une place où vivre ou un placement ?

Note: cet article est le premier de deux. Le second est par ici.

Si l’acquisition d’une propriété s’est imposée après la Seconde Guerre mondiale comme un placement judicieux pour préparer ses vieux jours, elle est plutôt vue, depuis plusieurs années, comme un investissement dont on attend de généreux retours à plus ou moins brèves échéances. Les flips immobiliers, la multiplication des fiducies de placement immobilier, les rénovictions et la financiarisation des grands projets résidentiels constituent autant de manifestations d’une évolution qui contribue à l’augmentation du nombre de laissés-pour-compte. [Je souligne]

De la crise du logement à la crise de l’habiter, par Gérard Beaudet et Marie-Sophie Banville

Les questions de l’habitation, de la crise du logement, de la bulle immobilière ont fait l’objet de plusieurs publications et dossiers récemment. La revue Possibles publiait Habiter l’habitat. Perspectives sur la crise du logement1Une revue en accès libre en juin dernier. Une dimension historique (Offrir un toit aux plus démunis: chronique de la production du logement social, par Gérard Beaudet; Aider le marché plutôt que s’y soustraire.: Petite histoire des politiques publiques d’aide à la construction de logements par Louis Gaudreau), des approches féministe, décoloniale, philosophique

Le graphique suivant donne une idée de la croissance depuis 30 ans, qui fut encore accélérée au cours des années de pandémie. L’inabordabilité du logement est un phénomène récent…

Extrait de Des logements hors de prix, Philippe Meloche. 

« Très peu de ménages propriétaires assument en fait le prix de marché pour se loger. C’est la raison pour laquelle les logements demeurent abordables pour une part importante des ménages malgré les hausses de prix des dernières années. Il n’y a que les premiers acheteurs qui sont exposés aux prix des transactions, ce qui soulève des questions d’équité intergénérationnelle dans l’accès au logement (Meen et Whitehead 2020; Glaeser et Gyourko 2018) » 2 Extrait de Des logements hors de prix, Philippe Meloche p. 20

Dans sa « Petite histoire des politiques… » Louis Gaudreau note : « on assiste, depuis peu, à l’émergence de projets collectifs qui, sans nécessairement rompre avec la logique du marché, tentent de lui imposer certaines limites et de faire prévaloir l’usage sur l’échange, comme le veut l’expression consacrée. Parmi ceux-ci, on compte des coopératives de propriétaires, des fiducies foncières communautaires et des projets de logements abordables pour étudiant.es. Ces initiatives sont cependant freinées par le marché lui-même qui leur impose des coûts d’acquisition de terrains et de construction susceptibles d’en compromettre l’abordabilité si ce n’est la viabilité. » (je souligne)

L’article écrit par trois gestionnaires d’OBNL en logement, (Ré)occuper l’immobilier: perspectives croisées sur la production du logement abordable au Québec, annonçait (sans le dire) la création du regroupement Achat qui fut lancé officiellement en décembre. J’y reviendrai.

La revue À bâbord publiait dans sa dernière édition (#94) un dossier Financiarisation du logement. Champ libre au privé.

Nous prenons clairement parti en faveur d’un grand chantier de logements sociaux et communautaires, en ville comme en région. En plus de permettre de loger convenablement et sécuritairement des milliers de familles et de personnes seules, ce chantier permettrait de ralentir la financiarisation immobilière résidentielle qui profite du laisser-aller de l’État, tout en répondant mieux aux pressions démographiques exercées dans la majorité des régions du Québec.

Financiarisation du logement. Champ libre au privé.

des solutions ?

La SCHL évalue qu’il faudra construire 3,2 millions de logements d’ici 2030, dont 620 000 au Québec. Le gouvernement fédéral avec sa Stratégie nationale sur le logement investira plus de 72 milliards de dollars au cours des 10 prochaines années3le directeur parlementaire du budget du Canada affirme sans détour que les programmes de la Stratégie nationale sur le logement (SNL) ne rejoignent pas les clientèles cibles. Cité par Louis-Philippe Myre dans (Ré)occuper l’immobilier. L’appel à la densification des villes, pour augmenter le nombre de logements construits sur les (rares) terrains disponibles (dans les grandes villes) conduit à parfois à créer des « voisinages sans âme » dont Griffintown constitue un exemple. Richard Ryan propose une intéressante Petite réflexion sur la densification. Le même auteur, dans cet autre article, dénonce la confusion et le caractère inapproprié des politiques actuelles visant l’abordabilité des logements.

