À l’ombre des tours à fric

Au moment d’écrire le billet précédent, Une place où vivre ou un placement ?, le 30 janvier dernier je n’avais pas encore pris connaissance d’un dossier publié en octobre 2022 par l’organisation Vivre en ville : Portes ouvertes – pour une sortie de crise durable en habitation (PO). Une synthèse impressionnante de 64 pages (pdf), complétée d’une annexe proposant 87 solutions pour l’abordabilité durable (PO-A) (pdf). 

Après un état des lieux en matière d’abordabilité et de durabilité : des prix inabordables dans les villes qui poussent vers un étalement urbain incompatible avec les objectifs de la transition climatique, le rapport met en lumière les grands gagnants de la crise actuelle. Les grands promoteurs immobiliers, les propriétaires de longue date, les investisseurs immobiliers, les courtiers immobiliers et les finances municipales. 

Graphique tiré de Portes ouverte, page 37

Il est notable que cette crise de l’accessibilité du logement est particulièrement marquée au Canada par rapport aux autres pays du G7 : 

Graphique tiré de Portes ouverte, page 24

Cette crise est complexe et il n’y aura pas de solution passe-partout. 

Pour en finir avec la crise de l’habitation et des changements climatiques, les défis à relever sont des défis de gouvernance et de solidarité. Les solutions mises en place ne seront jamais assez bonnes, assez innovantes, assez bien financées pour nous décharger de l’obligation de changer. Changer la façon dont on aménage le territoire, changer la façon dont on épargne de l’argent, changer la mesure d’espace que l’on se réserve à nous­-mêmes et que l’on protège des autres, changer ce qu’on exige de nos élus et de nos professionnels. (PO p. 26)

Quatre « portes à ouvrir » pour sortir de la crise : 

Combler le déficit d’espace habitable dans les milieux durables 

  • Réformer le cadre d’aménagement québécois
  • Augmenter les capacités résidentielles des milieux urbains
  • Encourager la densification
  • Freiner l’étalement urbain

Créer un marché immobilier sans spéculation 

  • Affranchir les municipalités de leur dépendance à l’appréciation foncière
  • Redistribuer la plus-value immobilière
  • Empêcher la spéculation sur les immeubles locatifs
  • Protéger le parc locatif de la conversion en hôtels clandestins

Construire une abondance d’unités à but non lucratif

  • Financer et coordonner les programmes de logements sociaux
  • Faciliter la mise en œuvre de projets innovants
  • Donner un avantage compétitif aux projets à but non lucratifs
  • Habiliter les municipalités à exploiter un parc immobilier rentable

Décupler la productivité du secteur de l’habitation

  • Remanier le cadre réglementaire
  • Uniformiser le processus de développement résidentiel
  • Prévenir le « pas dans ma cour » en fin de projet
  • Développer l’industrie locale pour établir une chaine d’approvisionnement

De cet ensemble de pistes qui exigeront audace et leadership j’ai été frappé par la proposition visant à Redistribuer la plus-value immobilière. Ma première réaction : c’est un peu comme le slogan « faisons payer les riches ». Mais en y repensant, il est vrai que la rente foncière et immobilière représente un profit généré par la collectivité : on achète un terrain, ou une habitation et, sans qu’on ait rien à faire, cette propriété prend de la valeur ! Cette valeur ajoutée est d’autant plus grande que le milieu de vie est jugé désirable… Et puis, ce n’est pas une idée neuve, même un économiste tel Sir Paul Collier la mettait de l’avant dans The Future of Capitalism (j’en ai parlé ici) ou encore le groupe Dark Matter qui proposait dans A Smart Commons de récupérer une partie de la plus value privée générée par les investissements publics. 

« Le sacrifice de l’épargne en immobilier est un passage obligé pour créer des conditions de marché au service de tous les consommateurs. Sans engagement concret et prolongé en ce sens, les portes des collectivités viables ne seront jamais ouvertes. » (PO p. 37)

Une telle idée ne serait pas facile à mettre en œuvre ! Évidemment il faudrait distinguer le propriétaire qui se construit une fortune à coup de flips et de rénovictions et le  petit propriétaire occupant qui a misé une (trop) grande partie de son épargne dans un logement onéreux… Mais à moins de se satisfaire de demi-mesures comme l’aide à l’accès à la propriété qui ne fait qu’ajouter au problème1« Les mesures de soutien à la demande constituent un remède plus nocif que le mal qu’il cherche à traiter » – PO p. 36, et d’accepter l’étalement urbain comme un phénomène inévitable, il faudra oser. En commençant par oser imaginer que la maison que j’ai achetée 100 000$ il y a 25 ans et qui « vaut » 750 000$, minimum, aujourd’hui… pourrait ne me rapporter que 500 K$. Pourquoi un investissement sécuritaire comme l’immobilier devrait-il rapporter du 8-9% par an alors que les placements sécuritaires ailleurs vous donneront (moins de) la moitié moins ? Il y a « quelque chose de pourri au royaume » de l’immobilier. 

