité sociale a toujours soulevé des questions. Certains n’y voyant qu’une autre façon de nommer la gentrification. D’autres, dont je suis, y voyant plutôt une façon de construire des communautés plus solides et riches de leur diversité. On m’a laissé entendre (je ne sais plus si « on » parlait de la Ville-OMHM ou de la SHQ) que les principes de mixité sociale ne seraient plus appliqués au niveau d’un projet, mais plutôt au niveau d’un quartier. A-t-on fait un bilan sérieux des projets visant des clientèles mixtes ? A-t-on pu distinguer les effets d’échelle, de grosseur des projets des effets dus à la mixité ? Et si on identifiait les effets du mode de financement sur les relations « mixtes » entre locataires subventionnés et non-subventionnés ? Ne pourrait-on imaginer des modes de financement qui seraient moins générateurs de frictions et qui permettraient de mieux tirer partie des contributions volontaires et de l’engagement des acteurs dans les projets mixtes ? Qui dit non-mixité dit ségrégation, stigmatisation, ghetto, même s’ils sont petits… On devrait sérieusement étudier les conditions de réussite de projets mixtes, en terme de grosseur, de proportion de logements subventionnés dans l’ensemble… et expérimenter des modes plus gradués de financement plutôt que l’actuel mode où les plafonds de revenus admissibles sont si bas que les loyers (fixés à 25% de ces revenus) semblent ridicules comparés au voisin qui doit, lui, payer « le prix du marché » pour un logement semblable. Un prix du marché qui, étant calculé sur une base régionale rend l’offre de logement non subventionné encore moins accessible aux habitants des quartiers populaires pour des logements construits dans leur voisinage.

Nous ne manquons pas de moyens pour réaliser de telles études. La SHQ ou la SCHL pourraient le faire, si leurs services de recherche n’avaient pas été charcutés ou paralysés par des coupures profondes et réorganisations multiples ces dernières années. Mais je ne suis pas sûr que la SHQ soit en mesure d’évaluer de tels processus sociaux complexes. Ce sont les porteurs de projets et accompagnateurs (OBNL, coops, GRT et municipalités) qui devront initier de telles évaluations, soutenus par les ressources institutionnelles du logement (SHQ et SCHL) et de la recherche sociale (CRISES, CCROC, TIESS, Santé publique). ((D’autres questions que la mixité sociale mériteraient certainement d’être étudiées ou réétudiées))

Un autre réseau d’acteurs se montre utile et risque de le devenir encore plus : l’économie sociale. La Caisse solidaire Desjardins s’est développée une expertise dans l’accompagnement de projets en fin de convention… D’autres acteurs du réseau de la finance solidaire (les Fonds de travailleurs, du mouvement coopératif, du Chantier de l’économie sociale, de certaines fondations), participent de diverses façons aux montages financiers qui permettent de faire des projets de logement sociaux et communautaires des leviers de développement pour des communautés plus solides. Ce sont des alliés dans un monde, celui de la finance, avec qui les projets collectifs de logement ont toujours eu à négocier.

La question du financement à long terme du logement social et communautaire est posée avec acuité par l’échéance de 2 ans établie par le gouvernement fédéral pour en arriver à une « Stratégie nationale du logement ». Pour arriver à faire valoir et insérer dans la Stratégie un certain nombre de principes et d’idées il serait peut-être utile que les acteurs du domaine travaillent de concert, en mettant en commun certaines ressources afin de faire vite et mieux, sans dédoublement des efforts.

Il était symptomatique que le directeur du RQOH avoue ne pas avoir eu les moyens d’embaucher un économiste pour approfondir ou valider certaines dimensions de la « proposition audacieuse » de financement Permaloge avancée par l’organisme. On peut se demander, au sortir du congrès de l’ACHRU à Montréal la semaine dernière, si une association québécoise unique regroupant OMH, OBNL et coopératives ne serait pas mieux outillée pour défendre et promouvoir le logement social et communautaire ? Mais la prochaine période sera intense non seulement des débats entourant la formulation d’une stratégie fédérale en matière de logement mais aussi par les nombreux projets concrets de rénovation et construction qui seront déployés rapidement après des décennies de retrait fédéral. Le temps semble mal choisi pour parler de réorganisations… Pourtant, le réseau des OMH n’y échappera pas, qu’il le veuille ou non. Et puis, il n’y a jamais de « bon moment » pour ces décisions… À moins qu’on utilise la prochaine période d’intenses interactions pour mettre en place des structures temporaires qui serviront à l’atteinte d’objectifs limités et stratégiques, mais pourraient aussi permettre d’évaluer les conditions de réussite et limites d’un travail mieux coordonné, plus intégré des différents réseaux partenaires du logement social et communautaire.

Question d’échelle ?

Les petits projets (OBNL et coopératives) sont-ils condamnés à se fusionner pour survivre ? Est-ce que la petitesse, l’humilité des projets collectifs explique vraiment les difficultés et les peu d’inclinaison de ces formes de propriété à se projeter correctement dans l’avenir — en préservant leurs immeubles par des investissements et un entretien préventif ? Il faudrait en parler aux commissions scolaires, aux responsables municipaux et provinciaux qui n’ont pas tous entretenu de manière optimale leurs actifs immobiliers… préoccupés qu’ils étaient de réduire leurs coûts et budgets à court terme.