Seuls les logements à l’abri de ce libre marché sur du long terme, soit appartenant à des coops, des OBNLs d’habitation, des sociétés immobilières à but non lucratif ou des logements municipalisés comme ceux de l’Office municipal d’habitation ou de la Société d’habitation et développement de Montréal, avec un financement adéquat par les paliers supérieurs, peuvent être une vraie réponse à l’abordabilité pérenne.

Densifier ne peut pas être la seule réponse à la crise du logement, Richard Ryan

La création récente de l’Alliance des corporations d’habitations abordables du territoire du Grand Montréal (ACHAT) est une initiative prometteuse afin de ne pas laisser les espaces encore « développables » au seul profit des promoteurs privés. Deux dirigeants de ces OBNL en habitation, François Giguère de SOLIDES et Louis-Philippe Myre de Interloge, témoignent de leur riche expérience et leur vision dans un article du numéro cité de la revue Possibles : (Ré)occuper l’immobilier: perspectives croisées sur la production du logement abordable au Québec.

La création de grappes et regroupements stratégiques est une piste de solution mais s’il faut seulement compter sur la générosité et l’intelligence des actuels gouvernements pour mieux financer le développement de ce secteur…

La conjoncture est propice pour interpeller les fondations et organismes de bienfaisance qui auront, à compter de 2023, à verser en dons 5% de leurs avoirs (plutôt que 3,5% comme c’était leur obligation jusqu’ici). En association (peut-être?) avec le droit de préemption que possède la ville de Montréal, on peut imaginer une stratégie d’acquisitions foncières qui viserait à doter de terrains les projets de développement de logements « hors marché » (coopératives, OBNL, OMH) — la seule manière d’assurer l’abordabilité à long terme. La gratuité (ou le prix réduit) de ces terrains garantirait, malgré la hausse des prix de construction, le caractère abordable des habitations construites.

Parce que le logement est important non seulement comme réponse à un besoin fondamental mais aussi comme part de l’épargne (environ 50% de l’épargne de la classe moyenne4Selon Piketty dans Le capital au XXIe siècle et part de l’économie (« quand le bâtiment va… ») il n’y aura pas de solution simple. Le graphique suivant, produit dans le cadre des travaux pour une offre équilibrée de logement (Balanced Supply of Housing) du Collectif canadien de recherche pour le logement, résume brillamment les différentes dimensions de la problématique. Une présentation détaillée (en anglais) de ce « plan de match » pour régler la crise du logement.

En cliquant sur l’image vous serez amené à une version interactive de cette image, où vous pourrez faire apparaître dans le carré vide de droite les descriptions des différents éléments en cliquant dans l’organigramme de gauche. Pour une présentation « déroulée » textuellement, voir : BSH Knowledge Mobilization Framework

Trois grandes stratégies

Ma traduction partielle de la page de présentation du « Gameplan ».

Développer le secteur à but non lucratif
Augmentez le stock existant – avec des ressources et des soutiens fédéraux et provinciaux pour faire face à un arriéré de maintenance et de mises à niveau requises.

Élargir le stock – avec des prêts gouvernementaux, des capitaux, des terres et d’autres soutiens au secteur du logement communautaire, et avec des incitations pour les propriétaires institutionnels et individuels à ajouter leurs propres terres et/ou maisons à un stock abordable pérenne. En raison de la rareté des terres disponibles dans nos centres urbains, il est impératif de tirer parti – et non pas simplement de liquider – les terres publiques à cette fin.

Créer des stratégies pour servir les plus vulnérables – y compris les groupes identifiés dans la Stratégie nationale actuelle du Canada en matière de logement : les femmes et les enfants fuyant la violence domestique, les personnes âgées, les jeunes adultes, les peuples autochtones, les sans-abri, les personnes handicapées, ceux qui s’occupent de problèmes de santé mentale et de dépendance, les anciens combattants, les groupes raciaux.

