illusoire productivité

A sustainable company is not a collection of « human resources. » It is a community of human beings. Its strength resides in its people, its culture, and the goodwill it has built up among its customers and suppliers. So, as workers and middle managers have been departing these companies, they have taken with them not only much critical information, but often also the hearts and souls of their enterprises.

Henry Mintzberg, The Globe and Mail

Pendant des décennies les entreprises, américaines dans le cas de cet article de Mintzberg, ont pu accroître leur productivité (à court terme) en pressant leurs ressources humaines… L’image utilisée par l’auteur : la compagnie qui mettrait à pied la totalité de son personnel sauf les services de l’expédition et de l’entrepôt, aurait, tant qu’il y aurait des stocks, une productivité remarquable !

Je ne sais trop pourquoi (mon obsession sans doute) ça m’a fait penser à l’évolution récente des CSSS-CLSC : des structures réputées plus productives, mais ne risque-t-on pas de perdre l’âme des CLSC ? C’est ce que prétendent les opposants à cette réforme depuis les débuts… mais je ne crois pas que ce soit la structure en soi. Les « vieux » CLSC étaient déjà lourds et n’étaient pas mieux placés que les actuels CSSS pour éviter, notamment, la perte de leur « âme » avec les départs à la retraite… Et ils n’étaient pas, non plus, très bien placés pour relever les défis d’une première ligne vraiment intégrée (avec des services médicaux) et connectée avec les deuxième et troisième lignes. Ce qui faisait l’âme des CLSC ? Une certaine proximité, accessibilité, ouverture à l’endroit des citoyens, des ressources et réseaux non professionnels… Cette ouverture qui était sans doute plus facile, allant de soi, dans les débuts de ce réseau – où il fallait tout inventer – mais qui relevait aussi d’une philosophie mettant en jeu, donnant une place au pouvoir du citoyen sur sa santé.

Une philosophie qui n’est pas liée à une structure particulière mais plutôt à une manière de faire : les villes, les réseaux scolaires, les groupes de médecine familiale (GMF) peuvent porter (ou non) une telle philosophie. Il s’agit d’une vision qui doit animer (l’âme) le travail de chaque jour, la relation avec les clientèles et partenaires… la conception de son rôle de professionnel, d’expert en regard de ceux des bénévoles, citoyens, amis, réseaux entourant ces dites clientèles. L’idée même que le citoyen, le client (à titre individuel ou en tant que collectivité, communauté) n’est pas qu’un patient bénéficiaire des bonnes œuvres du réseau des services publics mais bien le premier et principal producteur de sa santé, de son bien-être.

Jusqu’où cette philosophie était-elle encore présente, active dans les CLSC après 30-35 ans d’existence ? Les programmes cadres avec clientèles et méthodes de plus en plus ciblés, l’institutionnalisation de réseaux communautaires jaloux de leur autonomie, les pressions semblables sur les autres réseaux institutionnels (sécurité du revenu, écoles, hôpitaux, centres jeunesse…) et, surtout, l’incapacité de ce réseau de santé de première ligne à s’articuler de manière efficace avec les cliniques médicales… tout cela ne favorisait guère le maintien d’une approche communautaire apte à soigner la maladie tout en mobilisant les facteurs de croissance et de santé.

Est-ce à dire que l’idéal à l’origine des CLSC est chose du passé ? Le nouveau contexte institutionnel, l’actuelle période de réforme avec, notamment, le défi posé par la mise en place du réseau des GMF mais aussi l’inscription locale des objectifs de santé publique de promotion, de développement des communautés… les sensibilités actuelles plus grandes que jamais à l’endroit de l’environnement, de la santé en général sont des facteurs positifs permettant de reprendre (cent fois sur le métier…) ce même objectif d’éducation à la santé et au développement. Éducation citoyenne mais aussi des professionnels et des organisations. Les méthodes se sont raffinées, les acteurs se sont multipliés, les enjeux complexifiés… mais les humains sont encore les mêmes, avec des besoins essentiellement semblables. Et on peut sans doute prétendre à une meilleure compréhension, une plus grande capacité d’action acquise au cours des précédentes décennies… pour peu qu’on sache garder le cap sur les buts ultimes au dela des négociations de corridors de services et protections de chasses gardées.

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Je note en passant que les articles du Globe and Mail sont maintenant accessibles dans leur ensemble sur le site du journal, y compris les chroniqueurs qui étaient auparavant réservés aux seuls abonnés. Je notais (il y a déjà 3 ans !) à quel point cette restriction empêchait l’inscription des articles dans le débat et le réseau des citations-commentaires que l’Internet permet… réduisant ainsi d’autant l’impact sur l’opinion publique ! Finalement le Globe aura suivi l’exemple des grands journaux tels le L.A. Times et le New-York Times… À quand le tour du Devoir, où les (excellents) articles de Louis-Gilles Francoeur, Christian Rioux… ne sont encore (pour la plupart) accessibles qu’aux seuls abonnés et donc exclus des débats à la grandeur d’Internet.

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