Une autre idée radicale avancée par le document de Vivre en ville : taxer les terrains plutôt que le bâti qui s’y trouve. Une manière de favoriser la densité : trois unifamiliales occupant la même superficie de terrain qu’une tour de 20 étages supporteraient le même fardeau fiscal. 

Comment imaginer qu’on pourrait à la fois réduire, récupérer une bonne part de la plus-value au moment de la revente; augmenter substantiellement les taxes sur les petites propriétés (moins denses) tout en évitant une révoltedes électeurs-propriétaires ? 

  • En donnant quelque chose en retour à ces « victimes » du changement
  • En donnant beaucoup aux locataires actuels et futurs 
    qui sont (encore) majoritaires à Montréal !

L’ampleur du besoin

Comme le souligne le document de Vivre en ville, il faut construire plus que le strict minimum, afin de donner le choix aux gens, leur permettre de changer de logement suivant leurs besoins qui évoluent dans le temps. Mais aussi, ce que ne souligne pas assez le document Portes ouvertes, afin de rénover le stock actuel de logement : isolations thermique et sonore, systèmes de chauffage, climatisation, aération… Il faudra des logements où déplacer les ménages pendant que des rénovations importantes seront faites sur le stock actuel.

Répondre à l’ampleur du défi, en termes de qualité et quantité, exigera des efforts de recherche-développement en matériaux, techniques, processus, outillages et chaines d’approvisionnement. S’il faut à la fois multiplier la quantité et élever la qualité des habitations produites, ne peut-on imaginer la production en milieu contrôlé, par exemple la fabrication en usine d’unités, non pas des maisons mais des pièces-coquilles, à l’isolation thermique et sonore optimisées, conçues pour être facilement assemblées sur le terrain ?

Un effort de développement de la qualité et la productivité des processus qui devrait permettre d’expérimenter et définir des normes, des produits certifiés, des protocoles d’installation et de vérification qui auraient un effet d’émulation sur l’ensemble de l’industrie. 

Prendre au sérieux l’effort, le défi qui se pose devant nous, sous nos pieds, exigera un engagement collectif, une mobilisation de l’industrie vers des objectifs quantitatifs audacieux, composés, accrus par une obligation de rehaussement de la qualité et de la productivité, sans la facilité, le lubrifiant d’un taux de profit faramineux !

Choisir entre l’épargne et l’abordabilité ?

S’il est vrai que certains propriétaires considèrent le logement comme un investissement, escomptant un retour de 8-9 % par an, ou même 15-20% selon le produit (voir tableau 5 du document de l’IRIS, Analyse du marché immobilier et de la rentabilité du logement locatif, 2020), pour la majorité des gens la valeur de la propriété est virtuelle. Seuls ceux qui vendent aujourd’hui réalisent cette valeur. 

Pour plusieurs des propriétaires de longue date la valeur théorique de leur logement est… exagérée, pour ne pas dire ridiculement élevée. Et si on consacrait une partie de cette valeur spéculative pour construire du logement de qualité, à bon marché, adapté aux défis climatiques et de densité urbaine ? 

Faut-il vraiment, pour atteindre l’abordabilité, « sacrifier l’épargne », comme le suggère le document PO page 37 ? Ce n’est pas l’épargne qu’il faut sacrifier, c’est une épargne à croissance spéculative. S’il faut dégonfler la bulle pour orienter ailleurs et autrement l’industrie, ne pourrait-on offrir aux épargnants de participer volontairement à ces investissements socialement nécessaires ? Les retours seraient moins faramineux, mais ils permettraient de répondre aux besoins de demain, tout en améliorant le tissu urbain et la qualité de l’habiter. 

Quelques questions à éclaircir 

Qu’est-ce qui empêche Montréal de devenir propriétaire, tel que suggéré à la solution-clé #12 (PO p. 47) ?

  • La SHDM ne peut-elle être ce bras immobilier ?

Et si les conditions du marché restent les mêmes, les constructions nouvelles ou rénovations majeures conduiront à des prix similaires, non ? 

Mais Montréal a-t-elle les moyens d’investir ?

  • Alors qu’il faudrait des milliards (G$) pour acheter terrains et propriétés pour construire et rénover des dizaines de milliers de logements
  • Alors que certaines (?) contraintes réglementaires et légales empêchent les villes de… faire des déficits (?) d’investir et prendre la place, exercer une « compétition déloyale » à l’endroit du capital privé ?

Comment une récupération de la plus-value n’aura-t-elle pas d’effet inflationniste ? 

  • Le vendeur sachant qu’il sera surtaxé de 20% (hypothèse), pourrait augmenter d’autant le prix… et s’il a un acheteur à ce nouveau prix… La ville aurait obtenu des $$$ mais le marché serait encore plus fou ! 
  • En fait il y aurait moins de surenchère si la perspective de revente avec profits élevés devient plus difficile… 

Si, comme le suggérait l’étude de l’IRIS en 2020 : 

  • « Afin de limiter la spéculation immobilière et financer la construction de logements sociaux et communautaires, l’IRIS recommande notamment d’instaurer un impôt progressif sur le patrimoine et d’abolir la déduction pour gain en capital. »
  • Quel effet cela aurait-il sur les G$ de projets en cours de construction (ou ceux encore dans les cartons) ? Suivant la recension de imtl.org il y a présentement (2 mars 2023) 49 édifices de 12 à 63 étages en construction à Montréal, dont les plus importants valent plus d’un demi milliard $.  

