Gilles en vrac… depuis 2002

Europe: une idée, un rêve

L’Europe, ce sont ses cafés. Ce n’est pas moi qui le dit, ou plutôt si, je le disais récemment. Mais j’ai été bien content de voir que George Steiner, oui Lui-même, disait la même chose (et plus) dans son opuscule (61 pages) Une certaine idée de l’Europe. Lieux de débats, de rencontres, de joutes intellectuelles et de jeux… J’aime voir les habitués arriver au café et faire le tour des habitués en distribuant poignées de main et embrassades… Les gens y viennent pour 5 minutes, en passant, le temps d’une cigarette et d’un express… parfois plusieurs fois par jour, parce qu’ils travaillent à côté, ou habitent en face. Certains y passent quelques heures. Certains retraités y ont leur heure rituelle.

Un ami de Genève me faisait parvenir il y a quelques années un très beau petit livre sur les cafés de cette ville… regard philosophique et poétique jeté sur ces lieux vivants (je ne suis pas sûr de retrouver ici, sans le secours de ma bibliothèque, le titre de ce livre). Je me posais la question : pourquoi n’y a-t-il pas de cafés à Montréal comme à Paris ? Il y a bien quelques bars et brasseries… mais pas ces cafés «de proximité», intimemement liés à la vie quotidienne. Chez-nous, ce sont les "dépanneurs" qui tiennent lieu: des endroits axés sur la distribution, pour pallier aux oublis et lacunes des achats faits en grande quantité dans les grandes surfaces… mais pas des lieux de rencontres, ou si peu. On achète l’alcool et le café pour aller les boire en privé… devant sa télé…

Pour dire vrai, il y a de plus en plus de cafés à Montréal : les chaines Starbucks, Second Cup et autres Presse Café ont essaimé. Ouverts dans les endroits centraux et commerciaux, ils accueillent leurs flots d’étudiants et de consommateurs… mais les habitudes sont encore jeunes et les habitués presqu’autant. Il n’y a pas encore cette mixité des âges et cette reconnaissance de longue date qui fait de l’atmosphère d’un café parisien ce qu’elle est: parfois intimidante lorsqu’on y vient pour la première fois… mais combien chaleureuse, déjà la deuxième fois.

Certes il n’y a pas qu’UN modèle de café parisien: certains tenanciers ont une attitude d’épicier et comptent d’abord les consommations à l’heure… préférant voir une table libre et (presque) propre plutôt qu’occupée par un lecteur sirotant trop longtemps son café froid. D’autres offriront, dans la meilleure tradition, les journaux du jour à partager… l’écran de télé pour assister collectivement au match… dans le même esprit, il serait naturel que ces cafés offrent la liaison Internet sans fil à leurs hôtes. Cela devrait couler de source… Pourquoi si peu le font ? Et pourquoi ceux qui le font ont-ils une approche d’épicier (20 minutes de connexion par consommation) contraire à l’esprit même des cafés parisiens ? Serait-ce que l’esprit se perd ?

L’Europe, c’est aussi un rêve… qui tend à remplacer le rêve américain, the american dream, dit Jeremy Rifkin. C’est aussi ce que je me disais: l’Europe ne peut pas nous laisser, nous les non-européens, seuls devant les États-Unis et les Chinois… L’Europe est la seule puissance capable de résister aux rouleaux compresseurs d’une production industrielle qui presse aveuglément notre petite terre comme un citron. Est-ce à dire que l’Europe n’est pas capitaliste et ne participe pas, elle aussi, de cette logique suicidaire de la plus grande quantité au plus petit prix, le plus vite possible ? Oui, sans doute. Mais l’Europe est source de valeur, de valorisation de la qualité, de la culture… (cf. Steiner) qui pourrait, devra amener le monde vers une autre logique. Le bouquin de Rifkin n’est pas un opuscule (562 pages grand format), aussi j’en reparlerai.


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Commentaires

2 réponses à “Europe: une idée, un rêve”

  1. Bonjour Gilles

    Pas de préconisation de Wistro sur ce billet ? Que se passe t’il ? Je t’avoue avoir du mal à établir le contact faute de pouvoir trouver des points d’accès sur ma route. Pour le moment je traîne de temps en temps chez ArsLonga chez Jean Pierre Timbaud mais ce n’est pas un bistro hélas même si les hôtes sont très accueillants pour y travailler . Bon désolé de t’avoir raté cette semaine. Trouvons un moyen de nous joindre pour plancher semaine prochaine. Aurais-tu un moyen simple d’être joint ? Comme un téléphone 😉 Pour finir Mario Asselin pourrait avoir des disponibilités le 20 mai : manifeste toi sur sa page personnelle qu’on fixe une heure. A plus tard.

  2. […] quelques impressions ressenties depuis mon arrivée. Ces impressions rejoignent clairement certaines lectures que je voudrais aussi partager. En ces dernières heures de disc […]

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