Si les efforts de rationalisation et de standardisation associés à la fusion des petites organisations indépendantes peuvent servir des objectifs de réduction des couts, la structure très centralisée peut s’avérer moins adaptée à des objectifs d’innovation et de mobilisation de ressources variées. Il faut préserver la « qualité réseau » de nos ressources et intervenants en reconnaissant la part d’autonomie que les branches locales-régionales de ces plus grandes organisations doivent maintenir pour être à l’écoute des milieux et participer aux innovations qui répondront aux besoins de demain.

Rapprocher les réseaux d’OBNL, de coopératives et de l’économie sociale ça ne se fera pas qu’au niveau national. Dans chaque quartier, chaque MRC les organisations des divers réseaux auront avantage à « se parler », partager leurs analyses des besoins et potentiels des milieux. Car même si le logement social et communautaire ne représente que 5 % du stock de logement, en moyenne, il représente beaucoup plus en terme de levier de développement des quartiers et villages.

Investissements immobiliers communautaires ?

Un investissement immobilier dans des projets de logement communautaire ou social peut représenter un placement à retombées multiples (financières, environnementales, sociales) pour des épargnants des communautés, pour des locataires qui n’ont pas les moyens ou le désir de devenir propriétaires mais qui pourraient profiter d’un tel véhicule d’épargne dans « la pierre ». La moitié de l’épargne de la « classe moyenne » se trouve investie dans l’immobilier((Piketty, Le capital au XXIe siècle)), le plus souvent dans une propriété individuelle (condo, maison unifamiliale ou duplex).

Mais cet investissement dans la propriété individuelle de son logement est inégalement réparti entre les régions urbaines et les moins urbaines ; entre les quartiers d’une même ville ; entre les générations… Seulement 32 % des ménages vivant hors de la région de Montréal sont locataires, alors que c’est près du double (62%) des ménages qui sont locataires à Montréal. Il faut non seulement réinventer la ville en aménageant des pistes cyclables – mais aussi en favorisant les investissements à long terme visant plus de densité ; plus de transport collectifs et actifs ; une utilisation diversifiée des sols ; une participation accrue et responsable des citoyens.

J’ai plusieurs malaises ou questions à l’égard d’une proposition comme Permaloge, avancée par le RQOH.

  • Et si on parvenait à établir un revenu minimum garanti, cela n’affectera-t-il pas les besoins en logements sociaux ?
  • Pourquoi le gouvernement serait-il libéré, même après 15 ans, de sa responsabilité de financer du logement social ?

Il faut que la formule de financement du logement social permette une offre de logement compétitive, un secteur témoin, un aiguillon au flanc du secteur privé qui assure une qualité de logement à la frange moins « payante » tout en permettant que les projets de développement répondent aux besoins de tous, et non seulement de ceux capables de mobiliser du capital.

Imaginons un revenu garanti… Est-ce à dire que les OBNL en habitation n’auraient plus de raison d’être ? Les missions sociales, le soutien communautaire à certains groupes, l’ouverture et l’articulation des milieux de vie aux réseaux de la communauté, le retissage de liens sociaux comme la mobilisation des intérêts, de la volonté collective dans des projets visibles, durables dans les communautés resteront de bonnes raisons de mener des projets de logement communautaires.

Historiquement les ressources de logement social et communautaire se sont développées en réponse aux grands projets de réaménagement urbain des années ‘60-’70 (autoroutes, grands projets institutionnels) ou en réponse plus récente aux problèmes sociaux (désinstitutionalisation et santé mentale ; pauvreté et monoparentalité ; vieillissement démographique). Ces ressources représentent un capital d’expertise et une capacité d’initiatives qui peuvent certainement servir à relever les prochains défis : ceux d’une urbanité plus dense, active, écologique ; ceux d’une occupation du territoire durable ; ceux d’une nouvelle économie plus solidaire, favorisant le développement des ressources humaines et matérielles d’ici dans des projets à long terme structurants pour les communautés locales et régionales.

logement social et communautaire – jour 2

Deuxième journée de l’évènement, après le colloque du RQOH (Réseau québécois des OSBL en habitation) tenu la veille – dont j’ai parlé ici – s’ouvrait officiellement la rencontre annuelle de l’ACHRU, l’Association canadienne d’habitation et de rénovation urbaine. [Programme de l’évènement – pdf].

L’atelier sur le « Contexte budgétaire post-élection fédérale » a permis d’examiner plus en détail les promesses du dernier (premier) budget Morneau en matière de logement (chapitre 2). Les investissements promis (voir tableau suivant) de 2,3 G$ (milliards) sont un changement de cap plus que bienvenu par rapport non seulement aux politiques conservatrices de la dernière décennie mais en regard du retrait du fédéral de ce champ qui date de 20 ans. Stéphan Corriveau, directeur général du RQOH, soulignait avec raison que cette somme doit être inscrite dans un total de plus de 10 G$ consacrés au logement, principalement (8G$) sous la forme de crédits d’impôts favorisant l’accès à la propriété.