L’effet d’un tel, hypothétique, virage serait une douche froide sur le marché, les achats comme placements seraient moins pressés ! Moins d’acheteurs = prix à la baisse. Mais les besoins de logements sont toujours là et si les prix baissent… ils seront plus nombreux à vouloir acheter… donc les prix à la hausse !

Et si la « taxe à la bulle immobilière » n’était pas qu’une simple taxe prélevée par la Ville mais en partie une forme d’actionnariat dans le développement d’un stock de logements abordables, de qualité, durables ? Autrement dit les propriétaires (et promoteurs) se voyaient offrir des actions ou obligations à long terme à rendement sobre, patient en compensation (partielle) de la perte des profit escomptés ? Des actions garanties par les gouvernements, soutenues par les fondations et municipalités, permettant que les nouveaux logements construits, même abordables, demeurent rentables… 

Mais si le marché de l’habitation devient moins spéculatif, les acheteurs de condos-placements se tourneront vers d’autres produits (marché boursier, condos-placements ailleurs…) et les promoteurs qui ont présentement à écouler des centaines d’unités risquent de voir leur château de cartes financier s’écrouler… 

Un malaise nécessaire

Je suis bien conscient de n’être pas un spécialiste, ni du secteur immobilier ni de la finance. J’ai acheté deux maisons dans ma vie. La première, en 1981, était un quintuplex dont le rez-de-chaussée faisait 13 pièces, avec des plafonds aux plâtres moulés à hauteur de 10 pieds. Nous étions tous pauvres, inexpérimentés et en principe opposés à la propriété (!) aussi nous avions proposé aux locataires de participer à l’achat en propriété indivise. Avec une mise de fonds de 1300$ chacun, nous avons pu acheter le quintuplex pour 58 000$.

Extrait de StreetView dans Google Map

Aujourd’hui, ces cinq logements valent « certainement »2Notez que je n’ai pas cherché à établir la valeur actuelle de ces propriétés. Il faudrait retracer les dernières transactions enregistrées, et projeter des valeurs ajustées à l’inflation du marché depuis… plus de 2M$ pris ensemble. 

La seconde maison était un duplex, acheté pour 100K$ en 1995. L’évaluation municipale en situe aujourd’hui la valeur à près de 750 K$ et le marché la valoriserait peut-être encore plus. 

Je ne suis pas spéculateur… même si certains m’accuseront de l’être dans le domaine des idées. Peut-être. Mais une idée n’est spéculation que si elle reste dans le domaine spéculatif sans s’incarner, se réaliser matériellement et socialement. Et il semble que les idées dont je parle ici, certaines d’entre elles certainement, se réalisent présentement. L’exemple le plus récent : la « sortie hors du marché spéculatif » de près de 400 logements à Drummondville, grâce à une initiative de SOLIDES, un propriétaire à but non lucratif, soutenue par « des prêts assurés par la SCHL et des partenaires privés, comme la Caisse d’économie solidaire Desjardins et la Fondation Lucie et André Chagnon ». 

Il faut résister à l’attrait du confort, celui intellectuel qui consiste à s’interdire de penser « hors de la boîte » des habitudes et manières normales, traditionnelles. La bulle immobilière, c’est un peu comme cette bulle de CO2 que nous avons accumulée et dont nous devons trouver moyen de la dégonfler, sans qu’elle n’éclate, si possible. Réduire la consommation d’énergie tout en changeant de combustible principal (et de processus industriels) pour produire cette énergie. 

La bulle immobilière s’est gonflée rapidement après la crise du dot.com et malgré la crise de 2008 a continué de croître. Une valeur refuge, plus sécure que les actions industrielles et qui rapporte autant. Continuer de gonfler la bulle pour permettre à ses enfants d’y participer en achetant malgré les prix exorbitants ? Ou pour maintenir son élan de croissance (ou sa survie) dans un marché payant ? 

Devrions-nous refuser d’explorer des solutions à hauteur des défis, parce que ça risque de choquer les susceptibilités et sentiments des investisseurs ? De les rendre insécures ? Pourtant une bonne partie de ces investisseurs sont des institutions (fonds de pension, fondations, fonds communs…) qui ont une obligation, morale sinon légale, de soutenir le développement de la société. Et puis, si les investissements immobiliers ne rapportent plus du 20-25% mais du 2-4% il faudra aux fonds de pension et consorts trouver de nouveaux filons pour maintenir leurs revenus… mais s’ils sont partenaires d’une amélioration notable de l’offre accessible et durable de logements, c’est dans une société plus riche qu’ils investiront. 

