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politique municipale

Notes en marge de Sauver la ville, de Daniel Sanger

Les municipalités et villes sont des « créations des gouvernements provinciaux ». La Cour suprême du Canada vient de le réaffirmer en refusant d’invalider la décision, pour le moins maladroite et grossière, du gouvernement Ford de réduire drastiquement le nombre d’élus au conseil municipal de Toronto, cela en pleine campagne électorale en 2018 ! Un geste qui avait toutes les allures d’une revanche de la part d’un ancien élu municipal devenu premier ministre.

Les municipalités du Québec ont aussi connu leur lot de brassage des cartes quand il y eut les vagues de fusions, imposées par un gouvernement du Parti Québécois — ce qui, pour la Ville de Montréal permettait, enfin, d’unifier un patchwork de petite municipalités indépendantes sur l’île. L’initiative de Jean Charest, prise dans le feu de la campagne électorale de 2003, de promettre la possibilité de se défusionner, à la surprise((Sauver Montréal, p. 67)) du Parti Libéral et des maires des anciennes villes de l’ouest de l’île qui s’étaient faits à l’idée et avaient trouvé leur place dans la nouvelle Grande ville… montre bien que la planification et la rationalité ne sont pas toujours présentes dans ces décisions qui structurent (ou déstructurent) nos gouvernements de proximité.

par Daniel Sanger

La lecture, que j’ai trouvée passionnante, de cette chronique relatant la montée vers le pouvoir d’un nouveau parti politique montréalais, Projet Montréal, donne à penser sur la nature même de l’engagement et des affiliations politiques au niveau municipal. Le nombre de transfuges, la facilité avec laquelle de nouveaux partis sont créés à la veille d’une élection… la facilité, relative, avec laquelle on tente ou prévoit fusionner ces partis, derrière des portes closes… cela donne vraiment l’impression que les partis sont, pour certains, d’abord des véhicules pour l’atteinte d’objectifs personnels : prendre et conserver le pouvoir, obtenir une place au conseil exécutif… avec les émoluments qui s’y rattachent. C’est vrai que le « parti », à l’échelle municipale, se résume souvent à un rassemblement autour d’un maire potentiel, autour d’une marque, d’un slogan, d’une image. Et même, parfois, ce rassemblement trouve sa force principale dans le fait d’être « contre », de vouloir simplement déloger l’équipe en place. L’étude des politiques, la base militante et le membership sont alors de peu d’importance.

On pourrait dire la même chose de partis politique provinciaux ou fédéraux… La personnalité du chef et quelques slogans tiennent parfois lieu de programme lorsque la conjoncture s’y prête. Mais tous les partis n’ont pas cette même évanescence ou la même centration autour de la figure du « chef ». Les partis de gauche ou sociaux-démocrates ont sans doute une meilleure tradition de démocratie intérieure, avec des instances locales et régionales dynamiques favorisant la discussion et la réflexion. Mais les grands cultes de la personnalité à la Staline ou Mao viennent infirmer cette perception. Et la militance de droite, en particulier depuis l’antagonisation de la vie politique américaine, me semble bien vivante.

L’obligation devant laquelle nous nous trouvons, collectivement, de changer de régime, de « paradigme« , devant les dangers et catastrophes qui s’annoncent devrait-elle favoriser l’ancrage des pratiques politiques dans des structures plus démocratiques et ouvertes ? C’est ce que je me dis parfois : il faudra plus que des fonctionnaires compétents et des élus allumés pour amener les gens, avec leurs familles et leurs entreprises, à effectuer un virage, un changement relativement radical dans leur manière de vivre, de travailler, de consommer, de se déplacer. Pourtant on a parfois l’impression que la base militante d’un parti devient une nuisance lorsqu’il s’agit de gérer l’appareil gouvernemental : il est plus facile de se replier sur un exécutif serré pour agir d’une main ferme et ordonnée. Les débats et tendances contradictoires peuvent devenir paralysants lorsque les questions sont complexes et les intérêts multiples.

Cette complicité entre élus et membres (et sympathisants) d’un parti est non seulement importante pour porter et développer le programme du parti, mais aussi pour influencer les autres instances, dimensions de l’action citoyenne : pour que Montréal soit branchée sur la province, sur le pays. Pour que tous les Québécois se sentent Montréalais. Et vice-versa.

À la fin de son livre Brève histoire de la gauche politique au Québec, qui comprenait une description assez détaillée de la naissance et des premières victoires électorales de Québec Solidaire, François Saillant se questionnait :

« Plusieurs dizaines de personnes s’activent désormais à sa permanence et auprès de son aile parlementaire. Une partie d’entre elles peut se consacrer à temps plein au travail du parti, ce que peu de membres ont la possibilité de faire. (…) Comment est-il possible, dans une telle situation, de faire en sorte que les membres conservent le plein contrôle de leur parti et que leur contribution lui demeure essentielle? »

Jonathan Durand Folco, dans le dernier numéro de la revue Relations,((Article repris pour l’essentiel dans Le Devoir du 5 octobre)) critique l’orientation sociale-libérale de Projet Montréal, qu’il définit comme combiner des mesures sociales et écologiques à une politique économique relativement orthodoxe capable de s’accommoder du statu quo néolibéral. Mais face au possible retour de Denis Coderre, il est préférable, dit-il, d’appuyer Projet Montréal et Valérie Plante, afin d’avoir une « administration plus ouverte aux idées progressistes, avec laquelle il sera plus facile de dialoguer et la convaincre de réaliser des changements plus radicaux… à condition bien sûr qu’il y ait des forces sociales pour la pousser à bousculer le statu quo. »

Ces fameuses forces sociales sans lesquelles aucun parti, aucun gouvernement ne peut faire autre chose que de gérer le stock de chaises (et la playlist) sur le pont du Titanic. C’est une autre manière de nouer, soigner les relations entre société civile et société politique qu’il nous faut, et vite !

Valérie Plante nous a prouvé qu’elle savait être « L’homme de la situation » au cours de son premier mandat. Saura-t-elle être « La femme de la situation » dont nous avons un urgent besoin ?


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