Pour donner un meilleur accès aux Canadiens à des logements plus abordables, le budget de 2016 propose d’investir 2,3 milliards de dollars sur deux ans, à compter de 2016-2017. [Budget fédéral, Chapitre 2]

Investissements dans le logement abordable (M$) 2016-2017 2017-2018 Total
Doubler le financement de l’initiative Investissement dans le logement abordable 262 243 504
Accroître le logement abordable pour les aînés 100 100 201
Appuyer les projets de rénovation énergétique et d’économie de l’eau dans les logements sociaux existants 500 74 574
Soutenir les refuges pour les victimes de violence 60 30 90
Lutter contre l’itinérance 58 54 112
Total partiel 980 501 1 481
Investissements supplémentaires dans le logement pour les collectivités inuites, nordiques et des Premières Nations 356 383 739
Investissements totaux financés en vertu de l’engagement en matière d’infrastructure sociale 1 336 884 2 220
Investissements supplémentaires pour appuyer la construction de logements locatifs abordables 13 73 86
Total général 1 349 956 2 305

 

La période de 2 ans qui s’ouvre sera essentielle car le gouvernement fédéral définira sa stratégie pour les prochaines décennies. Un mode de financement « au delà des conventions » devra être trouvé. Mais aussi des façons de réaliser un investissement en infrastructures majeur qui devrait s’appuyer sur une nouvelle architecture des apports fédéral, provincial, municipal et de la société civile en matière de logement. Une architecture qui doit être viable et adaptée aux prochaines décennies. Une intervenante, qui a supervisé un processus de formulation d’une stratégie logement pour le Yukon qui s’est étalé sur plusieurs années, se demandait si deux ans seront suffisant ? En effet, pour arriver à une stratégie canadienne qui soit partenariale, c’est à dire capable de résister aux changements de gouvernement pour quelques décennies, il faut du temps. Et la capacité, la disponibilité de participer à un rythme accéléré de discussion alors que les mesures temporaires, immédiates risquent de mobiliser beaucoup de l’énergie des partenaires.

Verra-t-on le gouvernement fédéral revenir dans la « subvention à la pierre », après une absence de plus de 20 ans ?

Je reproduis ici un extrait de l’historique de l’intervention fédérale en logement inclus dans le « Rapport de tournée », tactiquement déposé par la députée du NPD chargée du dossier logement, Marjolaine Boutin-Sweet, au petit matin de cette première journée du colloque de l’ACHRU.

  • Au début des années 1990, le gouvernement conservateur de Brian Mulroney procède à des compressions dans le financement de nouveaux logements sociaux et décide de s’en retirer totalement à partir du 1er janvier 1994.
  • Le Parti libéral du Canada est porté au pouvoir en 1993 et le budget Paul Martin de 1994 confirme le désengagement du gouvernement fédéral du logement social.
  • Au printemps 2005, sous le gouvernement libéral minoritaire de Paul Martin, Jack Layton, alors chef du NPD, a menacé de ne pas appuyer le budget et, ainsi, de faire tomber le gouvernement, s’il n’annulait pas 4,6 milliards de dollars en baisses d’impôts aux grandes entreprises profitables pour le rediriger dans des mesures sociales, dont 1,6 milliard pour le logement social.
  • En 1995, certaines ententes sur le logement social ont commencé à prendre fin et le phénomène continue encore aujourd’hui. Par exemple, entre 1995 et 2005, plus de 1000 ententes ont pris fin.
  • En 2007, l’INSA est remplacée par la Stratégie des partenariats de lutte à l’itinérance (SPLI), qui maintient une approche généraliste dans la lutte contre l’itinérance et permet une diversité des méthodes d’intervention et de prévention.
  • En 2013, les conservateurs renouvellent la SPLI, à partir de 2014, mais son budget est réduit à 119 millions de dollars par année sur cinq ans et son approche est modifiée pour l’axer sur l’approche « logement d’abord » ou « Housing First », ce qui aura notamment des répercussions pour les groupes travaillant à la prévention de l’itinérance et sur le financement d’immobilisations.

Il est possible que le gouvernement fédéral Libéral revienne au « financement de la pierre », surtout s’il compte investir rapidement des milliards en infrastructures. Lorsque son représentant (Adam Vaughan, député de Spadina-Fort York) laisse entendre qu’il pourrait agir seul, advenant que de petites municipalités n’aient pas les moyens… Est-ce à dire qu’il pourrait agir sans concertation avec le gouvernement provincial ? Qu’il pourrait, par exemple, délester le gouvernement Couillard de l’obligation de contribuer sa part de 35-40 % dans le développement du logement social et communautaire ?

Je n’ai pas assisté à l’atelier qui devait dévoiler les perspectives stratégiques envisagées par la SHQ.

L’atelier auquel j’assistai mercredi matin le 12 avril s’intitulait « Le contexte budgétaire post-élection fédérale : l’incidence réelle du nouveau financement sur la pénurie en logement abordable ». On y donnait la parole à

  • Adam Vaughan, Député pour Spadina—Fort York, Secrétaire parlementaire du premier ministre (Affaires intergouvernementales) (ON)
  • Marjolaine Boutin-Sweet, Députée pour Hochelaga, Whip du Nouveau Parti Démocratique et porte-parole en matière du logement (QC)
  • David P. Ball, Reporter, Tyee Solutions Society’s Housing Fix project (BC)
  • Stéphan Corriveau, Directeur général, Réseau Québécois des OSBL d’habitation (QC)
  • Kishone Tony Roy, CEO, BC Non-Profit Housing Association (BC)

Mes notes, durant l’atelier, se résument à quelques « gazouillis ».