Merci de m’avoir lu jusqu’ici. Vos commentaires sont toujours les bienvenus, ici au bas de l’article ou par courriel : gilles.beauchamp@gmail.com

Autres sources :

Notes

  • 1
    « Les mesures de soutien à la demande constituent un remède plus nocif que le mal qu’il cherche à traiter » – PO p. 36
  • 2
    Notez que je n’ai pas cherché à établir la valeur actuelle de ces propriétés. Il faudrait retracer les dernières transactions enregistrées, et projeter des valeurs ajustées à l’inflation du marché depuis…

servitude, béton et religion

lectures récentes

La fabrique de nos servitudes de Roland Gori. Un auteur que je ne connaissais pas mais qui m’a été chaudement recommandé par Olivier, de chez Gallimard. Et comme Olivier me connait mieux que tous les algorithmes d’Amazon, je lui fais confiance et je suis rarement déçu.

Nous codons le monde jusqu’à en perdre le corps. Nous mangeons des algorithmes. Ce livre est une invitation à en finir avec les fabriques de servitude en cherchant par tous les moyens de création à transgresser les assignations à résidence identitaires que favorisent les sociétés d’informations. (…) Les murs algorithmiques des sociétés de contrôle tomberont plus difficilement que le mur de Berlin. (…) Nous avons une identité d’êtres humains moins définie par un caractère « national », « racial » ou de « genre » que par notre appartenance au monde du vivant. Nous appartenons au vivant dont nous ne sommes que l’un des modes d’expression et que notre illusion narcissique nous empêche de reconnaître comme tel. (…) Nous ne nous sommes pas échappés de l’animisme comme la superbe occidentale le croit, nous l’avons transféré aux objets techniques, non sans efficacité.

La fabrique de nos servitudes, R. Gori. Pp 21, 127 et 226-227.

Si je ne retenais qu’une chose de ce texte touffu c’est son appel à la créolisation des cultures, du monde. Qui me fait connaître Patrick Chamoiseau (Texaco, prix Goncourt 1992) et Achille Mbembe (Critique de la raison nègre). Aussi tiré de la foisonnante bibliographie citée par Gori : Béton, arme de construction massive du capitalisme, de Anselm Jappe; Relions-nous, La constitution des liens – L’an 1; et L’archipel français, Naissance d’une nation multiple et divisée de Jérôme Fourquet.

Gori est un philosophe qui a une formation de psychanalyste (à moins que ce soit l’inverse ?). Si les références à Deleuze, Lacan, Foucault ou Debord ne vous font pas peur… Mais ce sont les auteurs antillais (Glissant, Chamoiseau, Mbembe) cités qui me convainquent de cette perspective de la « créolisation », critique s’il en est du « wokisme » et des identitaires en mal de pureté.

Je me suis plongé ensuite dans Béton, arme de construction massive du capitalisme. L’auteur (Jappe) y fait l’histoire du béton, en particulier de sa version moderne, le béton armé. Son impact sur l’architecture et les techniques traditionnelles de construction. L’impact écologique en émission de GES (chaque tonne de béton coûte une tonne de CO2) mais aussi en consommation de sable. Une « mafia du sable » s’est développée en Inde… Mais j’ai été déçu de ne pas trouver l’analyse que je cherchais (et cherche encore) de l’importance financière et matérielle que constituent les tours d’habitation qui pullulent dans les centres urbains : comme si c’était le nec plus ultra de l’urbanisme, de l’habiter en ville ! Quand on voit, littéralement, sortir de terre en quelques années des quartiers tel Griffintown à Montréal, on est en droit de se demander jusqu’où ce « cancer » va s’étendre aux autres quartiers ? Est-ce vraiment le meilleur moyen de « densifier » nos villes ? Ou si ce n’est pas plutôt un moyen de faire du fric, un investissement payant et une version quasi liquide de l’immobilier (Louis Gaudreau, Le promoteur, la banque et le rentier). Un revenu important pour la Ville aussi. Donc, je cherche encore cette analyse du poids (financier, environnemental, culturel) des tours…

Pour m’aérer un peu l’esprit, j’ai ensuite lu cette autre référence de Gori, plus divertissante : L’anomalie, de Hervé Le Tellier. Le prix Goncourt 2020. Mérité, à mon avis bien humble car je ne me précipite pas en général pour lire les prix littéraires.

Je suis revenu ensuite à Relions-nous, que j’avais juste feuilleté. Un assemblage plutôt insipide (en ordre alphabétique des titres ! de Agriculture à Utopie) de quelques dizaines de très courts articles autour du terme : créer ou refaire des liens. Trente-huit textes de 2 à 4 pages, suivis de quelques propositions concrètes, parfois sous forme d’articles à adopter dans cette nouvelle « Constitution des liens, L’an 1 » annoncée en sous-titre de l’ouvrage collectif. Parmi les quelques 50 auteurs j’en reconnais une dizaine (Giraud, Citton, Méda, Damasio, Viveret, Morizot, Darleux, Servigne, Blondiaux). Malgré ces limites, ou peut-être grâce à elles, beaucoup des propositions avancées sont à la fois simples et audacieuses. Plusieurs touchent à cette obligation de plus en plus évidente : nous devons partager cette planète avec les autres vivants qui l’habitent. Par exemple : « Par des sorties en nature hebdomadaires les élèves apprennent à identifier 26 essences d’arbres et d’arbustes… ». Ou encore « Tout habitant de la ville devra être responsable d’au moins un arbre ». Ou cette injonction visant à rendre paritaires (actionnaires et employés) les conseils d’administration des entreprises et à limiter à un maximum de douze fois le SMIC le salaire des dirigeants. Ou ces propositions concernant les médias visant à considérer « les attentions individuelles et collectives » comme des biens communs dont la protection doit être assurée au même titre que la protection de l’air et de l’eau. À cette fin le financement des médias locaux devra être assuré grâce à une répartition des revenus actuellement appropriés par les grands medias et par de fortes taxes sur la publicité.