Réguler, corriger le marché du logement régulier
Réduire la demande préjudiciable – en suivant et en limitant les flux de capitaux mondiaux** dans l’immobilier local, en éliminant la propriété cachée, en pénalisant la spéculation excessive et le « retournement », en sévir contre le blanchiment d’argent et la fraude, en taxant les maisons vides, en restreignant et en réglementant les locations à court terme, et en tenant la ligne sur les test de stress hypothécaire et d’amortissement.

Développer et améliorer le bon approvisionnement – en ouvrant le zonage à faible densité pour faire de la place à une diversité de personnes et de foyers, en mettant l’accent sur plus d’unités de taille familiale et beaucoup plus de location spécialement construite (par exemple, assez pour entrer dans la fourchette de vacance de 3 à 5 %), en mettant l’accent agressive sur l’efficacité énergétique et la construction écologique, et en introduisant de nouvelles incitations à l’infrastructure provinciale et fédérale pour encourager les municipalités à faciliter les nouveaux approvisionnements.

Développer les protections pour les locataires et les logements locatifs – en protégeant les logements locatifs que nous avons déjà et en assurant de solides politiques de protection et d’assistance aux locataires.

Briser l’addiction aux valeurs immobilières
Rééquilibrer les impôts sur le logement et le revenu – Un changement fiscal bien conçu – par exemple la réduction des impôts sur le revenu et l’augmentation des impôts sur la richesse immobilière – profitera à la grande majorité, en gardant plus d’argent dans nos poches, en freinant les coûts du logement et des terres et en s’attaquant aux inégalités entre les locataires et les propriétaires et les jeunes et les moins jeunes. Une autre façon de le mettre en place : le rééquilibrage de notre système fiscal nous aidera à réduire la demande préjudiciable et à permettre une offre plus abordable.

« Dérisquer » le marché face à une baisse des prix – Alors que nous freinons les coûts, nous devons garder à l’esprit que la baisse de la valeur des maisons comporte des risques pour les ménages endettés et l’économie en général. Nous avons besoin de politiques capables de protéger contre ces risques, et c’est un domaine qui a besoin d’être plus étudié.

Améliorer continuellement la collecte et la synthèse des données – À travers tout cela, nous devons continuellement améliorer notre collecte et notre synthèse des données du marché du logement afin de prendre les meilleures décisions possibles fondées sur des données probantes. Cela devrait inclure un registre fédéral de la propriété effective, des informations supplémentaires sur les flux mondiaux de capitaux dans les biens immobiliers résidentiels canadiens et l’étendue actuelle de la propriété non résidente des logements locaux. (GB souligne)


** Il n’y a pas que les capitaux mondiaux : Plus de 40% des condos en Ontario sont des investissements (G&M, 2023.02.04)

Voir aussi l’article qui suit et complète ce tour d’horizon : À l’ombre des tours à fric.

Sources et autres références


Articles similaires

Notes

  • 1
    Une revue en accès libre
  • 2
    Extrait de Des logements hors de prix, Philippe Meloche p. 20
  • 3
    le directeur parlementaire du budget du Canada affirme sans détour que les programmes de la Stratégie nationale sur le logement (SNL) ne rejoignent pas les clientèles cibles. Cité par Louis-Philippe Myre dans (Ré)occuper l’immobilier
  • 4
    Selon Piketty dans Le capital au XXIe siècle

archives du LAREPPS

Le Laboratoire de recherche sur les pratiques et politiques sociales (LAREPPS) de l’UQAM a mené des recherches pendant plus de 15 ans, sous la direction de Yves Vaillancourt, d’abord, puis de Lucie Dumais et Christian Jetté.

Le site web du laboratoire devait être refait pour rester compatible avec les normes du service informatique de l’Université. Il a fallu transférer les quelques 180 rapports de recherche accumulés au fil des ans dans un nouvel environnement. Le résultat n’est pas remarquable par sa facture graphique (!) mais plutôt par la richesse des contenus auxquels il donne accès, suivant les thèmes ou axes de recherche (Insertion, Logement social et hébergement, Services de proximité,Transversal) ou encore par mot-clé (étiquettes) ou encore par ordre chronologique. La documentation relatant l’histoire du laboratoire a aussi été préservée. On peut rechercher dans l’ensemble des résumés de recherche en utilisant le module au bas de la page d’accueil.