À la critique de la porte-parole du NPD

gillesenvrac
@MarjBoutinSweet les premières promesses du nouveau budget libéral plutôt pour le logement abordable que logement social ? #untoitundroit
16-04-13 11:23

Le représentant du gouvernement Libéral répondait

gillesenvrac
A Vaughan, député (Lib) Spadina, l’approche du gouvernement touche tout le secteur logement social, locatif, accès propriété #untoitundroit
16-04-13 11:30
gillesenvrac
@kishoneroy situation difficile en logement social en Colombie Britannique, prix élevés,itinérance, autochtones #untoitundroit
16-04-13 11:34
gillesenvrac
@RQOH_ Corriveau, l’investissement fédéral logement est de 10G$ par les crédits d’impôts surtout (8,4G$) #untoitundroit
16-04-13 11:37
CSUHOJO
City of Regina calculates affordable rent by looking at people’s incomes instead of market averages #housing4all https://t.co/YiFR5BfHeU
16-04-13 11:46
gillesenvrac
A. Vaughan, le logement n’est pas un problème, mais un outil pour s’attaquer à un ensemble de problèmes sociaux, économiques #untoitundroit
16-04-13 12:09

En après-midi je participai à l’atelier « Revitaliser les logements insalubres : actions et résultats de la planification des quartiers ». Quatre conférenciers y prendront la parole :

  • Silvio Plescia, Senior Researcher, Housing Needs, Canada Mortgage and Housing Corporation (Nat’l)
  • Jay Freeman, Executive Director, Housing and Homelessness, City of Edmonton (AB)
  • Marianne Cloutier, Chef de division Amélioration de l’habitat, Direction de l’habitation, Ville de Montréal (QC)
  • Josh Brandon, Community Animator, Social Planning Council of Winnipeg (MB)

M. Plescia nous parla des efforts de la SCHL pour évaluer le rendement énergétique de certains projets résidentiels à faible consommation.

M. Freeman nous présenta son rapport SHRAG (Social housing regeneration advisory group). Plus de 11 000 logements sociaux viennent en fin de convention avec le fédéral, dans la ville de Edmonton. Cela représente 22 M$ par an de subventions potentiellement perdues si rien n’est fait pour renouveler ou remplacer le soutien fédéral. Et beaucoup des logements arrivent en fin de cycle ou de vie utile, et nécessiteront d’importants investissements. Un des constat du comité aviseur :

We need a new way of delivering housing for households in need other than the current social housing model. A feature of this new way would include viewing social housing as a contributor to diverse, inclusive communities with the potential to act as a catalyst for community development.

Des communautés plus diverses, inclusives où le logement social est vu comme partenaire et catalyseur de développement communautaire.

L’intervention des deux représentantes de la Ville de Montréal, dont Mme Cloutier, présentèrent différentes situations où la Ville a dû intervenir pour faire respecter les normes de salubrité, entretien et sécurité. Il semble difficile d’assurer le suivi des interventions pour éviter que les problèmes reviennent. Un monitoring des interventions est mis en place depuis 2007, dont les premières conclusions devraient être bientôt publiées.

Josh Brandon, animateur de communauté attaché au Conseil de planification sociale de Winnipeg nous a présenté l’approche globale utilisée pour rénover en ensemble de logements devenus vétustes (LORD SELKIRK PARK). Une approche où les services sociaux précédant et accompagnant l’arrivée de nouveaux habitant sont garant du succès de l’intégration et du développement de la communauté. Une approche où les résidents participent au développement de leur communauté, à la rénovation des logements : formations pour les chômeurs… Voir le rapport Manitoba Housing and Community Development : Strong Communities, an Action Plan.

 

C’est ce qui concluait ma participation de deux jours au Colloque RQOH-ACHRU. Je n’ai malheureusement pu assister à la troisième journée, dont l’allocution de Chantal Hébert, en conférence d’ouverture, constituait un moment fort.

Comme disait Denis Coderre : ce n’est pas juste une conférence, c’est une « war room » ! Mettons-nous au travail !

CSUHOJO
It’s not just a conference – this is a war room -let’s get to work! says @DenisCoderre #housing4all #untoitundroit @CHRA_ACHRU
16-04-13 10:35

En revenant chez moi, je me disais qu’il manquait des joueurs… Où étaient les CISSS-CIUSSS ? Un commentaire lancé sur Twitter qui amena quelques répliques :

Mais où étaient les CISSS et CIUSSS à ce congrès de l’ ? L’effet Barrette ?

À quoi répondait Scott A. Wolfe :

Here here! and Community Health Centres across Canada squarely behind movement.

Et la Canadian Association of Community Health Centres @CACHC_ACCSC

Triste que CSSS etc se sont dégagés, , mais ns pouvons ensemble préserver le feu/vision des pour le bon moment au futur!

