Ce sont des carnets (ou blogues) tenus par des individus. Qui épiloguent sur le monde, leur monde ou celui de la planète… Un prof de physique à la retraite de l’UCSD qui s’est mis à philosopher plus qu’à compter… un prof de sciences de l’information encore actif et militant, une amoureuse du potager, des livres et des calendriers, un lecteur vorace de livres sur l’actualité politique, numérique, écologique, un poète urbain installé au Japon, un poète de la ruralité française qui suit l’actualité en trois langues, un blogueur devenu attaché à la mairie de Québec qui continue tout de même à écrire…
Ce quelques-unes des plumes que je suis sur le Web, certaines depuis plus de vingt ans. J’aurais pu ajouter à cette liste Scripting News, de Dave Winer, ou encore Cory Doctorow, dont j’ai parlé récemment. Mais j’ai voulu éviter de donner un caractère trop technophile à cette courte liste.
Do the math
Tom Murphy est un (jeune) professeur émérite de physique et astrophysique à l’Université de Californie à San Diego, qui a écrit son propre « textbook » en matière d’énergie et d’environnement (parce que ceux disponibles n’étaient pas assez critiques). Son carnet, intitulé Do the math (Faites le calcul), a évolué depuis 2011 vers un contenu plus philosophique mais toujours intéressé par les enjeux de survie d’une espèce aux ambitions démesurées sur une planète aux ressources finies.
Il notait dans « Confessions of a Disillusioned Scientist«
« [I am] feeling a little ashamed and embarrassed to have devoted so much of my life to what I now see as a misguided cause that has done more harm than good in this world. »
(Je me sens un peu honteux et gêné d’avoir consacré une si grande partie de ma vie à ce que je considère maintenant comme une cause malavisée qui a fait plus de mal que de bien dans ce monde.)
Dans ses récents billets (My God: It’s Evolution!; A Religion of Life) il proposait de considérer l’évolution comme une religion permettant d’appréhender ce qui ne peut être connu, dans le respect de la vie, toute forme de vie; avec humilité et reconnaissance du fait que les humains ne sont pas le summum de la création… Nous appartenons à la planète, elle ne nous appartient pas. Dans une langue accessible il aborde des questions aussi fondamentales que le matérialisme (Mysterious Materialism), le libre-arbitre (Free Will: Good Riddance), la soutenabilité (Sustainable Timescales)…
Affordance
Un carnet bien informé et critique de Olivier Ertzscheid, qui est depuis 2005 enseignant-chercheur (Maître de Conférences) en sciences de l’information et de la communication à l’université de Nantes. Dans un billet récent :
« soit l’on considère que l’écosystème discursif de X est à ce point toxique qu’il est totalement impossible d’y faire vivre quelque forme que ce soit de rationalité ou d’argumentation scientifique et alors en effet on s’en va. Soit l’on considère que c’est précisément parce que c’est devenu presqu’impossible qu’il faut s’y maintenir pour garder ouvert ce possible, si restreint soit-il. (…) à l’époque où l’on se posait la question de savoir si les universitaires (et les universités) devaient “aller” sur Facebook et y être “ami.e.s” avec leurs étudiant.e.s. J’étais convaincu qu’il le fallait, précisément pour pouvoir capter la puissance de prescription de ces plateformes et l’utiliser à notre avantage, et aussi pour y “faire estrade”, c’est à dire (un peu pompeusement certes) pour s’offrir la possibilité d’y faire exister d’autres discours que ceux naturellement poussés par la plateforme et en épousant parfaitement les formes. (…) j’ai aussi la conviction que dans un univers de discours de plus en plus délétère qui s’étend de la télévision aux médias sociaux, de CNews à X, de Bolloré à Musk, il nous faut aussi tenir ces places et continuer d’y faire exister une parole, une posture et une sociologie scientifique et universitaire.
Et si les universités restaient sur X plutôt que d’en partir ?
By My Solitary Hearth
Presque chaque jour Eliza Daley y va d’un commentaire érudit sur le calendrier, et son utilisation traditionnelle par les cultivateurs, dans les cultures religieuses ou de l’antiquité. Par exemple le billet du 13 février porte sur le Mardi Gras, sa signification historique (il fallait consommer les gras qu’on avait avant le carême qui commence le lendemain). Un mot sur le sirop d’érable, puis une recette de crêpes aux pommes et bourbon… Ou encore le billet du 14 février qui m’a fait connaître le vrai Valentin, et même les racines pré-chrétiennes de cette fête.
Parfois, souvent, un commentaire caustique sur la société de consommation, la culture du porter-jeter…
Dans un billet du 8 février, intitulé Our future isn’t a problem to be solved… (ma traduction, assistée)
Tout est connecté. Je pense plutôt que le « solutionnisme » est l’outil de l’élite mondiale, ceux qui veulent conserver le contrôle grâce à des correctifs descendants (top-down). La pensée unique est l’outil du maître. Une formule qui nous a amenés jusqu’ici, là où nous sommes embourbés dans un gâchis interconnecté dont le fonctionnement est problématique pour la survie humaine. Mais tout cela n’est pas un problème – c’est juste la vie qui rétablit l’équilibre après qu’une de ses parties se soit un peu éprise d’elle-même – et il n’y a donc pas de solution.
