Projet collectif, l’année 2023

J’ai assisté, avec quelques dizaines d’autres utilisateurs-membres, à l’assemblée générale (en ligne) de Projet collectif, une organisation porteuse de plusieurs initiatives et collaborations dont les plus connues sont Passerelles et Praxis. Le rapport annuel fait état de plusieurs (6) initiatives, une douzaine de collaborations, treize participations, et une dizaine de moments ou textes de réflexions ou chantiers relevant de la vie interne de Projet collectif.

En deux ans l’équipe permanente de Projet collectif sera passée de 3 à 12 personnes, en plus des nombreux collaborateurs. Un développement rapide dont les présentations par les deux co-directeurs, la présidente du conseil et quelques responsables témoignent avec éloquence.

Le rapport annuel 2023 comprend une cinquantaine de textes qui valent d’être parcourus, ne serait-ce que pour avoir une idée de la diversité et du dynamisme des projets portés par cette organisation encore jeune. Parmi ceux que j’ai trouvé particulièrement inspirants :

Parmi les perspectives innovantes annoncées :

  • Une troisième plateforme pourrait s’ajouter à l’automne à Passerelles et Praxis : un Babillard
  • La mise en place de Bases de connaissances, comme regroupements de carnets, qui eux-mêmes regroupent des notes
  • Les milieux ouverts, un programme qui « vise à renforcer les capacités de collaboration et de documentation ouverte des savoirs pratiques au sein de différents milieux identifiés comme prioritaires pour une société québécoise plus équitable et écologique. » Il semble qu’un premier Milieu ouvert Aîné·es et vieillissement soit en gestation.
  • Coordination et animation du RADN (qualifié de « dossier prioritaire pour 2024 ») : réunissant dans une communauté les 52 agent·es de développement culturel numérique (ADN) travaillent aux quatre coins du Québec pour 58 organisations du secteur artistique et culturel.
  • La publication d’un tableau des changements prévus, en attente d’évaluation, demandés dans l’environnement : Développement En commun | En attente (notion.so)

En conclusion, je continuerai de suivre avec intérêt ce projet dont la direction bicéphale et le développement rapide ne cessent de m’étonner. Je demeure sceptique ou critique cependant concernant le caractère ouvert et complémentaire affirmé en principe : on a parfois l’impression que le projet vise à reproduire, recopier dans ses pages (et sa plateforme) des contenus qui existent déjà sur Internet plutôt que de favoriser une liaison organique avec ces sources indépendantes. Ce qui oblige une organisation désirant participer à dupliquer l’information (ex: sur son site web et dans un ou des carnets Praxis).

Beaucoup d’efforts ont été consentis pour créer un répertoire de près des 3000 organisations citées dans les notes cumulées sur Praxis et un lexique avec près de 2000 définitions. Un répertoire par ordre alphabétique seulement. Par ailleurs je remarque que chacune de ces entrées de répertoire identifie les notes où l’organisation est citée.

Je comprends que ce type de développement peut être confié à des stagiaires ou des projets étudiants. Alors que le développement de protocoles et routines assurant l’interopérabilité entre réseaux et organisations produisant de l’information utile ou actuelle demanderait un autre type d’efforts.

La façon dont les concepts de communauté de pratique et de partage de savoirs sont utilisés me donne parfois l’impression d’une certaine naïveté à l’endroit du pouvoir. Cette idée m’est venue en lisant ces questions décrivant un projet de recherche1Projet de recherche sur l’effervescence en transition socio-écologique, cité dans le rapport de Joël :

  • Comment dépasser l’inertie du travail en silo des décennies passées, le manque de capacités organisationnelles et les chocs de culture organisationnelle?
  • Comment les luttes sociales et écologiques peuvent-elles se compléter sans pour autant se faire concurrence?

Le travail en silo n’est pas dû qu’à l’inertie… il peut être défendu, bec et ongles, comme son territoire, source de pouvoir et savoirs… qu’on ne veut surtout pas partager.2Ou peut-être que si, un peu, pour ne pas avoir l’air goinfre ! Ou pour être à la mode ! Et en matière de luttes sociales la concurrence ou même l’opposition entre visions et forces sociales me semblent inévitables. Oui les forces sociales visant une transition vers plus d’équité, de sobriété, de partage doivent être rassemblées, afin, justement, de contrer les forces ne veulent rien changer aux règles actuelles privilégiant l’appropriation privée au détriment des intérêts collectifs et à long terme.

Mais si ces forces sociales sont actuellement dispersées et divisées le partage de « bases de connaissances » suffira-t-il ? Sera-t-il même possible ? Il faut travailler l’interface, la porosité entre le web tel qu’il est et un espace où les données colligées sont réfléchies, décortiquées, synthétisées puis rediffusées. Un espace collectif ouvert et réactif où l’actualité est commentée, documentée, critiquée. Et lorsqu’un consensus est atteint, une piste est identifiée, une solution trouvée, on l’inscrit dans une ou plusieurs bases de connaissances.

Je sais bien qu’un tel espace collectif réactif est utopique : trop peu de monde pour trop de sujets, la discussion ne lève que rarement. Peut-être faut-il avoir une autre vision que celle d’un « Twitter amélioré ». Où l’algorithme est remplacé par une intelligence collective, une patinoire où des équipes, des joueurs sont invités à venir animer le jeu pour un temps, un soir, une semaine, une saison ?

Les silos ne sont pas faits que d’inertie ou d’ignorance : ce sont des tours d’ivoire et d’argent. Des chasses gardées ou des expertises monétisables. Des champs d’autant plus facile à défendre qu’une bonne partie des savoirs est tacite, des savoirs pratiques difficiles ou impossibles à traduire en mots. Difficiles à mettre en boîte ou en carnet, de là l’importance des rencontres et échanges interpersonnels, des stages, des collaborations sur le terrain, des sessions de coaching…

Un dernier mot : Bravo ! Et, à ceux qui n’ont suivi que de loin ce projet ou qui ne le connaissent pas encore, plongez quelques minutes dans le rapport annuel touffu !

Notes

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