À quoi je répliquai :

logement social et communautaire – jour 1

J’ai rencontré des passionnés, des allumés, des convaincus. C’était des professionnels chevronnés et dévoués, des citoyens engagés, des entrepreneurs sociaux créatifs. Des animateurs de communautés, des défenseurs et promoteurs de droits sociaux et aussi des gestionnaires et élus responsables et à l’écoute.

Pour la seconde fois en deux ans (voir billets d’alors) j’ai eu la chance d’assister au colloque du Réseau québécois des OSBL en habitation (RQOH) qui se tenait à Montréal, accolé cette fois à celui de l’association canadienne : l’ACHRU-CHRA ((Association canadienne d’habitation et de rénovation urbaine)). Un rassemblement de 750 personnes avec un programme impressionnant !

L’atmosphère était nettement plus optimiste qu’il y a deux ans. Le nouveau gouvernement libéral promettant des investissements à court terme et l’élaboration collaborative d’une stratégie à long terme d’ici deux ans.((Cette perspective vue du Québec, on peut souhaiter qu’elle ne servira pas d’excuse ou de paravent à la contraction des efforts du gouvernement provincial en matière de logement social.))

En plénière d’ouverture du 12 avril, l’architecte Ryan Gravel présenta différents exemples de  revitalisation où des infrastructures obsolètes (ex : voies ferrées inutilisées) sont réaménagées pour faire place à de nouvelles manières de vivre en ville. L’exemple d’Atlanta, où habite l’auteur du livre Where we want to live, était particulièrement démonstratif. Je me demandais comment nous, montréalais, pourrions profiter de tels réaménagements le long de cette voie ferrée qui entoure justement les quartiers centraux. Il nous faudra trouver moyen de négocier avec des compagnies ferroviaires qui ne sont pas faciles d’approche ! Une alliance canadienne des forces et expériences serait certainement utile à ce propos.((Voir cette petite animation que j’ai développée en 2001-2002 – les techniques d’animation n’étaient ce qu’elles sont devenues !))

L’atelier portant sur « Permaloge » présenta cette idée, qualifiée d’audacieuse par les promoteurs eux-mêmes (RQOH), qui viserait à appliquer le principe du Fonds des générations au domaine du logement communautaire et social. C’est une proposition complexe sur laquelle je devrai revenir dans un prochain billet. Pour le moment disons en résumé qu’il s’agirait de financer le logement social et communautaire par une émission d’obligations gouvernementales à 3 % dont les résultats en terme de fonds levés seraient réinvestis par une instance compétente (ex. la Caisse de dépôts) produisant des revenus à hauteur de 7-8%. La différence entre les intérêts payés sur les obligations et les revenus tirés de l’investissement servant à financer le logement social. Ici la modélisation appliquée à l’échelle d’un logement.

permaloge_modelisation

Dans la même veine, mon atelier suivant présentait  Valocom, une autre proposition du RQOH qui vise cette fois à répondre aux besoins de travaux et de valorisation de l’équité accumulés par le secteur du logement communautaire dont les actifs sont évalués à près de 5 G$.

Sans aller très loin dans l’analyse de cette approche de financement obligataire je me demande si l’argument de vente principal des promoteurs de Permaloge (libérer le gouvernement de la charge des logements subventionnés par PSL après 15 ans) n’est pas aussi son talon d’Achille. N’est-ce pas là une forme de privatisation de la responsabilité de l’État ? Dans 15 ans seulement, c’est mieux qu’un retrait immédiat comme on en parle en laissant entendre qu’Accès-logis pourrait disparaître. J’y reviendrai. [Pour un retour historique sur ce programme voir AccèsLogis Québec (1997-2015) : les hauts et les bas de la co-construction d’une politique publique (pdf)]

En fait c’est d’un repli de l’investissement « dans la pierre » qu’il est question, en prétextant que la subvention à la personne (PSL) est plus adaptable et que le marché privé peut s’occuper d’investir dans « la pierre ». Cette question « la pierre ou la personne » ouvrait la plénière qui terminait la journée du 12 pour le RQOH : Les municipalités et le développement du logement communautaire. Trois maires, de petite, moyenne et grande municipalités, représentant les deux fédérations et la ville de Montréal ont répondu à des questions telles « Financement de la pierre ou des personnes ? ».

J’ai été agréablement surpris de la vigueur avec laquelle les élus municipaux ont défendu l’importance de l’investissement à long terme, « dans la pierre ». Et aussi de quelques réparties critiques, notamment de la Ville de Montréal, à l’endroit de la SHQ : « Accès-logis 2.0, ça ne veut rien dire », ou encore « On travaille avec les coûts admissibles de 2009… On fait du travail que la SHQ refera ! ». Voici quelques gazouillis (tweets) rédigés en rafale (les 12 premiers en 26 minutes !) durant la plénière reprenant, résumant certaines déclarations des maires.