Hubert Guillaud
Un pionnier du Web qui animait un blogue Le Romanais, en 2004-2005… qui nourrissait mes propres initiatives avec les aînés du quartier Hochelaga-Maisonneuve à la même époque (Un cours sur les blogs, sur Gilles en vrac, mars 2005). C’est surtout un commentateur-analyste de l’actualité technologique et politique dont j’ai suivi les publications sur Internet Actu pendant des années. Avec l’arrêt des publications de ce médium, j’avais perdu sa trace. Que je retrouve aujourd’hui grâce à un commentaire laissé par Hubert sur un billet d’Affordance.
Des billets en forme de commentaire élaborés sur des parutions récentes. Les trois derniers billets relatifs à la parution d’un livre sur la démocratie, d’un autre sur la nouvelle ruée minière, puis sur le risque fasciste de l’IA. (Extraits de ce dernier billet) :
Pour McQuillan, l’IA agit comme une forme de métapolitique. Du fait même des opérations qu’elle propose, l’IA risque de nous conduire à une fascisation du monde. D’où la nécessité d’avoir une approche anti-fasciste pour la contrer.
Il n’y a rien d’intelligent dans l’IA. Elle est présentée comme une forme de cognition, alors que les concepts opérationnels de l’IA ne sont ni l’intelligence ni l’apprentissage, mais l’optimisation et l’efficacité. Et “l’efficacité n’a rien à voir avec la justice”, rappelait-il lors d’une intervention au séminaire Critique de l’intelligence artificielle.
Le risque de l’IA n’est pas la super-intelligence, mais au contraire le solutionnisme populiste qui risque d’émerger de la convergence entre le capitalisme de la Silicon Valley et les politiques d’extrême droite qui montent un peu partout.
Le risque fasciste de l’IA
Carnets de La Grange
Karl Dubost est un Français qui vivait au Québec et était LA vedette, ou plutôt une des vedettes du petit monde des blogueurs montréalais quand j’ai fréquenté, parfois, les rencontres mensuelles à La Cabane, sur St-Laurent. Il travaillait pour la W3C (il le fait encore, je crois), cet organisme responsable des standards de l’internet. Il s’est installé au Japon depuis une vingtaine d’années et continue ses Carnets de La Grange. J’ai toujours admiré le caractère poétique de ses billets, toujours illustrés d’une photo originale, relatant l’esprit du moment (ou du lieu). Un extrait du livre qu’il est à lire… un commentaire à caractère technologique, ou philosophique.
Extrait du billet du 8 février
Cette partie de phrase « produire de l’inutile beauté » est restée longtemps avec moi cette semaine. Pas une permanence, mais une brise entre les feuilles. L’inutile beauté, celle qui existe sans présumption, sans obligations, sans intentions. Elle est là. Elle n’est pas utile. Elle n’a pas besoin d’être utile.
Urban Bike
Le carnet de Jean-Christophe Courte a évolué depuis 20 ans, du commentaire technophile sur les applications utiles au travailleur autonome (utilisateur des produits Apple) à domicile (déjà) vers un flux de petites nouvelles (résumées en un paragraphe français, liées à l’original en français, italien, espagnol ou anglais) sur les sciences, la politique internationale, les technologies… J’y apprends, entre autres :
Grâce à des expériences menées tant en laboratoire que sur le terrain, les auteurs de l’étude ont découvert que le radical nitrate, le composé dominant pendant les heures nocturnes dans certaines des zones les plus polluées, dégrade rapidement les composés aromatiques produits par les primevères, les rendant introuvables pour les papillons de nuit. Il en résulte une baisse moyenne de 70 % des visites des insectes sur les fleurs, qui voient ainsi leur capacité à se reproduire altérée.
L’inquinamento può cancellare il profumo dei fiori – Terra e Poli – Ansa.it
Jeux de mots et d’images
Le blogue personnel de Clément Laberge, blogueur de la première heure, devenu conseiller politique auprès du maire de Québec et qui a maintenu (à un moindre rythme) son activité d’écriture publique.
« Ce matin, je me dis que ce début d’année frénétique est un bon moment pour se rappeler l’humilité qui devrait habiter les politiciennes et les politiciens: ils ne peuvent pas réaliser seuls les changements qu’ils initient. »
« Quand on a le privilège d’exercer le pouvoir politique, notre plus grande responsabilité c’est de nourrir la confiance dans la démocratie. »
« En démocratie, l’objectif ne peut pas être l’unanimité, ni même le consensus. L’objectif c’est que les décisions nécessaires se prennent aussi rapidement que possible, dans le cadre de processus qui visent à susciter l’adhésion. »
Le plus vite possible, 3 février 2024
Straphanger
Le carnet d’un montréalais globetrotteur sur un monde au delà de l’automobile, Taras Grescoe. Je le suivais sur Twitter, qu’il a quitté pour Substack, qu’il a aussi quitté pour une autre plateforme. Ses billets relatent souvent des voyages qu’il fait ou a fait… Il a aussi écrit sur la nourriture dans le monde, et d’autres textes de « fictions documentées ».
Évidemment je ne lis pas que des blogues ! Dans mon prochain billet je ferai la courte liste des revues et médias collectifs qui, aussi, m’inspirent et m’informent.