Alors que j’étais organisateur communautaire en CLSC (et CSSS) j’ai eu la chance de participer à plusieurs des rencontres annuelles entre praticiens et chercheurs qui nous permettaient de réfléchir aux enjeux soulevés par les innovations et les politiques en insertion sociale, économie sociale ou développement social dont nous étions parties prenantes.

Si j’ai réalisé bénévolement le travail de transfert des contenus dans leur nouvel environnement, c’est qu’il me semble important de conserver un accès public 1plus facilement accessible que le seul dépôt-papier aux archives nationales à ces rapports de recherche qui portent sur des questions qui sont toujours à l’ordre du jour : les relations entre services publics et communautaires; la place de l’économie sociale dans les services de proximité et d’hébergement… Des dizaines de monographies relatant l’action et l’histoire de coopératives, d’OBNL ou de HML, des portraits régionaux des réseaux de services ou encore plusieurs monographies sur la transformation des CLSC en CSSS ont été réalisés de 1998 à 2014. Je suis persuadé que ces matériaux mériteraient de faire l’objet de méta-analyses qui seraient utiles à l’orientation future tant des services publics que privés ou communautaires.

Articles similaires

Notes

  • 1
    plus facilement accessible que le seul dépôt-papier aux archives nationales

innovation

Un mot à la mode, ces derniers jours, que l’innovation.

Article de Morozov, dans le New Republic, Our Naive « Innovation » Fetish : Left, right, and center—everyone loves the buzzword of modern America. Commentaire – traduction de Hubert Guillaud : Innovation, innovation, innovation…

Cahier spécial du Devoir sur l’innovation sociale, dont article de Michel Venne : Les grands enjeux de l’avenir sont liés à l’innovation sociale;  et L’innovation sociale est une réponse aux aspirations de la société (Marie Lambert-Chan); Entreprise sociale – Les modèles européens et nord-américains divergent (Marthe Nyssens , Jacques Defourny); Économie et mondialisation – Hier, une utopie, aujourd’hui, une réalité (Jean-Louis Laville); Des solutions locales devenues politiques publiques (Assïa Ketani); Action publique – Une crise utile ? (Juan-Luis Klein , Annie Camus , Christian Jetté). Un dossier publié dans le contexte du 4e colloque international du CRISES, sur le thème La transformation sociale par l’innovation sociale (programme pdf).

C’est sûr qu’un Centre de recherche sur les innovations sociales parle d’innovation… Mais comme le fait remarquer Morozov, l’innovation est devenu un « buzzword » : tout le monde est pour l’innovation. Mais l’innovation sociale, c’est différent non ?

Peut-être. Mais l’innovation sociale n’est pas toujours de gauche, ou progressiste. Elle peut accompagner les mouvements de privatisation ou de retour vers la responsabilité individuelle ou familiale de certains enjeux, certaines problématiques. Ce qui pourrait, implicitement, suggérer que les responsabilités publiques sont toujours à préserver, privilégier ? Non, et c’est justement parce que des initiatives sociales en marge des institutions publiques peuvent apparaître en conflit avec ces dernières que certains ont vite fait de disqualifier ces initiatives comme faisant le jeu de « la droite », ou du désinvestissement public. Sûr que si on n’a que deux couleurs à sa palette pour décrire le monde… On est soit noir ou blanc. Soit bleu, soit rouge… Alors qu’avec un peu de recul on voit bien que les politiques sociales d’aujourd’hui (et celles d’hier aussi) ont plus souvent été le fait de généralisation d’expérimentations faites à la marge des systèmes institutionnels que de génération spontanée issue de l’esprit de fonctionnaires ou politiciens inspirés.

Mais des innovations devenues politiques publiques sont parfois laissées à vivoter, pour ne pas dire à péricliter, quand elles touchent de trop près aux « acquis » des institutions en place. Je pense en particulier au réseau d’économie sociale en aide domestique. Nos innovations manquent-elles d’envergure ?

Ne devrait-on pas OSER, pour reprendre le slogan du Chantier sur l’économie sociale, mais oser plus grand : comment se fait-il que les grands projets de construction planifiés par les « bras immobiliers » de nos fonds de pension collectifs ressemblent à s’y méprendre aux entreprises des Trumps et IBM (Le Quad Windsor, à Montréal par Cadillac-Fairview & Un projet à Québec, par Ivanhoé-Cambridge) ? Est-ce ainsi que ces agents d’investissement de notre épargne collective voient la ville de demain ? Est-ce ainsi que nous inventerons un habiter durable ?