gilles_a gillesenvrac
Municipalités et développement logement communautaire, panel de 16h à 17h30 Copeman (Mtl) Cusson (UMQ), Thibert (FQM)
16-04-12 16:26
gilles_a gillesenvrac
Aide à la personne ou à la pierre ? Les deux… L’un est flexible, l’autre est permanent… La ville de Mtl veut les deux. #untoitundroit
16-04-12 16:31
gilles_a gillesenvrac
L’aide à la pierre est plus structurant. Contribue mieux à la revitalisation des quartiers. Maire Drummondville, UMQ #untoitundroit
16-04-12 16:33
gillesenvrac
FQM, les deux approches sont complémentaires. Le supplément est essentiel dans les petits milieux. Préserver multi approches #untoitundroit
16-04-12 16:35
gillesenvrac
Rôle des municipalités dans le logement communautaire ? On connaît le terrain, accessibilité, exclusion. Mais peu consultés #untoitundroit
16-04-12 16:39
gillesenvrac
Petites municipalités souvent même pas une personne pour s’occuper de ça. connaît les problèmes, mais faut avoir les moyens #untoitundroit
16-04-12 16:40
gillesenvrac
Montréal est mandataire. On travaille avec les coûts admissibles de 2009… On fait du travail que la SHQ refera ! #untoitundroit
16-04-12 16:42
gillesenvrac
Travailler sans être assujettis à des règles parfois archaïque. Montréal. #untoitundroit
16-04-12 16:43
gillesenvrac
FQM Les programmes doivent tenir compte des capacités des petites municipalités #untoitundroit
16-04-12 16:45
gillesenvrac
MTL 25000 ménages en attente de logement. Accès logis 2.0 ne veut rien dire… #untoitundroit
16-04-12 16:46
gillesenvrac
MTL veut répondre aux besoins avec le fédéral et le provincial, prendra beaucoup d’efforts conjoints. #untoitundroit
16-04-12 16:48
gillesenvrac
Qu’arrivera-t-la fin de conventions ? On veut participer aux discussions partenaires du gouv fédéral et avec les org. comm. #untoitundroit
16-04-12 16:52
gillesenvrac
Logement communautaire un investissement, pas une dépense. #untoitundroit M. Cusson
16-04-12 17:00
gillesenvrac
Important d’informer les élus pour soutenir les projets, pour réduire les préjugés. @RQOH_ #untoitundroit
16-04-12 17:07

Atelier municipalités et logement communautaire

gillesenvrac
Impôt foncier, impôt le plus régressif et moins adapté à la redistribution. Mais Ville a rôle lutte pauvreté, itinérance. #untoitundroit
16-04-12 17:09
gillesenvrac
250 000 ménages au Qc paient +50% de leurs revenus pour se loger, faut trav. avec villes pour changer ça. Corriveau @RQOH_ #untoitundroit
16-04-12 17:25

le « ventre » de l’économie

Respecter le « local », dans ce qu’il a d’unique, d’idiosyncrasique* et non seulement pour sa capacité à se conformer à la norme. Le local est aussi générateur de normes nouvelles, il a une capacité instituante autant que critique (ou de détournement) de la norme, confronté qu’il est aux défis et contradictions posés par des interventions et des programmes centraux toujours en retard d’une ou deux coches sur la réalité.

L’autorité centrale peut parfois aider, à certaines conditions. Et toujours elle doit « partir de ce qui existe ». Ne pas simplement faire descendre un cadre, des normes…

Par ailleurs le citoyen lambda est souvent moins préoccupé de participer aux débats et à la décision établissant de nouvelles règles que de voir ces décisions finalement prises et surtout implantées équitablement et fermement pour tous. « Qu’ils se décident et on s’adaptera, on se conformera à un nouveau contexte. »

– – – –

On a beaucoup parlé d’économie sociale et solidaire (ESS) ces derniers temps : dossier spécial dans La Presse, numéro spécial de la revue Interventions économiques, symposium international anniversaire… À plusieurs reprises on a mentionné le chiffre de 10% du PIB pour dire l’importance de ce secteur. Un secteur qui a su se développer en un écosystème d’institutions, de réseaux et de passerelles (Lévesque, 2016)((Économie sociale et solidaire et entrepreneur social : vers quels nouveaux écosystèmes ?)). Un secteur qui porte des valeurs et des objectifs qui sont plus que jamais essentiels dans le contexte de crise actuel (Favreau, 2016)((Économie coopérative et solidaire, écologie et développement des communautés : les nouveaux défis en habitation)). Mais comment le secteur se voit-il dans quelques années ? Représentant 12, 15 ou 20% du PIB ? En grugeant des parts de marché dans les secteurs qu’il occupe, ou en développant de nouveaux services ?

Mais qu’en est-il des 90% ou 85% restants ? N’y a-t-il pas une certaine urgence à changer les choses non pas à la marge, mais sur toute la page ? À défaut de transformer l’ensemble de la société en une fédération de coopératives et d’OBNL… il nous faudra bien trouver moyen d’inciter au changement, de mobiliser dans l’action le gros de l’économie… son ventre.

appartements

Je suis toujours sidéré par les discours bien pensants qui n’hésitent pas à mettre dans le même panier toutes les entreprises privées, tout ce qui n’est pas public ni coopératif et sans but lucratif. Dans le même panier que Walmart et Exxon le restaurant du coin, le boulanger, le couvreur ou le petit entrepreneur… Quand on conflictualise ainsi l’économie, la saisissant d’un bloc, caractérisé par sa capacité d’exploitation des hommes et de la nature, une capacité de production de biens et services (que nous sommes par ailleurs les premiers à apprécier, pourvu qu’ils soient de qualité et à bon marché)… Quand on amalgame la grande entreprise et celle, artisanale, de la petite entreprise où le travail du patron est aussi essentiel à la survie de l’entreprise que celui de l’ouvrier… petite entreprise dont l’objectif est moins de croitre que de survivre, se maintenir dans la niche qu’on s’est construit à force de travail, d’expérience, de constance…