Peut-être l’article qui m’a le plus déçu de l’ensemble : celui sur la religion qui se limite à réaffirmer l’importance de la laïcité de l’État. Mais, bon, c’est peut-être beaucoup demander de faire plus que cela en 2-3 pages. Je me suis donc consolé, ou rassasié, avec ce livre-somme de Jurgen Habermas : Une histoire de la philosophie — La constellation occidentale de la foi et du savoir. Quelques 850 pages par cet érudit philosophe pour étancher ma soif de comprendre. Même s’il se concentre principalement sur l’évolution en Occident, son chapitre comparant les religions de la « période axiale » (bouddhisme, taoïsme, judaïsme) et la philosophie grecque était éclairant. Augustin et Platon; Thomas d’Aquin et Aristote; l’émergence d’un nouveau paradigme avec Duns Scot et Guillaume d’Ockham. Ce premier volume se termine sur Machiavel dont il me fait découvrir un texte qui, d’après Habermas, est plus important encore que le fameux « Prince » : Discours sur la première décade de Tite-Live.

Je ne prétendrai pas vous résumer ce tour d’horizon magistral réalisé par ce brillant philosophe nonagénaire ! Le plan du volume II est annoncé à la fin du premier volume : « Liberté rationnelle. Traces des discours sur la foi et le savoir« . Il complétera ce parcours : de Luther à Hume, puis à Kant; Hegel, Feuerbach, Marx, Kierkegaard, Peirce. Ça promet !

Et comme j’avais sous la main une copie, jaunie par les quelques 33 ans écoulés depuis sa parution, trouvée chez un bouquiniste il y a quelques mois, de Une théologie pour le 3e millénaire par Hans Küng, j’en ai lu les quelques quarante pages de conclusion : L’unique vraie religion existe-t-elle ? Essai de critériologie oecuménique 1j’ai produit un pdf « maison » de cette conclusion. Après le point de vue agnostique et historique de Habermas, qui sied à un philosophe, Küng amène un point de vue de l’intérieur2« On ne saurait saisir une religion dans ce qu’elle a de plus profond tant que l’on n’y adhère pas de l’intérieur, avec tout le sérieux existentiel qu’elle appelle » p. 345, en tant que théologien. Un point de vue contemporain, pour qui le dialogue entre les religions est une question urgente, immédiate, même 35 ans après la parution de l’original en allemand. Küng est peut-être le théologien qui a pris le plus au sérieux la nécessité du dialogue entre les religions : il a étudié, publié sur le judaïsme, l’Islam, la « religion chinoise »… en plus de ses écrits sur l’Église et la chrétienté. Ce qui lui permet d’aborder la question avec respect et perspicacité. Enfin, je crois.

Mais pourquoi donc revenir, encore, à cette question de la religion, alors que tant d’autres frappent et se pressent à la conscience ? Peut-être parce que j’ai l’impression que mes contemporains, occupés qu’ils sont à bien verrouiller la religion dans le champ du privé afin de garantir la laïcité de l’État, oublient facilement à quel point elle est au coeur de la culture sinon au centre de l’État pour la plus grande partie de l’humanité. Et si les enjeux globaux exigent une mobilisation globale, nous devrons trouver un langage commun, autour de valeurs qui transcendent les différends religieux. Une nouvelle éthique du vivant : « Nous appartenons au vivant dont nous ne sommes que l’un des modes d’expression » (R. Gori, op. cit. p.226).

Notes

  • 1
    j’ai produit un pdf « maison » de cette conclusion
  • 2
    « On ne saurait saisir une religion dans ce qu’elle a de plus profond tant que l’on n’y adhère pas de l’intérieur, avec tout le sérieux existentiel qu’elle appelle » p. 345

une voie cyclable à l’abri des autos

En utilisant Google Earth pour y insérer quelques photos-repères déposés sur le trajet des voies ferrées le long d’un parcours de 20 km. Un rêve, un projet amorcé il y a 22 ans… Pour plus de détails, voir suivant la voie ferrée, prise 2.

Avant de repartir faire des photos, pour mettre à jour celles de juillet-août 2000, je dois porter attention, plus qu’il y a 20 ans, à l’impact recherché : faire avancer le « dossier », l’idée d’une voie cyclable tout du long de la voie ferrée identifiée, celle qui sépare et relie tous les vieux quartiers centraux de Montréal.

J’ai aussi assemblé quelques sources autour du thème « rails-with-trails » (à distinguer des « rails-to-trails » qui parlent des voies ferrées désaffectées transformées en pistes). Voir rails et vélos.