<Ajout> Innovations for social cohesion Transnational patterns and approaches from 20 European cities. Une recherche européenne dans 20 villes, 77 études de cas sur « l’influence des systèmes sociaux locaux sur les inégalités sociales et la façon dont ils favorisent la cohésion sociale ».</Ajout>

vieillissement anticipé

Trois rapports, rédigés en trois mois, pour donner suite à l’annonce par le président François Hollande d’un projet de loi d’adaptation de la société française au vieillissement de sa population.

Pour nourrir la réflexion ici au Québec, dans l’attente du projet du ministre Hébert sur l’assurance autonomie… Et si vous avez de la difficulté à vous y retrouver entre les EHPAD, EHPA, logement-foyers… ici une petite page utile.

Un compte rendu d’une étude réalisée en 2006-2007 Classification des personnes âgées en perte d’autonomie fonctionnelle (Réjean Hébert, aujourd’hui ministre de la santé, est l’un des 4 auteurs) comparant les grilles d’évaluation de l’autonomie des personnes âgées en France (AGGIR) et au Québec (ISO-SMAF). La grille québécoise semble plus fine (14 niveaux plutôt que 6) et plus apte, semble-t-il, à éviter le sur-financement.

Pour avoir une idée de la complexité des « mécanismes d’hébergement » québécois : mécanisme régional d’accès à l’hébergement de l’Agence de santé et de services sociaux de l’Abitibi-Témiscamingue (mars 2013, 83 p.).

J’ai par ailleurs cherché sans succès une copie des formulaires d’évaluation ISO-SMAF utilisés… Il y a bien une description des grands groupes d’autonomie, en annexe du document de l’Abitibi-Témiscamingue, ou encore la liste des 29 éléments constitutifs (voir page 6 du document comparant AGGIR et ISO-SMAF) mais j’ai pas trouvé de formulaire exhaustif… J’ai trouvé quelques infos sur le site du Centre d’expertise en santé de Sherbrooke, qui se décrit comme l’organisme responsable de la formation provinciale à l’utilisation des profils Iso-SMAF©.

« Suite à une évaluation SMAF®, les usagers sont classés parmi les 14 profils Iso-SMAF selon l’intensité et le type de service requis pour le maintien de leur autonomie. » [extraits du site du CESS]

Mais c’est quoi ces ® et © ? Est-ce pour cela que je ne réussis pas à trouver les outils utilisés pour mesurer l’autonomie : aurait-on fait de ces outils essentiels à l’application de politiques publiques des marques de commerce réservées ?

Beaucoup d’efforts mis pour mesurer objectivement, scientifiquement, les facettes et degrés divers de l’autonomie… dans une perspective où l’hébergement est vu comme le dernier recours et les services à domicile une denrée qu’il faut rationner. Comment marier cette approche de gestion de la rareté avec l’idée qu’il faut développer des milieux de vie attrayant, stimulant, socialement et physiquement… pour maintenir et favoriser l’exercice de l’autonomie ?

think-tank à large spectre

Le groupe britannique Demos** fête son 20e anniversaire avec de nouvelles publications (sur des thèmes qui semblent très proches des préoccupations du gouvernement Harper, tiens) mais aussi des évènements, dont ce lancement prochain d’un « nouveau » rapport Control Shift qui sera fait par le ministre de la société civile, Nick Hurd (de Grande-Bretagne ou du Royaume-Uni, je ne sais plus ?). Pourtant, n’est-ce pas le même rapport Control Shift qu’en décembre 2011, lancé à cette époque sous la bannière de Virgin Media ? Un discours sur la responsabilité et le risque, sur le transfert attendu, souhaité de responsabilité et de contrôle de l’État vers la communauté, l’individu. « there is a need for a rebalancing of the relationship between individuals, communities and the state (…) measures suggested to increase resilience and responsibity amongst individuals, families and neighbourhoods ».

