Gilles en vrac… depuis 2002

partis municipaux et délibération

Michel Venne commente l’intention avouée de Denis Coderre disant qu’il se passera d’une structure de parti dans sa course à la mairie de Montréal.

L’existence de partis politiques assure la présence au Conseil municipal d’une opposition mieux structurée, ce qui est une condition de base du débat démocratique. [Le blogue de Michel Venne]

Oui, c’est sans doute vrai. L’efficace de cet « esprit de parti » repose sur la tendance naturelle au biais de confirmation dans le fonctionnement spontané du raisonnement humain. Wikipedia définit ce biais comme « la tendance qu’ont les individus à privilégier les informations qui confirment leurs idées préconçues ». À défaut de pouvoir éliminer cette tendance, on peut la canaliser dans l’intérêt d’un débat plus poussé, plus approfondi. Cela implique certains effets pervers ou dommages collatéraux, mais on peut espérer qu’ils seront moindres que les défauts (dont la diminution de la participation aux élections) d’une réduction de la politique municipale à un « concours de personnalité ».

J’essaie de me rappeler qui a énoncé cette idée, de cette utilisation positive du biais de confirmation dans le contexte parlementaire des politiques partisanes… Ça me revient : c’est un billet du 9 mai 2011 qui sort en premier lorsque je google « biais de confirmation et parlementarisme » ! Hugo Mercier en parle, dans ses textes sur la raison argumentative.

« reasoning is not about truth but about convincing others when trust alone is not enough. » ; « The premise is that reasoning should help us make better decisions, get at better beliefs. And if you start from this premise, then it follows that reasoning should help us deal with logical problems and it should help us understand statistics. But reasoning doesn’t do all these things, or it does all these things very, very poorly.» ; « the function of reasoning, the reason it evolved, is to help us convince other people and to evaluate their arguments. » ; « Maybe the most salient of phenomena that the argumentative theory explains is the confirmation bias. Psychologists have shown that people have a very, very strong, robust confirmation bias. » [Tiré de la page Argumentative theory de Edge – une source que je n’avais pas cité dans mon billet sur la théorie de Mercier]

Ainsi le parlementarisme mettrait à profit ce qui peut être vu, a priori, comme un défaut : le biais de confirmation. Les partis construisent leur argumentaire en s’opposant et critiquant celui des autres.

Pour revenir à l’argument de Michel Venne, Les partis [politiques] sont des organisations qui débattent des enjeux politiques, les rendent intéressants, les mettent en évidence, attirent l’attention des citoyens, stimulent la discussion. Là je suis tenté de lui répondre que les lignes et politiques de partis ont souvent pour effet de faire taire les débats ou imposer le silence aux éléments dissidents internes. Probable, comme il le souligne, que les partis ne sont pas les seuls à avoir incité ou profité de la collusion. « Des enveloppes brunes ont servi, apparemment, à financer les élections de candidats indépendants, qui, sans parti, sans les bénévoles, membres et militants qui lui donnent sa vitalité, ont d’autant plus besoin de recourir aux services de firmes qui leur vendront des élections clés en main apparentées à la corruption. ».

Si les partisans sont souvent retranchés dans des guerres de clochers, argumentant fiévreusement et déformant allègrement les positions adverses, il faudrait, pour que cela en vaille la peine, que les décisions finales puissent s’élever au dessus des lignes de partis pour accepter que les bons arguments prévalent… et non seulement la ligne du parti (ou de la coalition) majoritaire. Alors que nous sommes confrontés aux limites importantes imposées par le mode de représentation uninominal à un tour, qui privilégient un petit nombre de grands partis au niveau fédéral et provincial, avec pour conséquence l’exclusion de l’arène parlementaire de beaucoup de points de vue, ne peut-on imaginer que les questions cruciales qui confrontent les cités et villes contemporaines puissent profiter de modes de délibération qui soient moins ancrées dans des programmes de partis que soutenues par des structures et commissions indépendantes ? Les délibérations et enjeux posés au niveau municipal arrivent souvent après que les grands ensembles (provincial, fédéral) aient posé des balises et des programmes. C’est au niveau local que doivent, finalement, être réconciliés les intérêts et plans des grandes administrations et corporations avec ceux des communautés et voisinages.

Il y a peut-être une différence de fond entre l’administration d’une ville et la gestion de l’ État. C’est un politologue de Victoria, B.C. qui écrivait ce court papier distinguant ce qu’il appelait Voir comme un État et voir comme une ville.

the city is not the imposition of an over-arching authority, but the multiplication of challenges to existing authorities of all sorts. (W. Magnusson, dans Seeing Like a State, Seeing Like a City – pdf)

 


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