Quelle ville, demain ?

Je souhaiterais discuter avec quelques lecteurs intéressés les enjeux soulevés par le prochain plan d’urbanisme de Montréal. À cette fin, et pour plus de facilité de consultation, j’ai réuni ici des liens vers les principaux documents déjà publiés . J’ai aussi rassemblé ces documents dans un « Bloc-notes » de l’application (gratuite) OneNote de Microsoft. Pour ceux et celles qui seraient intéressés d’expérimenter ce mode de discussion et de travail, et qui ont déjà installé cette application, je pourrais vous transmettre le lien vers ce Bloc-Note. Il vous suffit de me communiquer votre intérêt (gilles.beauchamp[at]gmail.com).

Vers le Plan d’urbanisme et de mobilité 2050

Le processus de préparation du prochain plan d’urbanisme de la Ville de Montréal est déjà enclenché depuis 2019, avec des diagnostics en matière de mobilité, des groupes de discussion citoyens… Voir : Créer ensemble le prochain plan…

La ville déposait en juin dernier sa vision : Projet de ville (73 pages). Aperçu des propositions (19 pages)


Les travaux préparatoires à la rédaction de ce Projet de ville ont été nombreux et ont donné lieu à plusieurs rapports

Continuer la lecture de « Quelle ville, demain ? »

voyager avec Grescoe

Je termine la lecture de Straphanger, de Taras Grescoe. Tout un voyage ! Treize villes visitées, dont onze en présentant l’histoire du développement de leur système de transport en commun, en relation avec les enjeux politiques, technologiques et environnementaux soulevés : étalement urbain favorisé ou non; coeurs des villes dynamisés… 

Grescoe est un auteur canadien né à Toronto, ayant vécu à Vancouver et qui s’est installé à Montréal depuis… 20-25 ans ? Il en est à son 7e livre, avec Possess the air, paru en 2019, qui raconte de manière romancée la bataille pour le coeur des Romains et contre la Rome de Mussolini. Son 6e livre était aussi un essai romancé, racontant la ville de Shanghai durant les années 30. Je dis « romancé » mais ce n’est sans doute pas le mot juste pour dire de tels ouvrages appuyés sur d’amples recherches historiques et un grand travail terrain qui lui ont valu plusieurs prix dans la catégorie « non-fiction » utilisée dans le monde anglophone. Il se méritait d’ailleurs récemment (novembre 2020) le prix Mavis Galant pour le meilleur livre de non-fiction (essai) accordé par la Quebec Writers Federation. 

Ses livres racontent ses voyages, pour décrire le Québec (Sacré Blues), ou parler des nouveaux circuits touristiques (The End of Elsewhere: Travels Among the Tourists —  traduit chez VLB en Un voyage parmi les touristes) ou d’une tournée des produits interdits en racontant l’histoire des prohibitions (The Devil’s Picnic: Around the World in Pursuit of Forbidden Fruit — chez VLB : Le pique-nique du diable ) ou encore en racontant et goûtant les produits de la mer et les conditions de vie des pêcheurs qui subissent les contrecoups de la destruction rapide des ressources halieutiques (Bottomfeeder – How to eat ethically in a world of vanishing seafood — chez VLB : Notre mer nourricière). 

Straphanger, publié en 2012 chez HarperCollins, ne semble pas avoir été traduit malheureusement. Chaque ville visitée lui permet d’argumenter l’importance des choix structurels en matière de transport collectifs urbains en regard des effets qu’ils ont, ou pas, sur la qualité du vivre en ville ou en terme de freinage de l’étalement urbain : New York, Moscou, Paris, Copenhague, Tokyo, Bogotá, Phoenix, Portland, Vancouver, Toronto et Philadelphie. Bientôt dix ans depuis sa publication j’en terminais la lecture en me demandant ce que ce montréalais pouvait penser de cette intervention structurante (ou déstructurante) de la Caisse de dépôt avec son REM ? S’il exprime à plusieurs reprises de bons mots pour les formules « sans conducteurs » telle le Skytrain de Vancouver, par ailleurs l’importance de bien intégrer régionalement de telles interventions majeures, qui est une condition de réussite soulignée à plusieurs reprises dans son livre, n’est pas vraiment présente dans l’approche déployée par le REM. 

Et puis, comme les multiples exemples de son livre le montrent, il n’y a pas une seule formule gagnante : métro, train, tramway… SRB… l’important est l’articulation et la hiérarchisation (les formules légères alimentant les formes plus lourdes) et la fréquence-régularité-prévisibilité. Il n’y a aucune loi d’airin qui dit qu’il faut utiliser la forme la plus coûteuse (après le métro) pour desservir la banlieue est de Montréal. Ni celle de l’ouest d’ailleurs, mais là il est un peu tard. Pourquoi pas un tramway ? Ce serait bien un tramway, surtout qu’avec un peu de programmation intelligente des feux de circulation on pourrait assurer un débit élevé, sans pour autant gâcher l’environnement et créer des enclaves regrettables

