EYS2-3 – une vision intégrée des services à la petite enfance

Juste au moment où je finissais ce billet, après une deuxième lecture du Early Years Study 2… voici que paraissait mardi dernier la troisième itération de cette étude : Le point sur la petite enfance 3 ! Et en français cette fois. Alors je vais lire avec grand intérêt cette nouvelle mouture. Je vous en reparle… En attendant, voici tout de même le billet que je préparais…
En marge d’une deuxième lecture de ce document de 178 pages cité comme source de la vision de la fondation Avenir d’enfants.

Si les avancées neurologiques sur le développement du cerveau des jeunes enfants sont sans doute applicables dans toutes les cultures, les contextes dans lesquels la « science sera mise en action » sont hautement différenciés. Et quand on parle du contexte canadien, la compréhension de la situation différente du Québec est essentielle : les services aux jeunes enfants, partie d’une politique familiale québécoise originale, sont un bel exemple de « société distincte », de nation distincte.

Pourquoi le Québec s’est-il doté d’un réseau public de garderies et pas le Canada anglais ? La chose n’est pas si simple que d’avoir d’un côté la solution publique et de l’autre le service privé ou l’absence de service. Car ce réseau de services s’est développé pendant longtemps en résistance à son intégration publique : le modèle français des crèches intégrées au réseau public de l’éducation poussait à une intégration publique à laquelle les parents des enfants en « garderies populaires » ont résisté des décennies durant par crainte et insatisfaction à l’endroit des services d’éducation primaires publics (voir Dates clés dans le développement des garderies-CPE). Il fallait un milieu plus proche des parents, où ces derniers étaient plus engagés qu’ils l’auraient été dans une version préscolaire de l’école. Cette insistance sur la participation parentale a sans doute fait du réseau des garderies québécois le modèle le plus proche de la culture anglo-saxonne protestante… Un réseau qui se sera  finalement converti en une formule publique où l’engagement des parents reste affirmé, formellement, mais dans un cadre de financement et règlementaire de plus en plus serré. Mais un réseau encore incomplet, parce que le financement n’est pas à la hauteur des défis pour rejoindre les enfants des milieux défavorisés, ou encore plus simplement pour assurer à tous la qualité nécessaire.

Mais la vision intégrée est attrayante : où les services de stimulation précoce, de garde en milieu familiale, de garde en installation autant que ceux d’accompagnement des mères enceintes et de visites pré et post-natales font partie d’une seule organisation offrant des services universels de qualité. Pourquoi, en effet, se contente d’assurer l’universalité d’accès à l’éducation à compter de l’école primaire seulement, alors qu’on sait très bien que les premières années seront cruciales pour le développement futur de l’enfant et sa réussite tant à l’école que sur le marché du travail.

L’étude canadienne (EYS2) identifie ainsi les défis (challenges) qui confrontent le réseau québécois de services à la petite enfance (ma traduction – page 113) :

  • Une intégration difficile de l’action des CPE avec les services de santé (pré et post-natal, de santé et de soutien aux familles) qui sont offerts par les CLSC
  • des problèmes endémiques de recrutement et formation de la main-d’œuvre
  • des déficits encourus par les CPE par défaut de paiement de certains parents
  • des barrières à l’accès pour les enfants ayant des besoins spéciaux ou encore qui ne veulent assister qu’à temps partiel – pour des raisons de subventions inadéquates
  • la qualité générale qui est jugée insuffisante, même si les CPE « scorent » mieux que les services privés ou non régis.
  • la moindre participation des familles de statut socio-économique plus faible, et l’utilisation plus fréquente par ces dernières de services à but lucratifs – de moindre qualité.

Sur cette dernière question de la qualité et de l’utilisation des services en regard du statut socioéconomique des familles, voir l’étude de Japel et Tremblay La qualité, ça compte (2005).

Comme on le reconnait dans l’étude canadienne, le Québec est seul de sa classe : About 64% of young children [in Québec] were in regulated child care in 2004 compared to 10.8% in Ontario. On reconnait aussi qu’il est plus difficile d’intégrer des services qui existent déjà que de créer de toute pièce un service intégré (p. 144).

santé publique 2011

Le Rapport annuel de l’Agence de la santé publique du Canada porte cette année sur les jeunes (12-19 ans) et jeunes adultes (20-29 ans).