Les cartes prépayées (The Power of Prepaid) comme moyen de distribution du soutien économique à certaines clientèles. Il semble que 25 % des « local autorities » utilisent déjà de telles cartes et qu’un autre 30 % comptent le faire dans la prochaine année. Ça me semble une manière plutôt de garder le contrôle que de le décentraliser. — À moins que les informations n’appartiennent au fournisseur, organisation locale, usager-client plutôt qu’au dépositaire ! On peut toujours rêver…

La mobilisation des communautés religieuses dans la livraison des services publics (Faithful Providers). « The report investigates 20 faith-motivated organisations across a variety of policy areas, finding little evidence to justify fears over aggressive preaching. (…) Local authorities should cease to view commissioning as purely an economic decision, and instead consider the added social value that charitable and faith providers bring ». Et même si la plupart des organisations religieuses sont non prosélytes en contexte de livraison de service, une partie le seront et vu la fragilité des clientèles… Mais l’effet « opiacé » de l’appartenance religieuse peut-il être socialement acceptable, particulièrement en fin de vie, ou durant des périodes difficiles? Et puis, il faut résister au raccourci idéologique faisant de la religion le vecteur du terrorisme. Saunders, dans le Globe and Mail,  note à quel point cette perception est fausse. Le rapport A Study of Radicalization: The Making of Islamist Extremists in Canada Today par le Service canadien du renseignement de sécurité ne dit pas autre chose.

Du site Demos, je me retrouve sur cette page, commentaire acidulé sur les réformes et tendances actuelles en couverture publique au Royaume-Uni (Social care reforms: clever politics, bad government) :

There is a dangerous lack of prevention and early intervention support to help older people stay independent at home. (…) Flying 15 minute visits short-change people who need help at home. The Care Quality Commission, the sector’s flagship regulator, checks process more forensically than quality.

** « Demos is Britain’s leading cross-party think tank. We produce original research, publish innovative thinkers and host thought-provoking events. We have spent 20 years at the centre of the policy debate, with an overarching mission to bring politics closer to people », tiré du document « Twenty years of ideas… » the 2013 Demos research strategy. (dont je ne retrouve plus l’adresse URL – mais je le dépose ici)

 

regard canadien sur le vieillissement

Parmi les documents recensés dans le dernier SantéPop : Les soins de santé au Canada 2011 : regard sur les personnes âgées et le vieillissement, et Mapping the Gaps: Ideas for Using GIS to Enhance Local Health Department Priority Setting and Program Planning (version PDF – 4,4Mo).

Le premier document (je reviendrai sur le second document dans un prochain billet) ne risque pas de changer grand chose : à répéter qu’il faut améliorer le continuum de services, développer la prévention et utiliser les nouvelles technologies… on ne surprendra personne. Mais avec la quatrième et dernière stratégie suggérée, curieusement passée sous silence dans la présentation de SantéPop, « recueillir des renseignements de meilleure qualité pour soutenir la prise de décision », on pourrait soulever un peu plus de poussière… Parmi les (innombrables) informations faisant défaut pour soutenir la prise de décision : la population, stratifiée par âge, dans les résidences d’hébergement avec services – corrélée avec les services rendus ou accessibles. Nous n’avons actuellement aucune mesure de recension véritable des personnes de 75 ans et plus dans leurs milieux de vie, alors pour avoir une idée de leurs besoins… on repassera. Il semble que la seule approximation que nous ayons soit de moins en moins fiable : la dernière livraison de Info-hébergement refuse de faire une évaluation par groupes d’âge des personnes hébergées dans les résidences pour personnes âgées avec services (comme on l’avait fait dans les éditions précédentes) à cause de la piètre qualité des données disponibles. Et le projet de loi 16, portant sur les principes et règles de l’accréditation de ces mêmes RPAS ne semble pas sur le point d’améliorer la situation : si j’ai bien compris les débats de la commission parlementaire sur ce projet de loi, on s’apprêterait à augmenter les critères pour reconnaître les résidences – celles-ci devraient dorénavant offrir deux services ou plus avant d’être dans l’obligation de demander une accréditation. Ce qui aurait, paradoxalement, pour effet de réduire ou d’éliminer tout critère pour les résidences pour personnes âgées n’offrant qu’un service. On voit déjà les manigances de certains pour externaliser tous les services – se glissant ainsi sous le radar de surveillance de la santé de nos ainés dont nous avons un urgent besoin.