Je suis un peu surpris de ne découvrir que maintenant les livres de cet auteur. Bon, les traductions françaises sont pratiquement toutes épuisées, sauf celle de son avant-dernier livre : Shanghai la magnifique, publié aux éditions Noir sur Blanc. Ça me donnera l’occasion de fouiner un peu chez les bouquinistes ! Un bon point cependant : le paquet de 3 de ses livres en langue originale en format numérique (The Devil’s Picnic, Bottomfeeder et Straphanger) se vend 14$ seulement (sur Amazon.ca) !

une riche petite friche

Je ne cesse de découvrir de nouvelles espèces de plantes, fleurs, arbustes ou arbres… dans ce petit terrain laissé en friche depuis plusieurs décennies. Voir l’album par ordre alphabétique déposé sur Flickr. Dominé par de grands peupliers deltoïdes, on y trouve des asclépiades, des cerisiers de Virginie, des carottes sauvages… et beaucoup d’herbe à poux et de vignes vierges. Un ou deux ormes d’Amérique, dont un qui a bien deux mètres… des « érables à Giguère » et un érable argenté…

Avec quelques voisins (et l’appui du propriétaire) nous aimerions avoir quelques conseils dans l’aménagement de cet espace afin d’y laisser croitre les « bonnes espèces » et faciliter la maturation d’un petit espace vert diversifié ayant le maximum d’impact positif sur la qualité de l’air, la faune aviaire… et la captation de carbone. Je me demande bien qui pourrait nous donner de tels conseils ? Un service de la Ville ou de l’arrondissement Mercier-Hochelaga-Maisonneuve ? L’Institut de recherche en biologie végétale (situé au Jardin botanique) ? Le Conseil régional de l’environnement ? Je cherche ! Si vous avez des suggestions…

Hé oui, il y a même des cerisiers de Virginie…
Ce que ma mère appelait des « cerises à grappes ».

Merci au groupe Facebook La flore du Québec pour l’aide à l’identification de certaines. J’ai aussi utilisé les applications PlantNet, ainsi que les aides à la reconnaissance par images de Google et Bing. Pour les noms latin et anglais, j’ai eu recours à Canadensys.

le long de la voie maritime à vélo

Il existe une piste cyclable le long de la voie maritime du St-Laurent qui longe la rive sud, entre l’île Notre-Dame et la ville de Ste-Catherine. On y accède en passant par le pont Jacques-Cartier, quand on vient de l’est de Montréal, ou par le (nouveau) pont Champlain.

J’ai enregistré la randonnée avec une petite caméra attachée au guidon de mon vélo. J’ai par la suite ajouté un peu de musique et des commentaires sur une version accélérée (8X) de la vidéo produite avec iMovie. Ce qui donne ceci:

Petite pause le long de la piste cyclable de la voie maritime, en chemin vers Ste-Catherine

circuits piétonniers cartographiés

J’ai utilisé ces derniers temps l’application Strava, dans sa version gratuite. Je l’ai fait tout d’abord de manière inconstante, n’enregistrant pas les courtes randonnées (2-3 kilomètres) et oubliant parfois de « partir la machine » au début de la marche. Et je me suis rendu compte récemment que GoogleMap avait enregistré mes déplacements sa que je lui demande… et il me demandait, justement, s’il devait continuer d’enregistrer… 1) Quand l’application est ouverte ; 2) Tout le temps ; 3) Jamais.

J’ai choisi 2) Tout le temps. En me disant que ça pourrait remplacer Strava, et m’éviterait d’oublier de mettre en marche le compteur. Les premiers essais semblaient prometteurs : lors d’un circuit incluant une partie intermédiaire en autobus, GoogleMap distinguait automatiquement les modes de transport… et des totalisations distinctes pour la marche et l’autobus. Mais à l’usage, le fait que GoogleMap n’enregistre pas les portions intérieures de certains parcours (comme ces quelque 600-700 mètres de déambulation dans les couloirs du supermarché) m’a fait revenir à Strava.

Et j’ai décidé d’être plus constant dans mon utilisation, même pour les petits parcours — cela me permettra de faire des moyennes, ou de viser des moyennes. Genre : 5km par jour, en moyenne, avec des jours à 2-3 km et d’autres à 8-10.

  • derniers parcours piétons

Je vais faire de ce billet une page permanente à laquelle j’ajouterai régulièrement les derniers parcours et la suite d’une discussion éventuelle autour du partage de ces données de piétons parcourant Montréal, ou le Québec, ou le monde ! Mais c’est de tracer les « lignes de désir » des piétons montréalais qui m’intéresse, pour le moment. Un tel cumul de données sur l’utilisation piétonnière pourrait éventuellement orienter, soutenir des aménagements incitatifs ou simplement adaptés (genre : ++++ de bancs !).

La ville de Montréal avec son service de données ouvertes pourrait servir de lieu de dépôt des parcours de piétons cumulés, enregistrés par les différentes applications et plateformes de géolocalisation. La partie difficile sera de convaincre les GoogleMap, Strava, MapMyWalk de ce monde de 1) traduire les données recueillies dans un format interopérable; 2) et permettre à l’usager de partager ces données, s’il le désire.