Ce ventre de l’économie n’est pas plus capitaliste qu’il ne serait socialiste dans un autre contexte…

Les entreprises sociales sont définies par leur objet (Ni État ni marché), par leur structure qu’on étudie et modélise en idéal-types (Laville et alii, 2016)((Théorie de l’entreprise sociale et pluralisme : L’entreprise sociale de type solidaire)). Mais les entreprises économiques qui se sont développées sur des terrains non investis par l’État et l’économie sociale doivent-elles se contenter de payer leurs impôts et soutenir Centraide comme seules manières de participer à l’émergence d’une nouvelle économie plurielle, plus équitable, plus durable ? Nous avons besoin d’une conception de l’économie qui fasse de la place et fasse connaitre les multiples façons qu’a et qu’aurait l’entreprise « traditionnelle » de participer à cette émergence, ce changement de régime. Par la philanthropie, l’investissement responsable; par l’inclusion, les stages ou le compagnonnage; mais aussi par des technologies et procédés éco-responsables…

Considérant l’urgence d’un changement profond, paradigmatique, on ne peut se priver de l’apport volontaire, créatif des petites (et moyennes) entreprises. La philanthropie, qu’elle soit financière ou d’expertise, peut être une alliée précieuse pour le développement d’une économie plus solidaire. Mais toute la philanthropie ne passe pas par l’économie sociale et solidaire. Et toutes les collaborations à visées sociales n’ont pas à être formalisées; elles ne seront pas toutes visibles si ce que nous cherchons à impulser n’est pas simplement une loi, ni même un programme… mais un changement de paradigme, un mouvement. Au delà des finalités sociales, dont on peut faire un critère de distinction, d’inclusion ou d’exclusion, il y a la finalité globale, qui devra inclure des fins sociales, économiques, écologiques…

Les finalités qui tisseront l’écheveau d’une société plus durable, plus durable parce que plus économe, plus équitable et plus solidaire, ces finalités seront sociales, mais aussi économiques (faire bien à juste prix) et écologiques. Comment éviter que les lois et programmes de soutien à l’économie sociale et solidaire ne deviennent des barricades et des remparts opposant les tenants de l’ESS et les autres ? Comment faire pour construire des alliances débordant largement les rangs de l’ESS pour mobiliser le « ventre de l’économie » ? Des alliances capables de mettre en œuvre un nouveau modèle de développement ?

Une alternative propre, solidaire et d’avenir. Qui sache mobiliser le gros de l’économie – rallier les petits entrepreneurs, les cadres et professionnels éclairés, mais aussi les petits épargnants…

23915835489_b2140bcd30_oPar mobiliser plus largement que les seules franges de l’ESS, j’entends reconnaitre, respecter la valeur, l’existence de ce qui ne participe pas nécessairement de la même idéologie / religion de l’ESS. Excusez la comparaison, mais en regard du poids des principes, des filières, de la vertu dans les finalités… on ne peut s’empêcher d’utiliser de tels termes.

Est-ce à dire que mon approche est simplement libérale : rassembler au delà des idéologies ? Vivre et laisser vivre ? Laisser exister les secteurs de l’économie qui n’ont pas de finalité sociale, ou plutôt qui n’ont pas d’autre finalité sociale que de produire des biens (ou services) qui soient de qualité, utiles, technologiquement innovateurs ou porteurs de traditions, de savoirs. Je ne crois pas car s’il y a une reconnaissance de secteurs à finalités autres que sociales, il y aura toujours du social dans l’économique (amitiés, camaraderies, solidarités, partages d’expertises et de savoirs) tout comme cette entreprise devra toujours s’insérer dans une société.

De même, il y aura toujours mille façons pour l’entreprise de s’inscrire dans ce mouvement pour une nouvelle économie. Une économie plus propre, plus sobre de moyens, moins axée sur le développement brut du PIB que sur la durée, la qualité, le réparable plutôt que le jetable. Cette même entreprise participant par ailleurs à d’autres mouvements, soutenant d’autres causes et solidaire de familles et collègues frappés ou dans le besoin.

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Au delà des mots

Le danger de ne pas voir, ne pas comprendre ou tenir compte de ce qui n’est pas dit. Ce qui n’est pas explicite mais plutôt tacite, passant par les actes, la pratique plutôt que les mots. Le danger de prendre les mots pour le réel – il suffirait de se prétendre généreux pour ne plus avoir à l’être. Le risque, particulièrement fort pour les intellectuels, de prendre la carte pour le territoire.