Des données récentes, tirées de la version 2009 de l’Enquête sur la santé des collectivités canadiennes (ESCC) y sont publiées.

Le rapport de 2010 portait sur les personnes âgées. Celui de 2009, sur les enfants.

Incidemment, le plan d’action régional 2010-2015 de la direction de santé publique de Montréal est accessible sur le nouveau site du Directeur de la santé publique.

déterminants sociaux de la santé

La semaine dernière avait lieu, au Brésil, une conférence de L’OMS faisant suite au rapport de la Commission sur les déterminants sociaux de la santé paru en 2008. Le titre du document de travail servant de base de discussion : de la politique à l’action sur les déterminants sociaux de la santé (pdf). Même si les situations diffèrent grandement d’un pays à l’autre, les grandes orientations suggérées par le document de discussion (et reprisent dans la déclaration commune – pdf en anglais) peuvent être source d’inspiration pour l’action ici, même localement. Les 5 stratégies prioritaires :

1. la gouvernance comme moyen de lutte contre les causes profondes des inégalités en matière de santé : mise en oeuvre de l’action sur les déterminants sociaux de la santé;
2. Promotion de la participation : une direction communautaire pour agir sur les déterminants sociaux;
3. le rôle du secteur de la santé, notamment des programmes de santé publique, dans la réduction des inégalités en matière de santé;
4. action mondiale sur les déterminants sociaux : alignement des priorités et des intervenants;
5. Suivi des progrès : mesure et analyse afin d’orienter les politiques et de renforcer la responsabilisation en matière de déterminants sociaux.

connaissance et surveillance

La traduction d’un article de danah boyd : Six Provocations for Big Data, offerte par InternetActu,  Big Data : la nécessité d’un débat. Une réflexion qui tombe pile au moment où je me posais la question de la différence entre les désirs de connaissance que nous avons, nous les intervenants et observateurs de la santé des communautés locales, et les besoin de connaissance de ceux qui ont la responsabilité (et les pouvoirs qui y sont attachés) de surveiller l’état de santé de la nation (ou de la région).

Si j’avais le pouvoir légal de de forcer mon interlocuteur à me donner l’information que je lui demande, à la condition de justifier mon besoin dans des termes épidémiologiques, j’aborderais sans doute la question avec plus de délicatesse et de planification que si je suis simplement en mode exploratoire : j’aimerais bien savoir s’il y a un lien perceptible entre telle information, colligée par telle administration ou industrie, et l’état de santé ou le comportement « x »…

Est-ce à dire que nous devrions aborder toutes les démarches de connaissance et d’exploration avec le même sérieux quasi-juridique qu’une commande de surveillance ? Non, certes non… En fait je suis persuadé que les limites actuelles (plutôt étroites, convenons-en) des connaissances scientifiques en matière d’effets des déterminants sociaux sur la santé (par exemple) ces limites ne seront repoussées que si nous avons la possibilité d’explorer, de formuler des hypothèses… Ce qui n’est pas du tout la même démarche que de recueillir une information de surveillance.

Et de ce point de vue, il est sans doute avantageux de distinguer les acteurs : que ceux chargés de la responsabilité de surveillance ne soient pas les mêmes que ceux qui demandent aux partenaires (service de police, réseau scolaire, offices d’habitation, services de loisirs et sports, réseaux de résidences…) de collaborer à des efforts de connaissance et d’exploration. Ce qui a le désavantage de multiplier les points de collaboration et demandes faites aux dits partenaires.

Peut-être pourrait-on formuler une demande où seraient distingués clairement les éléments faisant parti de l’objectif de surveillance et ceux qui relèvent d’un désir de connaissance ? Le partenaire étant placé alors devant une demande comprenant des éléments minimaux obligatoires et des éléments volontaires… Mais je ne suis pas sûr qu’il soit productif de rendre visible, de dire tout haut cette dimension « obligatoire » alors que les partenaires collaborent en général volontairement. Le fait d’étaler son arsenal de pouvoirs légaux d’entrée de jeu ne risque-t-il pas de faire retraiter le partenaire vers la solution minimaliste ?

mère une première fois à plus de 35 ans

Le moment propice : pourquoi l’âge de la mère est déterminant : une solide étude pan-canadienne à propos des risques associés à la naissance de mères ayant atteint l’âge « avancé » de 35 ans ou plus. Peut-être cela incitera-t-il les décideurs en santé publique à penser un peu plus loin que les mères de moins de 20 ans…Des données qui viennent mettre un contexte à celles dont je faisais part ici, concernant les naissances sur le territoire du CSSS Lucille-Teasdale.