D’autres villes ont peut-être expérimenté dans ce domaine ? Je me renseigne…

en complément

Citations et portions de textes laissés sur la table du billet précédent une convention citoyenne à la québécoise ?

Québec

«interrogés en juin dernier par Léger Marketing, 67 % des Québécois faisaient passer l’amélioration de la qualité de vie, de l’environnement et de la santé bien devant la croissance de l’économie comme priorité au sortir de la pandémie.»

Les fondations philanthropiques s’adressent à M. Legault : Pour une relance verte, solidaire et prospère,

France

La Convention est une des formules imaginée par le président de la République pour sortir du conflit ouvert par les Gilets jaunes. Elle reposait sur deux spécificités : le mode désignation de ses membres par tirage au sort ; les propositions à faire pour réduire de 40% les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. La Convention citoyenne relance la question démocratique – C6R

Elle a remis son rapport en juin dernier, après des travaux qui se sont étalés sur 9 mois, d’octobre 2019 à juin 2020.

Royaume-Uni

L’assemblée pour le climat du Royaume-Uni remettait son rapport en septembre dernier : The path to net zero. Le chemin vers la neutralité carbone en 2050.

Amid often polarised political debate, ordinary people were able to judge evidence and ideas against their own experiences. They arrived at judgements that balanced competing values, such as freedom of choice and fairness to different social groups.

[T]he kind of climate action the general public are willing to accept when they have the opportunity to learn and deliberate together.

L’efficace de la délibération

Extraits de Power to the people, Science, 30 octobre 2020.

[M]inipublics are an excellent way to integrate public values with advice from scientists and ethicists. “Scientists don’t have a monopoly on public values,” he says. says John Dryzek, a political scientist at the University of Canberra

With facilitators making space for everyone to chime in, Wali says no one dominated in the small group discussions. A poll of members found that 94% felt their views were respected, even when others disagreed, and 95% felt they were given “ample opportunity” to express their views. In an age of polarization, a willingness to respectfully hear other views, and the reasons people hold them, changes the hostile dynamic of politics entirely, says Alice Siu, a political scientist at Stanford University: “Something magical happens.”

[W]ith high-quality information, facilitators to keep discussions on track, and rules to enforce civility, it is possible to steer people away from group biases, van der Linden says. (…) most of the people in a minipublic have no history of activism or involvement with an issue, and so they’re in a good position to reflect on what they hear.”

Fishkin trademarked the term “deliberative poll” partly to maintain quality control, and Chwalisz and her colleagues have published guidance on best practices.

But in an analysis of data on the policy impact of 55 minipublics, Chwalisz and her colleagues found that, 75% of the time, public authorities implemented more than half the citizens’ suggestions. Only six minipublics in the sample saw none of their recommendations implemented.

Keeping minipublics in an advisory role, rather than enabling them to produce binding recommendations, is more truly democratic, says Cristina Lafont, a political philosopher at Northwestern University.

Dryzek agrees that democracies should not blindly defer to the decisions of minipublics. But they still offer a critical piece of information for policymakers that experts can’t provide, he argues: a meaningful gauge of public values.


Peut-on imaginer des dizaines d’assemblées citoyennes, comme je le suggérais dans le dernier billet : Autrement dit, ce sont cent assemblées citoyennes qu’il faut créer ? La difficulté est d’autant plus grande que plus on s’approche du terrain (secteurs, régions et quartiers urbains) et plus il devient difficile de trouver des gens qui ne sont pas parties prenantes des enjeux liés aux industries de la région ou du secteur. Mais en même temps, si les changements que nous devons envisager à nos modes de transport, de production et de consommation relèvent vraiment d’un « changement de paradigme » plutôt que d’un simple accommodement, alors il n’est pas inutile de prévoir des modalités de réflexion et de planification qui dépassent le « business as usual« .

Une réflexion citoyenne sur les manières de réduire notre impact sur le climat ne devrait pas être étrangère aux efforts que nous devrions déployer pour mieux planifier notre développement urbain (ici je parle pour Montréal). Il est grand temps que Montréal refasse un exercice de véritable planification, en intégrant les considérations environnementales et climatiques d’aujourd’hui. Cela éviterait peut-être que nous laissions simplement les promoteurs définir la ville de demain, en oubliant tout ce qui ne leur rapporte pas : écoles, services de proximité, parcs…

Intéressant de comparer les grandes villes canadiennes en tant que « villes du quart d’heure » (15 minutes cities).

Proportion de la population vivant dans des quartiers avec services à proximité, permettant plus de déplacements à pied ou à vélo. Ce pourcentage monte à 72% pour Vancouver et n’est que de 10% pour Ottawa ou Halifax.

Il ne faut pas voir la « densification » uniquement comme une contrainte, mais plutôt comme une libération de notre dépendance aux transports motorisés… et un « réensauvagement » possible de certains espaces. Ce sont des sujets qui mériteraient grandement qu’on s’y penche avec sérieux, en intégrant les données scientifiques et nos valeurs, celles que nous désirons léguer à nos petits-enfants.