La délibération est un art qui s’apprend en le pratiquant, comme tous les arts. Aussi est-il normal que ceux qui ont passé 20 ans sur les bancs d’école à discuter et débattre auront plus de facilité à délibérer. Mais les processus collectifs de délibération conduisent-ils toujours à de meilleures décisions que les structures moins explicites, plus individuelles ? De fait, les processus moins délibératifs et plus tacites ne sont pas nécessairement individuels : les structures d’action et de décision peuvent être éminemment collectives, construites sur les actions passées, des rapports de pouvoir, des partages de compétences…

[Contribution à Nous.blogue, à paraitre le 30 mars]

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* idiosyncrasique : comportement propre à un individu résultant des interactions historiques ou actuelles avec son milieu

** paradigme : conception du monde, modèle de penser et d’agir

écosystèmes de l’ESS

Un numéro spécial de la revue Interventions économiques, sur le thème : Économie sociale et solidaire, ses écosystèmes. On y retrouve, parmi d’autres,  un texte introductif de Benoît Lévesque Économie sociale et solidaire et entrepreneur social : vers quels nouveaux écosystèmes ?; de Jean-Louis Laville et al. Théorie de l’entreprise sociale et pluralisme : L’entreprise sociale de type solidaire; et de Hugues Sibille D’où vient, où va l’entrepreneuriat social en France ? Pour un dialogue France-Québec sur l’entrepreneuriat social.

économie sociale et action collective

Un beau petit texte de Hugues Sibille, publié il y a un an sur le blogue de Louis Favreau : D’où vient et où va l’économie sociale et solidaire ? Merci, Louis de nous l’avoir rappelé.

Un rappel historique sur les étapes de développement de l’économie sociale et solidaire, mais aussi rappel des difficultés actuelles de collaboration de ces deux courants frères, et des difficultés encore présentes à promouvoir l’entreprenariat social, à percer le « plafond de verre »…

Sur le sujet de la dépendance et du vieillissement, l’ESS est présente partout : mutuelles d’assurance et de santé, associations de services aux personnes, coopératives d’intérêt collectif. Pourtant on laisse in fine assez largement le sujet aux investisseurs privés.

Dans un autre registre, ce texte de Elinor Ostrom, Collective Action and the Evolution of Social Norms (ici en format « textualisé »). J’ai trouvé particulièrement intéressante l’idée qu’il y a des types d’acteurs différents avec lesquels construire une théorie de l’action collective. Le texte se veut une réponse opposée aux théories (Olson, Hardin) de l’acteur individuel « rationnel » qui tendrait « naturellement » à profiter des actions collectives sans s’y engager. Des actions collectives qui, si la théorie était vraie, ne verraient jamais le jour !

LevesqueInnovaJ’ai réécouté la conférence de Benoît Lévesque donnée au Symposium sur l’économie sociale et la finance solidaire récemment. Je venais de terminer la lecture de l’excellent recueil de textes publié par ce dernier, en collaboration avec Jean-Marc Fontan et Juan-Luis Klein : L’innovation sociale, les marches d’une construction théorique et pratique.

On y retrouve plusieurs textes importants publiés depuis 1991 par Lévesque et ses collaborateurs, sur la fin du « compromis fordiste », l’émergence de nouveaux acteurs sociaux. Une présentation de l’approche de la régulation et un positionnement « Ni structuralisme, ni individualisme méthodologique ». Des textes de fond sur l’histoire du développement de l’économie sociale au Québec; sur la gouvernance des territoires; une analyse détaillée du processus d’institutionnalisation des services de garde à la petite enfance;   plusieurs textes sur le « modèle québécois de développement ». Le dernier chapitre « Un monde qui se défait, un monde à reconstruire » est une belle synthèse des crises récentes et des opportunités qu’elles ouvrent.

« Les formes institutionnelles comme produits de compromis institutionnalisés permettent d’articuler le micro et le macro, l’individuel et le collectif, l’acteur et le champ »

Dans sa conférence de février dernier, le professeur Lévesque présentait l’écosystème de l’innovation sociale québécoise sous cette forme : Système innovation sociale

À plusieurs reprises il souligne l’importance de développer des passerelles entre les secteurs. Je crois qu’il en faudra non seulement entre les secteurs de l’économie sociale et entre l’économie sociale et l’économie solidaire… mais aussi entre le socio-communautaire et l’économie sociale; entre l’économie publique, l’économie privée et l’économie sociale…

Une réflexion et un recul historique qui nous font apprécier les efforts déployés au cours des 30-40 dernières années, les constructions sociales et institutionnelles qui sont le fruit de ces efforts. La capacité que ces structures et réseaux nous ont donné collectivement pour résister (un peu) aux virages et déboulonnages néo-libéraux.

Ce livre (L’innovation sociale) est une somme, celle d’un sociologue passionné, chercheur dévoué, pédagogue infatigable qui a accompagné et éclairé mouvements sociaux et syndicaux depuis quarante ans.

<Ajout 03.25> Le thème de la conférence de M. Lévesque donnée au symposium de février se trouve développé dans son introduction au dossier de la revue Interventions économiques sur les écosystèmes de l’économie sociale et solidaire.

libérez les codes postaux

J’ai suivi avec intérêt une discussion animée (sur la liste CivicAccess)  autour d’un projet de lettre adressée au gouvernement fédéral concernant l’accès au fichier des codes postaux qui, jusqu’ici, est gardé précieusement (et commercialisé) par Poste Canada. Ici la version finale de la lettre (en anglais) déjà endossée par plusieurs organisations, qui devrait être appuyée largement parce que l’accès libre aux délimitations des codes postaux est un levier de développement tant pour la recherche que pour le développement économique et social des communautés.