Le premier des moyens de prévention est de se faire suivre de près par un médecin. Encore faut-il pouvoir en trouver un qui ait les qualités nécessaires d’un médecin de famille : n’être pas à l’autre bout de la ville !

lecture d’été – retour de vacances

Une nouvelle revue : Good (site web : www.good.is) où j’apprend que le Guardian a réalisé une carte corrélant la pauvreté à Londre et les émeutes récentes. Le numéro de cette revue, achetée à l’aéroport, portant sur le thème : The Data Issue. Quelques graphiques humoristiques m’ont accroché. Les thèmes des numéros précédents donnent le ton : l’énergie, Los Angeles, le travail, la Nouvelle Orléans, l’eau, le transport… Une thématique de sujets bien américains, pour soutenir le moral, le « feel good » américain, en ces périodes de reconstruction, de transformation. Me faudrait jeter un coup d’oeil sur ces contenus pour voir si ce qui est annoncé, dans les paragraphes de présentation des numéros précédents (pas d’accès aux articles), comme une approche potentiellement critique tout en étant divertissante… si elle est vraiment « livrée ».

Un autre article, trouvé cette fois-ci avec le module « GoodFinder » (composé de propositions issues de lecteurs), sur la page d’accueil de la revue : un article de la revue Salon, Income inequality isn’t great for rich people either. Cet article en suggère plusieurs autres sur le sujet, dont cette présentation par Kate Pickett, co-auteure en 2009, avec Richard Wilkinson de The Spirit Level.

◊ ◊ ◊ ◊

Le blogueur Lisée nous sert, en ces jours de retour de vacances, des extraits de son dernier bouquin : Imaginer l’après-crise. Extrait de ces extraits :

il s’agit en quelque sorte de couper les cordes qui le lient depuis 30 ans à des montgolfières financières gonflées artificiellement, pour la remettre sur ses fondations réelles, solides, quantifiables : la production (…)
Le ressort principal du système voulant qu’un capitaliste – individu ou compagnie – ne s’engage dans la production de biens que pour en tirer un profit, même raisonnable, entraîne nécessairement une croissance constante de la production, au-delà même de ce qu’impliquerait la satisfaction des besoins individuels et collectifs. (voir article de Margaret Atwood auquel réfère Lisée) (…)

Un beau petit billet, qui donne le goût d’aller rechercher le bouquin au fond de ma bibliothèque… mais qui, aussi, donne l’impression que le livre est un peu dépassé par l’ampleur de la crise elle-même : l’incapacité des États à reprendre le dessus, à trouver les compromis capables de mobiliser les sociétés. La paralysie récente de l’appareil politique américain, dont on n’a pas fini de ressentir les contre-coups, et la quasi paralysie de l’Europe nous disent que les structures politiques sont de plus en plus faibles et incapables de générer la confiance minimale nécessaire à l’établissement de perspectives suffisamment stables pour établir des règles à la hauteur des défis, écologiques, économiques mais aussi, au premier chef, politiques.

Qu’est-ce qui pouvait nous faire croire que la poursuite du profit à court terme (le capitalisme) puisse être compatible avec des transformations économiques majeures nécessaires devant lesquelles les ajustements budgétaires et conjoncturels des dernières années nous sembleront de piètres atermoiements…

◊ ◊ ◊ ◊

L’appauvrissement des classes moyennes (Can the Middle Class Be Saved?); les émeutes de Londres vues par un commentateur des quartiers londoniens. Voir aussi, sur ce thème : The Riot Psychology.

cadrer l’analyse

Bien cadrer l’analyse que font les acteurs d’une situation peut faciliter la collaboration vers des solutions. Un court texte (en français) portant sur l’intervention dans les quartiers centraux de Saskatoon. « Issu d’une série de publications liées au projet avec les organisations à but non lucratif, lequel projet s’intéresse notamment aux partenariats entre les organisations à but non lucratif et les acteurs de la santé publique, ce document suggère que la prise en compte des cadres utilisés par les différents acteurs peut contribuer à des partenariats fructueux sur les questions où les cadres sont partagés. » Une publication du Centre de collaboration nationale sur les politiques publiques et la santé.