Les questions soulevées par ce Regard sur les personnes âgées vont quand même au delà des lieux communs déjà cités. On y dégonfle quelque peu le mythe du poids insupportable du vieillissement sur le système de santé.

Durant la dernière décennie, le vieillissement de la population n’a joué qu’un rôle modéré dans la hausse des dépenses de santé du secteur public, représentant chaque année une hausse de moins de 1 % de ces dépenses. Continuer la lecture de « regard canadien sur le vieillissement »

crédit d’impôt remboursable maintien à domicile

Le crédit d’impôt remboursable pour maintien à domicile d’une personne âgée est une mesure fiscale du gouvernement québécois visant les personnes de 70 ans et plus habitant une résidence avec service ou encore habitant un domicile ordinaire. Le coût de cette mesure est passé depuis 2005, de 91$M à 236$M en 2010 (249$M prévus en 2011). Voir le document Dépenses fiscales 2010, page 59.

J’étais curieux de voir la répartition géographique de l’utilisation de ce crédit d’impôt. De fait j’aurais aimé avoir une ventilation par territoire de CSSS… Pour le moment j’ai obtenu, pour l’année 2010, assez rapidement de la part du ministère des finances, une répartition par région administrative. Un total de 212 945 personnes de 70 ans et plus ont obtenu près de 245$M en crédits d’impôts pour le maintien à domicile pour personnes âgées. Je n’ai pu avoir le détail du type de résidences où logeaient ces personnes, seulement pour celles qui demandaient un remboursement anticipé mensuel, soit la moitié des personnes subventionnées. Pour ce groupe, soient quelques 106 000 contribuables, 91 % d’entre eux vivaient en résidences avec services.

La moyenne de remboursement, à l’échelle du Québec, était en 2010 de 1149 $ par personnes. À Montréal elle était de 1008$. Le dernier rapport détaillé Statistiques fiscales des particuliers disponible pour l’année d’imposition 2008 nous permet de voir l’utilisation de ce crédit d’impôt par MRC, régions administratives, mais aussi par circonscriptions électorales provinciales (ce qui est encore mieux que par CSSS !).

Ainsi, la moyenne des crédits d’impôt pour le maintien à domicile d’une personne âgée en 2008 était de 1137$ au Québec, 1044$ à Montréal, mais de 763 $ dans la circonscription de Rosemont, 825$ dans Hochelaga-Maisonneuve, 922$ dans Bourget, 854$ dans Anjou. Si on se déplace vers d’autres quartiers, mieux nantis, la moyenne de remboursement était de 1179$ dans Saint-Laurent, 1236$ dans D’Arcy-McGee et 1721$ dans Westmount-St-Louis.

Ce qui n’est pas surprenant considérant que le taux remboursement est unique, c’est à dire fixé à 30 % des dépenses admissibles. Ainsi faut-il que la personne débourse 70 % du coût du service pour obtenir un remboursement. Pourquoi n’y a-t-il pas une échelle progressive, comme c’est le cas du crédit d’impôt pour la garde d’enfants (qui représente 274$M par an) ?

données de l’OCDE sur les familles

Un ensemble d’indicateurs à propos des familles (La base de données de l’OCDE sur la famille) sont disponibles pour les pays de l’OCDE. Les thèmes abordés – pour chaque section de nombreux indicateurs sont fournis, en format PDF et tableur Excel :

1. Composition des familles

  • Familles et enfants
  • Indicateurs relatifs à la fécondité
  • Etat matrimonial et union consensuelle

2. Situation des familles du point de vue du marché du travail

  • Familles, enfants et situation au regard de l’emploi
  • Temps de travail et temps consacré aux tâches familiales

3. Politiques des pouvoirs publics concernant les familles et les enfants

  • Aide générale aux familles ayant des enfants par le biais du système d’imposition/de prestations
  • Congés liés aux enfants
  • Services institutionnalisés de garde et d’éducation des très jeunes enfants
  • Typologie des prestations pour garde des enfants et montant net des frais supportés par les parents selon le type de famille et le niveau de revenu

4. Situation des enfants

  • Santé des enfants
  • Pauvreté chez les enfants
  • Education/maîtrise des savoirs fondamentaux
  • Participation à la vie sociale

La base de données de l’OCDE sur la famille